La vie de prière d’un prêtre ou d’un diacre est rythmée par les différents offices (le bréviaire). C’est un engagement que l’ordinand prend devant l’évêque et devant l’Église au jour de son ordination diaconale, renouvelé au jour de l’ordination sacerdotale. Il s’agit donc d’un engagement personnel. Cependant, ces offices s’inscrivent également dans ce qui fonde notre vie communautaire.
Dans le coutumier de notre communauté, outre les offices, nous prions aussi la messe ainsi que l’oraison. Ces temps de prière vécus en commun montrent concrètement que ma prière est la prière de l’Église. Cette manière de prier l’office me fait entrer plus intimement dans son mystère. En effet, je ne suis pas seul à prier. Et si je prie, ce n’est pas seulement pour moi mais aussi pour la sanctification de l’Église : à travers les psaumes et les prières d’intercession, je me rends compte que je porte toute la vie de l’Église devant le Seigneur.
En outre, je viens aussi porter devant Lui tout le travail de mes frères de communauté. La mission n’est pas une propriété individuelle. La prière commune est l’occasion de rendre grâce et de m’émerveiller devant le travail de mes frères. Chaque jour, je vois le bien construit par la grâce de cette vie de communauté : je prends le temps de contempler ce que le Seigneur peut élaborer en rassemblant des personnes si différentes. Et je regarde mon frère avec un regard de foi et non plus un simple regard humain : je regarde l’autre comme un don que le Seigneur met sur mon chemin pour me faire grandir, évoluer, et non pas comme un obstacle à ma sanctification. Je m’appuie sur lui pour grandir.
Cela est aussi vrai dans la manière de vivre la messe communautaire. Je ne suis pas présent obligatoirement pour concélébrer si j’ai une autre messe dans la journée, mais cela me rappelle que c’est le Christ qui est à la source de l’unité de ma communauté. Et si je vis une division avec un de mes frères, c’est que je ne suis pas suffisamment uni au Christ : « Père qu’ils soient un comme toi et moi nous sommes un » (cf. Jn 17, 21).
Une autre dimension de la prière commune est celle de l’oraison. Élément paradoxal, car c’est une prière éminemment personnelle. Là encore, c’est le rappel que ma sanctification vient irradier tous les membres de l’Église. Et que moi-même je suis porté par la prière des autres membres de la communauté.
C’est aussi un bon exercice que de se confier à la prière des autres. Dans les moments d’épreuve et de découragement, elle est le signe que le Seigneur reste présent auprès de moi. Lorsqu’un projet pastoral a échoué par exemple ou devant la résistance d’un changement, d’un manque de zèle missionnaire, le Seigneur est présent en mes frères de communauté comme il l’était au retour de mission de ses apôtres. Se confier à la prière des autres, c’est aussi apprendre jour après jour à se confier à la prière des paroissiens auprès desquels nous sommes envoyés.
De manière très pragmatique, la prière commune m’oblige à me mettre au rythme de mes frères de communauté : chanter à l’unisson, définir un horaire commun… Elle m’arrache à ma manière de vivre très personnelle qui peut même être individualiste. Et par là me fait rechoisir la vie de communauté. Même si je peux être agacé par la manière dont un frère chante à l’office, cela peut être un bon exercice de charité !
Les temps plus personnels (repos, retraite…) sont là aussi pour vérifier mon attachement à cette prière de l’Église. Est-ce que je ne m’appuie pas un peu trop sur le rythme communautaire pour ma vie de prière ? Cela me permet de vérifier mon attachement au Christ. La prière communautaire repose donc aussi sur mon propre investissement dans la prière. Ma relation personnelle avec le Christ va ainsi se déployer dans cette prière communautaire.
Annoncer l’Évangile
Oui, les dons et les services dans l’Église sont variés (cf. 1 Cor 12, 4-5) mais la mission est la même d’annoncer l’Évangile et la proximité du Royaume (Mt 10, 7 et bien d’autres). Devenus membres vivants du Christ, prêtre, prophète et roi, au jour de notre baptême, Dieu nous invite à marcher ensemble et à ne faire plus qu’un en Lui, au service de la communauté humaine.
La mission évangélisatrice repose sur le corps des baptisés. Parmi eux, certains ont été appelés au service de la communauté comme « intendants des mystères de Dieu. » (1 Cor 4, 1) L’intendant n’est pas le patron mais celui qui prend soin de la communauté pour qu’elle puisse assurer la mission qui est la sienne. Les baptisés n’ont pas été baptisés « pour aider monsieur le curé à annoncer l’Évangile » mais pour annoncer l’Évangile.
Il revient donc aux pasteurs que nous sommes, évêques et prêtres, non pas de partager notre responsabilité comme on partagerait les parts d’un gâteau à quelques personnes au risque de les voir s’accaparer cette part et d’en faire leur affaire personnelle, mais de permettre et de servir la participation de tous à la charge pastorale du Christ, au service de laquelle nous avons été ordonnés pour la communauté. Il ne s’agit plus pour chacun de « prendre » sa part, mais « d’apporter » sa part à l’édification de tous. Ainsi, « toute la construction s’élève harmonieusement devenir un temple saint dans le Seigneur. » (Eph 2, 21)