La fraternité, espérance dans un monde en crise
Jeudi 8 octobre 2020
A l’occasion de la sortie de l’encyclique Fratelli tutti du pape François, nous vous proposons d’aller à la rencontre de prêtres de la communauté Saint-Martin pour découvrir les enjeux de cette fraternité au sein des missions paroissiales aux réalités diverses. Pour don Benoît-Marie, curé de Notre-Dame des Blancs-Manteaux à Paris, l’expérience de fraternité vécue auprès des plus démunis avec l’Association pour l’Amitié est source d’espérance pour notre monde.
Dire en quoi la fraternité pourrait être une espérance dans un monde en crise suppose de disposer d’un diagnostic de cette crise et que ce diagnostic présente certains traits auxquels l’espérance dont on parle pourrait correspondre.
Ce qui frappe dans la situation actuelle de notre pays – mais il se peut que cette situation ne soit pas d’aujourd’hui, ni non plus limitée à notre pays – c’est le manque de cohésion de la nation. Il est aujourd’hui difficile de réunir nos concitoyens autour d’un projet national, et il est vraiment frappant qu’immédiatement après leur élection, des élus qui appliquent leur programme électoral rencontrent les oppositions les plus fortes aux réformes qu’ils proposent, comme si on les avait élus pour d’autres raisons que leur programme politique. Notre société donne l’impression qu’on y tire à hue et à dia ; il semble que chacun ne se préoccupe que de ses intérêts propres. Et, dans les luttes ainsi occasionnées, ce sont évidemment les plus faibles qui tirent le moins leur épingle du jeu et pâtissent le plus d’un manque de fraternité ou de cohésion.
C’est en 2006, durant le mandat de mon prédécesseur à la paroisse de Notre-Dame des Blancs-Manteaux, que l’Association Pour l’Amitié (APA) a vu le jour. Deux jeunes hommes, Martin Choutet et Étienne Villemain, ont décidé de vivre en collocation avec des hommes qui sortaient ainsi de la rue. La fraternité est évidemment une condition de viabilité de leur projet : la simplicité de la vie quotidienne ; la confiance en l’autre, dans sa capacité – certes toujours trop lente – à se remettre en route dans la vie ; la conviction que même le plus démuni peut être acteur dans la vie du groupe, dans une véritable réciprocité. Et aujourd’hui, en région parisienne, ce sont environ 250 personnes qui vivent dans ces collocations, ainsi que 120 pour l’Association Lazare en province.
Cette expérience de l’APA transforme l’ambiance de la paroisse. L’APA y a gardé un repas chaque dimanche, qui rassemble une cinquantaine de personne après la messe dominicale. Avec l’APA est venu un parcours de catéchuménat adapté aux personnes de la rue, le Parcours Jean-Baptiste. Le résultat très précieux de la présence de tout ce petit monde, c’est qu’il constitue une assemblée qui n’est absolument pas uniforme. Notre célébration ne s’adresse pas à un petit groupe de personnes qui seraient semblables aussi bien du point de vue social que vestimentaire. Et cette diversité représente un véritable signe pour la vie ecclésiale. L’enjeu, c’est que chacun, quel que soit son parcours, se sente chez lui dans notre assemblée chrétienne et y trouve sa place. L’enjeu, c’est que la communauté chrétienne fasse passer un message vivant, que l’exclusion déjà si oppressante ne soit pas simplement dupliquée dans la vie ecclésiale. Car l’espérance des plus démunis reste encore très contagieuse…
« Fratelli tutti »: la nouvelle encyclique du Pape François
Le 4 octobre dernier, le Pape a signé sa nouvelle encyclique consacrée au thème de la fraternité.
Fratelli tutti, « Tous frères » : c’est le nom de cette nouvelle encyclique, la 3e du pape François après Lumen Fidei en 2013 et Laudato Si’ en 2015. Ce titre se réfère aux Admonitions de saint François (6, 1: FF 155) : « Considérons, tous frères, le bon Pasteur: pour sauver ses brebis, il a souffert la Passion et la Croix ».