Coopérateurs de la vérité
Formation intellectuelle des prêtres
Avant la cérémonie des ordinations et la dispersion des vacances, un ultime effort est demandé aux séminaristes : la fin de l’année scolaire et les examens du second semestre, occasion de revenir sur l’organisation de la formation intellectuelle à Evron.
Les examens du seminaire
À chaque fin de semestre, l’ambiance se fait encore plus studieuse à Evron. Entre la bibliothèque et les salles d’étude règne une certaine effervescence : le caractère détendu des révisions et des examens n’est pas incompatible avec un certain esprit d’émulation et d’entraînement. Après la session de janvier où les séminaristes ont surtout passé des examens écrits, cette session de juin est marquée par des examens oraux : environs un tous les deux jours pendant trois semaines, pour être interrogés minutieusement dans chaque matière. L’enjeu de ces examens ? Il ne s’agit ni du passage dans l’année supérieure, ni de la meilleure place dans le classement final, mais d’un enjeu bien supérieur encore : il est demandé à chacun de rendre compte de sa foi, de transmettre ce qu’il a contemplé et perçu du mystère de Dieu.
C’est pourquoi la formation intellectuelle du futur prêtre ne peut être séparée de son expérience personnelle de Dieu qui lui permet de dépasser une science purement notionnelle pour parvenir à une intelligence du cœur. Dans la lettre de Benoît XVI aux séminaristes, c’est sans aucun doute le point sur lequel il s’étend davantage. C’est peut-être l’ancien professeur qui parle. Toujours est-il que Benoît XVI prend le temps de justifier la valeur de chacune des disciplines tout en précisant qu’elles n’ont pas forcément une valeur immédiatement pastorale : « Étudiez avec sérieux ! Mettez à profit les années d’étude ! Vous ne vous en repentirez pas. Certes, souvent la matière des études semble très éloignée de la pratique de la vie chrétienne et du service pastoral. Toutefois il est complètement erroné de poser toujours immédiatement la question pragmatique : est-ce que cela pourra me servir plus tard ? Il ne s’agit pas justement d’apprendre seulement ce qui est évidemment utile, mais de connaître et de comprendre la structure interne de la foi dans sa totalité, pour qu’elle devienne ainsi réponse aux demandes des hommes, lesquels changent du point de vue extérieur de générations en générations, tout en restant au fond les mêmes ».
L’Ecole superieure de theologie d’Evron
Les examens sont donc l’occasion de ramasser et synthétiser les connaissances acquises au cours d’un semestre ; un semestre où les séminaristes ont chaque jour reçu quatre heures de cours le matin et disposé d’au moins trois heures d’étude personnelle et communautaire l’aprèsmidi. Ce rythme est suivi pendant six ans. Conformément aux orientations données par le Saint-Siège et l’Assemblée des évêques de France dans la Ratio Institutionis Sacerdotalis et la Ratio Studiorum promulguées en 1997), la formation délivrée au sein de notre École supérieure de théologie est répartie en deux cycles : un premier cycle de trois ans, centré sur l’étude de la philosophie, et un second cycle de quatre ans consacré à l’étude de la théologie (trois ans au séminaire, et une dernière année en parallèle avec un ministère de diacre). Cette formation, délivrée par notre propre corps professoral depuis 1993, est désormais sanctionnée par le baccalauréat en théologie, notre École étant depuis 5 ans affiliée à l’Université pontificale du Latran. Cette affiliation vient d’ailleurs d’être confirmée pour cinq nouvelles années.
» Cooperateurs de la verite «
Au cours de toutes ces années d’étude, le séminariste est appelé à se mettre à l’école des grands maîtres, tout spécialement saint Thomas d’Aquin, pour entrer progressivement avec la lumière de la raison dans le mystère de la foi. C’est ainsi qu’il peut développer une vénération amoureuse de la vérité, une vérité qui ne lui appartient pas, qui n’est ni créée ni mesurée par l’homme, mais qui lui est donnée par la Vérité suprême, Dieu. Comme le rappelait Benoît XVI dans son discours au clergé polonais, « il n’est pas nécessaire que le prêtre connaisse tous les courants de pensée actuels et changeants ; ce que les fidèles attendent de lui est qu’il soit le témoin de la sagesse éternelle contenue dans la Parole révélée. » Dans cette perspective, la dimension communautaire du travail intellectuel a toute sa place : les séminaristes s’éclairent et s’entraident mutuellement dans cette recherche. « Coopérateurs de la vérité », telle est la devise choisie par le Pape Benoît XVI, et celle que nous pourrions donner à l’École de théologie de Candé !
Les examens vus par un professeur
« Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés ». Le temps des examens met à rude épreuve non seulement l’étudiant, mais le professeur. Il ne s’agit pas encore du nombre de copies, que je n’ose pas comparer à celles des correcteurs du bac. Peut-être un jour ?
Les tentations pour le professeur sont nombreuses : chercher le compliment, se sentir jugé devant le deuxième professeur – à l’oral nous examinons à deux – se venger d’une participation trop modérée au cours… Ce qu’on cherche, c’est le bien de l’élève : qu’il passe cette épreuve comme une épreuve, justement. Il s’agit donc de vivre et de faire vivre ce moment de pression non seulement pour que la mémoire de l’élève en soit marquée par l’émotion – on se souvient longtemps d’un sujet préparé par un travail personnel en vue d’un examen – mais encore pour que cela serve à la charité. Ni trop dur, ni trop cool, l’examinateur cherche à entendre restituer sa matière plutôt avec cœur que par cœur. L’élève s’est-il investi dans l’étude ? Dans l’examen ? Cherche-t-il à dépasser le côté pénible de l’heure ? Même sur des sujets éloignés de la pastorale, cet instant où l’élève accepte d’être jugé dans un cadre institutionnel doit rester de l’ordre de l’utile, c’est encore une façon de servir.
Philippe Seys + prêtre