Le goupillon
Histoire
Dans l’Antiquité déjà, les païens faisaient des aspersions d’eau lustrale (purificatrice) consacrée selon leurs rites. D’ailleurs, dans tous les cultes, les ablutions religieuses ont été en usage. Nous retrouvons ainsi l’aspersion dans l’Ancien Testament, où Moïse fit sur le tabernacle et les vases du culte sacré, puis sur tout le peuple saint, une aspersion de sang (Ex 24, 3-8). Sur les lépreux, on faisait une aspersion d’eau. Pour cela, on se servait d’une plante appelée « hysope », dont les feuilles très serrées pouvaient facilement retenir de l’eau ou le sang. Ceux-ci s’en échappaient en gouttes lorsqu’on la brandissait sur la chose ou la personne qui étaient dès lors sanctifiées ou purifiées par cette aspersion. Ce rite est passé du judaïsme à la religion chrétienne et il remonte à l’Église primitive. L’aspersion est faite par l’évêque ou par le prêtre. Saint Clément, pape du premier siècle, ordonne qu’on fasse des aspersions avec de l’eau mêlée de sel. Voici ses propres paroles : « Nous bénissons l’eau avec le sel en faveur des peuples, afin que ceux qui en seront aspergés en soient sanctifiés. » Ce mélange était donc bénit par des prières qui consistaient en exorcismes sur l’eau et le sel et en invocations adressées à Dieu pour qu’il sanctifie ces deux créatures et répande ses bénédictions sur les personnes et les choses qui en seront arrosées par l’aspersion. Aujourd’hui encore le prêtre dit, en bénissant le sel : « Nous t’en prions, Dieu tout-puissant, daigne bénir ce sel que tu as toi-même créé. Jadis, tu as ordonné au prophète Élisée d’en jeter dans les eaux pour qu’elles n’engendrent plus la mort. Permets, Seigneur, qu’en tout lieu où l’on répandra l’eau que nous allons mêler de sel, la présence de ton Esprit éloigne de nous l’Adversaire et nous protège continuellement. » Le bénitier portatif apparaît quant à lui dès les IVème-Vème s. Il est orné de citations ou de scènes bibliques ayant rapport à l’eau et au baptême.
Description
L’aspersoir fut d’abord un rameau d’hysope ou de quelque plante aux feuilles touffues propres à retenir l’eau et à la répandre par gouttes. On s’est servi de toute espèce de plantes propres à cet usage, telles que celles de l’hysope, des rameaux d’olivier, du buis, des pailles, et on finit par adopter des queues de renards. Bénitier portatif en bronze, Venise, XVème s. Aujourd’hui, l’aspersoir est une tige de métal, ou de bois, terminée par une boule armée de longues soies de blaireau, ou bien percée de trous et contenant une éponge. Quant au bénitier portatif, il s’agit d’un vase en bronze, en plomb, en cuivre argenté ou doré, voire en argile, muni d’une anse pour le transporter facilement. Il est accompagné de son aspersoir et sert au transport de l’eau lustrale.
Signification
L’aspersion dominicale – L’aspersion la plus solennelle est celle qui se fait le dimanche, au début de la Messe, en souvenir du baptême et de la résurrection du Seigneur. Cette pratique remonte au IXème s., à la réforme liturgique entreprise par Charlemagne. C’est le célébrant de la Messe qui la donne. Celui-ci entonne l’antienne « Asperges me », au temps per annum (ordinaire) – ou « Vidi Aquam », au temps pascal, en se signant avec le goupillon qu’il porte à son front. Puis il asperge l’autel et les murs du choeur, ensuite le clergé et enfin l’assemblée. Cette aspersion permet de faire mémoire du baptême, qui nous rend aptes à offrir à Dieu le culte nouveau, avec un coeur pur. C’est pourquoi elle prend place aujourd’hui après la salutation initiale et tient lieu de préparation pénitentielle à la Messe. Dans la forme extraordinaire du rite romain, le prêtre fait l’aspersion dominicale en chape avant le commencement de la Messe, rappelant ainsi la signification initiale de ce rite d’origine monastique : chaque dimanche, le cloître, l’église et les lieux de la vie communautaire sont purifiés par une aspersion d’eau, avant la Messe. L’aspersion de la Messe est un sacramental pascal qui célèbre la mémoire de la Résurrection du Seigneur. C’est pourquoi elle ne se donne que le dimanche et jamais durant la semaine, même aux jours de fête.
Pour les curieux…
De nombreux monastères ont gardé la coutume, lorsque l’office des Complies est terminé, de faire l’aspersion sur les moines qui aussitôt après rentrent dans leurs cellules pour se reposer. L’aspersion d’eau bénite se fait aussi sur le corps des défunts, lors de l’absoute, par le clergé et les personnes qui participent aux funérailles. Cet usage est de la plus haute antiquité et se pratique en tout lieu. Le jour de la commémoraison de tous les fidèles défunts, le 2 novembre, ou même le jour de Toussaint, l’aspersion est donnée à tout le cimetière, vers les quatre points cardinaux. L’aspersion accompagne aussi la bénédiction des lieux ou des choses (les champs, les murs d’une maison nouvelle, les objets de piété…) tandis que les personnes peuvent être bénites aussi sans aspersion.