La solitude et le coeur vide dans le celibat
Une manière spécifique d’aimer
C’est la solitude, solitude physique, et encore plus solitude du cœur, qui affecte profondément ceux qui ont renoncé au mariage. Cependant, ce sentiment peut aller de pair avec une profonde union à Dieu. Mieux, la solitude est nécessaire à l’épanouissement du célibat, c’est-à-dire à l’amour du Seigneur et des hommes.
Cette expérience se fait tôt dans la vie des jeunes prêtres, des religieux et des religieuses, des laïcs consacrés. Elle deviendra douloureuse parce que lancinante. Des hommes, des femmes, des couples passent sous nos yeux, des femmes portant leurs enfants, des jeunes amoureux, des époux d’âge mûr. Chacun va son chemin. Il nous semble, à nous prêtres, qu’ils ne connaissent pas la solitude. Le soir, quand le consacré est seul, ces images lui reviennent en mémoire. Il a beau penser à Dieu, savoir qu’Il est en lui, la solitude demeure.
Il faut aimer cette solitude si nécessaire à l’épanouissement de l’amour voué à Dieu. Beaucoup en ont peur, et pourtant la vie quotidienne dans le célibat consacré est une merveilleuse voie de contemplation et d’union, dans la solitude.
Quand nous ressentons la solitude, le moment est venu de nous retourner vers Dieu, de lui redire que nous voulons répondre au choix qu’Il a fait de nous et Le suivre jusqu’où Il voudra nous entraîner. Dans la foi, il faut faire et refaire confiance à son amour et se dire qu’Il nous est plus présent que le plus aimant des conjoints, que le plus fidèle des amis. Sans oublier que la solitude peut toucher également les époux. Les époux aussi peuvent s’y enfermer au lieu de s’exercer à approfondir leur intimité.
Le coeur vide est en fait un coeur ouvert
Le sentiment de solitude ne doit pas fermer le cœur mais l’ouvrir. Il faut prendre en main cette solitude, en comprendre le sens, la faire sienne en se vidant le cœur de toute recherche et de toute attache. Nous arrivons ainsi à un état qui est présence totale à Dieu et aux hommes.
L’image du cœur vide est très belle, si on lui donne son vrai sens. Un cœur vide est un cœur transparent, un cœur purifié de toutes les caricatures de l’amour, un cœur débarrassé de tout attachement à lui-même. Ce cœur vide est en fait un cœur ouvert aux quatre dimensions du monde et capable d’accueillir ceux qui arrivent des quatre coins de l’horizon.
Plus un cœur est vidé, plus il devient semblable au Cœur ouvert par la lance, plus l’amour qu’il donne et qu’il reçoit est intense. Ce n’est plus un amour de sentiments et de paroles mais un don de tout l’être. L’amour divin et l’amour humain se rencontrent en ce point, au centre de nous-mêmes, au niveau inexprimable de ce que nous sommes. Il n’y a pas de mots pour décrire cette expérience qui laisse muet et ne peut être comprise que dans le partage.
Chez certains, la solitude a été mal reçue, mal vécue… Le résultat en est un cœur incapable d’aimer, un cœur durci, rétréci, fermé. Dans un tel cœur, l’amour de Dieu a du mal à habiter et à s’exprimer. A l’inverse, ceux qui ont bien compris le sens de cette solitude l’ont passionnément aimée. En elle, ils ont trouvé Dieu, un Dieu parfois absent et pourtant présent, en tous les cas toujours aimant. Un cœur ainsi vidé ne peut être qu’un cœur comblé, ouvert à Dieu et aux hommes.
Si Dieu impose d’ordinaire, à ceux qu’Il a choisis, de longues années de solitude humaine, c’est qu’Il veut devenir l’unique objet de leur amour. Il peut donc nous barrer le chemin des affections humaines, même légitimes, pour nous inviter à nous enfoncer dans l’expérience de Son amour.
A l’inverse, ce n’est qu’après des années de célibat vécu librement dans l’absolu de l’amour du Seigneur que le consacré pourra accéder aux amitiés véritables. L’amitié dans le célibat ouvre alors un monde merveilleux qui s’épanouit par delà l’érotique, le charnel et le sentimental. On découvre ce que veut dire « aimer quelqu’un en ce qu’il est », comme le Christ l’a aimé. Il y a dans le monde des montagnes d’affection, des océans de sympathie qui n’ont ni donneur, ni preneur. Or, ceux qui sont voués à manifester l’amour de Dieu dans le monde doivent être ces donneurs et ces preneurs. Qu’ils sèment la sympathie et la joie et acceptent de les moissonner quand elles jaillissent du cœur des hommes qui se savent aimés.
Enfin, ceux qui ont voué à Dieu leur virginité et, de ce fait, sont privés du soutien d’un conjoint, ont souvent terriblement besoin d’un appui humain. Dieu est Dieu, et semble parfois si loin… L’ami, le frère de communauté, pourra être celui à qui on se confie pour la direction de sa vie spirituelle. Ce pourra être quelqu’un avec qui on travaille ou que l’on rencontre souvent, ce peut être simplement une personne avec qui on est lié par une sympathie profonde et qui nous fait partager une véritable amitié spirituelle dans un dialogue chaste et constructif.
Ce qui est merveilleux dans le célibat, c’est qu’il permet, dans le mystère de la solitude, d’atteindre la liberté du cœur. Il rend alors disponible d’aimer comme Jésus nous le recommande : « Aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »