Bas les masques !

Le séminaire, une école de vérité

Parmi les différents objectifs de la formation, il y en a un qu’il est bon de mettre en valeur : acquérir une connaissance vraie et sans artifice de soi-même. Pour toute éducation, c’est fondamental.

Cette vérité sur soi-même est effectivement la pierre angulaire de tout processus de maturation humaine. On ne peut parvenir à une maturité humaine et affective suffisante que si l’on a préalablement fait la vérité sur soi. On ne peut s’aimer soi-même en vérité et s’engager en connaissance de cause que si l’on a atteint une authentique connaissance de soi.

Certains pensent peut-être que cette maturité humaine et cette connaissance de soi doivent s’acquérir avant d’entrer au séminaire. On entend souvent dire qu’il ne faudrait admettre au séminaire que des hommes mûrs.

Cela signifierait qu’il n’y a que dans le monde, à l’extérieur du séminaire, que l’on pourrait mûrir.

Cependant l’expérience des séminaristes contredit ce principe. En effet, au cours de leur première année les séminaristes, quel que soit leur âge et leur expérience de la vie, font une découverte unique de ce qu’ils sont vraiment. Des masques tombent. Voyant le positif, ils se découvrent avec des qualités qu’ils n’osaient pas assumer ou même qu’ils ne soupçonnaient même pas. Mais ils acceptent aussi leurs blessures, leurs limites et les aspects sombres de leur personnalité. Ceux qui avaient plus ou moins consciemment mis en place des masques, pour se protéger et trouver leur place dans la société qui donne une grande place au paraître, laissent plus ou moins facilement tomber ces masques. Prise de conscience, découverte, acceptation, marquent la vie d’un séminariste. C’est alors la grande joie de pouvoir dire simplement et en vérité : « Maintenant, je sais mieux qui je suis vraiment ! » Le secret de cette alchimie qui conduit à la vérité sur soi-même est à la croisée de deux grands axes de formation, mis en place à l’aide de moyens concrets que l’on peut désormais exposer.

Découvrir la joie d’être soi-même

En premier lieu, tout est donné au séminariste pour qu’il puisse se reconnaître tel qu’il est vraiment sous le regard de Dieu, regard qui s’incarne dans celui de Jésus-Christ. La confession hebdomadaire, la direction spirituelle régulière et les entretiens avec le supérieur (appelés « points fixes ») sont autant de lieux de reprise, où les séminaristes recourant à différentes médiations humaines prennent progressivement conscience de leur identité. C’est dans ce véritable travail de relecture que se produit leur maturation. Parfois dans la joie, quelquefois dans la douleur, les séminaristes parviennent à cette acceptation d’eux-mêmes. Beau cadeau, même s’il est quelquefois exigeant de donner à un homme l’occasion de se connaître. En fait, c’est au cours de l’oraison silencieuse, et dans le cœur à cœur quotidien avec le Christ que s’opère ce passage des ténèbres à la lumière. En entendant la parole du Christ qui nous assure qu’Il est la Vérité, l’on parvient à désirer prendre le risque de faire la vérité sur soi-même, avec les conséquences que l’on peut redouter à première vue. Comme saint Pierre et saint Paul, on apprend à fonder sa vie dans la foi au fils de Dieu.

En plus de cette démarche spirituelle, il faut compter sur la vie commune et fraternelle qui apparaît comme le détonateur, le révélateur et le catalyseur de cette découverte. En effet, il faut apprendre à vivre avec des frères que l’on a pas choisi et surtout que l’on ne peut pas fuir. Avec un peu d’humour, nous nous disons que nous sommes « condamnés » à vivre ensemble. Le frère est pourtant comme un miroir de ce que nous sommes. Il faut apprendre à le regarder en face. Un enjeu caractéristique de notre formation se joue là. Dépasser ses affections naturelles, supporter un frère avec qui on a en apparence peu de points communs, accepter un certain esprit de taquinerie qui remet en cause, faire l’expérience concrète du pardon donné et reçu, sont autant d’attitudes qui tissent la vie ordinaire des séminaristes. Et à travers toutes ces expériences relationnelles, la vérité sur soi se dessine progressivement. Les masques étant tombés, les séminaristes sont alors plus à même de discerner en vérité l’effectivité de leur vocation. C’est en aimant en acte et en vérité qu’ils goûtent la joie d’être eux-mêmes tout simplement. C’est ce que disent les gens qui passent à Candé. Le sourire vrai d’un séminariste est le signe le plus probant qu’il est sur le chemin de la vérité.