Fratelli tutti, un texte politique ?
lundi 23 novembre 2020
Le 3 octobre dernier, le pape François publiait sa troisième encyclique, Fratelli tutti, sur la fraternité et l’amitié sociale. S’il a été amplement salué par certains, le texte a aussi pu susciter une certaine perplexité, voire une franche hostilité. Avec ses formules à l’emporte-pièce, ses prises de position très politiques, son style bavard et ses références inattendues, l’encyclique ne s’éloignerait-elle pas de la grande tradition de l’Église pour verser dans un militantisme tiers-mondiste de mauvais aloi ? Voici quelques clés de lecture pour entrer dans le texte.
Saint Thomas d’Aquin ou l’imam d’Al Azhar ?
Dans son encyclique, le pape François cite à plusieurs reprises l’imam de la mosquée al-Azhar du Caire, Ahmad el-Tayeb. La fin du texte mentionne également Martin Luther King, Desmond Tutu et le Mahatma Gandhi, autant de grandes figures de la conscience universelle qui, au moins pour certaines d’entre elles, demeurent assez éloignées du message chrétien. François aurait-il donc engagé l’Église dans la voie d’un universalisme low cost fait de bons sentiments et d’invocations un peu creuses ? En fait, il convient de se rappeler le lieu d’où parle François. C’est en tant que chrétien assumant pleinement son identité, l’héritage transmis par nos Pères dans la foi, que François, pasteur de l’Église universelle, peut ouvrir un dialogue fécond avec tous. Puisant à saint Benoît et sa tradition d’hospitalité, à saint François d’Assise évidemment, mais aussi à la théologie de saint Thomas d’Aquin, il peut sans crainte se tourner et inviter l’Église à se tourner vers ceux qui pensent, croient et vivent différemment.
Accueillir tous les migrants ?
Autre point d’incompréhension fréquent : les appels réitérés du pape François à accueillir largement les migrants. « Haro sur ce pape gauchiste et immigrationniste ! » Mais ces appels – parfois dérangeants – nous placent face à la question de la cohérence entre nos réactions spontanées et le message évangélique. Par ailleurs, le pape rappelle que l’Europe se doit de trouver « le juste équilibre entre le double devoir moral de protéger les droits de ses propres citoyens, et celui de garantir l’assistance et l’accueil des migrants » (§ 40).
Vers la fin des nations ?
Enfin, la lecture de l’encyclique ne doit pas s’arrêter à quelques formules faciles sur le dépassement des frontières. Au-delà des slogans, le texte contient des développements essentiels sur la vertu de l’enracinement et la nécessaire préservation des identités culturelles. Ainsi le paragraphe 143 rappelle que « la solution ne réside pas dans une ouverture qui renonce à son trésor propre. Tout comme il n’est pas de dialogue avec l’autre sans une identité personnelle, de même il n’y a d’ouverture entre les peuples qu’à partir de l’amour de sa terre, de son peuple, de ses traits culturels ».
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