Eschatologie dans la liturgie
Avons-nous conscience du lien si particulier et si étroit qui existe entre la vie éternelle et la vie sacramentelle ?
Toute cette vie divine qui cherche à s’écouler en nous, ici-bas dans le labeur de la foi et au ciel dans le repos de la vision, c’est une seule et même Vie, à laquelle nous participons de façon plus ou moins difficile et obscure sur la terre, et à laquelle participent de façon plénière les saints du Ciel. Cette vie divine, cette vie éternelle est contenue dans tous les sacrements, et en particulier dans le sacrement de l’Eucharistie, où Jésus est présent avec son corps, son sang, son âme et sa divinité. Or, Jésus EST la vie éternelle ! Et à chaque Eucharistie, nous sommes comme aspirés au ciel. Toute la cour céleste est là, nous entourant, nous entraînant, à sa suite, à la louange de l’Agneau immolé ! « L’Eucharistie est vraiment un coin du ciel qui s’ouvre sur la terre ! C’est un rayon de la gloire de la Jérusalem céleste, qui traverse les nuages de notre histoire et qui illumine notre chemin » (Ecclesia de Eucharistica, 18).
Tout cela se résume à la terminologie bien connue du « déjà-là » et du « pas-encore » : « Déjà-là ! » Oui, la vie éternelle est déjà commencée depuis le jour de notre baptême. « Dans les sacrements du Christ, l’Église reçoit déjà les arrhes de son héritage, elle participe déjà à la vie éternelle » (CEC, 1030). Nous y participons car tout acte de foi, d’espérance et de charité nous fait entrer de façon invisible mais bien réelle au cœur même de la Trinité, dont les bienheureux au Ciel se rassasient de la vision ! Sainte Thérèse l’avait bien compris lorsqu’elle affirmait, au milieu même de toutes ses souffrances : « Je ne vois pas bien ce que j’aurais de plus après la mort que je n’aie déjà en cette vie. Je verrai le bon Dieu, c’est vrai ! Mais pour être avec lui, j’y suis déjà tout à fait sur la terre. » « Pas-encore. » C’est évident, nous ne sommes pas encore au ciel, et le chemin peut sembler parfois rude et long. Toute la vie liturgique et sacramentelle est là pour raviver en nous cette tension vers notre demeure céleste. « La vie est un immense retour à la Maison du Père », disait Jean- Paul II.
Au cours de ce pèlerinage, nous avons besoin d’être soutenus, fortifiés, nourris par les sacrements, comme le corps a besoin de la nourriture terrestre pour continuer à vivre. Les sacrements déposent en nous les germes de la vie éternelle, mais ils nous font aussi aspirer à la Patrie Céleste, ils nous spiritualisent jusqu’à faire mourir en nous le vieil homme, afin de modeler dès ici-bas notre visage d’éternité. Cette tension vers la vie éternelle est bien exprimée dans ce texte du Concile : « Dans la liturgie terrestre, nous participons par un avant-goût à cette liturgie céleste qui se célèbre dans la sainte cité de Jérusalem à laquelle nous tendons comme des voyageurs » (Sacrosanctum Concilium, 8). Rendons grâce au Seigneur de nous avoir laissé une Église dispensatrice de toute la vie divine. Courrons à la source, à la vie sacramentelle, dans laquelle est contenu, de façon certes voilée mais bien réelle, tout ce dont les bienheureux du ciel jouissent auprès de Dieu. Oui, on peut dire que la vie éternelle est déjà commencée, il ne lui manque ici-bas que la claire vision ; Marthe Robin exprimait bien cette présence du surnaturel au cœur de notre vie lorsqu’elle disait : « le voile entre le visible et l’invisible est plus tenu qu’un papier à cigarette ! »