ÉDUQUER SA VOLONTÉ
(Dossier Sub Signo Martini n°44)
(Dossier Sub Signo Martini n°44)
C’est vrai au séminaire ; cela s’entend aussi souvent dans les reflexions de beaucoup d’éducateurs : il manque, elle manque, ils manquent de volonté ! Ce constat fréquent rend la vie plus difficile, fragilise la confiance entre les personnes à cause du manque de fiabilité, rend le travail plus long, la réussite plus aléatoire…
Pourquoi forger sa volonté?
Une fois le diagnostic posé, que faire ? Se résigner ? Non. Il faut simplement reprendre les choses à la source et répondre d’abord à cette première question : pourquoi est-il si important de chercher à développer sa volonté ?
« À qui peut se vaincre soi-même, il est peu de chose qui puisse résister », répétait Louis XIV ! Nous avons effectivement besoin dans la vie d’une forte dose de volonté. Si nous sommes à peu près convaincus de cette nécessité, les raisons en sont plus ou moins confuses dans notre esprit. De plus, nous ne savons pas comment nous y prendre pour la cultiver et en faire cette puissance à la fois souple et forte qui nous permet, pour l’orienter vers Dieu, de dominer notre vie en nous dominant nous-mêmes.
En effet, celui qui n’a pas su développer sa volonté est à la merci de ses caprices, de ses instincts, de ses impressions du moment. Il peut avoir de beaux sentiments, de grands désirs, mais c’est un velléitaire et il n’aboutit à rien de sérieux. Perdant le goût du risque et de l’effort – l’a-t-il jamais eu – il rétrécit de plus en plus son champ d’action ; la vie lui pèse et un sentiment profond d’infériorité finit par l’envahir pour le river dans la médiocrité.
À tout âge, il est nécessaire de renouveler de temps en temps la trempe de cette épée fidèle que représente la volonté. Mais c’est surtout pendant la jeunesse qu’il faut la forger solide, fine et aiguisée.
Coopérateur de Dieu par la volonté
En guise d’introduction à ce dossier, essayons en premier lieu de voir pourquoi la volonté est si nécessaire. Nous pouvons distinguer cinq motifs.
1- Au point de vue spirituel, la volonté est nécessaire dans la mesure où Dieu agit avec nous conformément à la nature qu’il nous a donnée. La grâce dépasse certes la nature mais elle ne peut pas se passer d’elle. Dieu ne peut pas nous sauver sans nous. C’est pour cette raison que l’Évangile met en valeur la vertu de force et le don de force. Les saints sont le plus bel exemple de cette force chrétienne qui n’est rien d’autre qu’un déploiement de la volonté.
2- Au point de vue moral, nous avons besoin de la volonté pour nous défendre contre le mal et maintenir notre moral très haut, au milieu des difficultés de la vie. En fait, cette volonté nous permet de devenir une personnalité forte et de donner à notre vie son maximum de fécondité et de saveur.
3-Au point de vue professionnel, on devine aussi l’importance de la volonté dans l’efficacité d’une activité dépendant d’une compétence technique et de notre caractère.
4- Au point de vue social, le nombre de personnes manquant d’autorité fait que les hommes ont du mal à assumer leur responsabilité à tous les degrés de l’échelle sociale. Plus que jamais, à l’heure actuelle, nous avons besoin de meneurs qui, animés d’un haut idéal, puissent exercer autour d’eux une influence heureuse et salutaire. Lacordaire écrivait déjà : « Les hommes ne recherchent pas la complaisance d’une autorité faible ; ils sont heureux de trouver quelqu’un qui soit fort et sur qui ils puissent s’appuyer ; la fermeté virile les rassure, la faiblesse complaisante les met en défiance et finalement les dégoûte ».
5- Au point de vue familial, une volonté forte et souple est un gage de bonheur pour un foyer. En effet, l’amour conjugual dépend pour une part d’une maîtrise de soi pour aller, s’il le faut, jusqu’à l’oubli de soi, pour le bonheur et le bien de l’être aimé. Il en va de même dans l’éducation des enfants. Une volonté ferme et patiente est une des grandes qualités de l’éducateur.
Si nous avions besoin de nous convaincre de l’importance d’une bonne éducation de la volonté, ces rappels brefs sont l’illustration qui doit nous donner le désir de savoir comment éduquer notre volonté.
Louis-Hervé Guiny + prêtre
Lorsqu’on veut faire acte de volonté, c’est toujours par la fin que l’on commence ! La « fin » de l’acte, c’est l’objectif, le but, la finalité que l’on se propose d’atteindre. La première étape d’une éducation de la volonté consiste donc à affermir sa capacité à décider.
Enoncer clairement sa volonté permet de l’exercer plus facilement…
C’est une expérience des plus communes qu’il est bien plus facile de réaliser quelque chose lorsqu’on en a une idée nette. Le domaine artistique nous en fournit des illustrations évidentes : si Michel-Ange, par exemple, avait attaqué son bloc de marbre sans idée préalable suffisamment précise, par quel miracle la Pietà aurait-elle pu surgir sous ses coups de burin ? Ce qui est vrai dans l’ordre de l’action matérielle l’est aussi, plus généralement, au plan de la volonté : plus nous savons ce que nous voulons, plus l’exécution en est facile. Certes, dans la plupart de nos activités quotidiennes, nous sommes sûrs de savoir ce que nous voulons. Mais, en certaines occasions, l’irrésolution, les hésitations qui entravent notre prise de décision peuvent venir du fait que notre propre objectif ne nous apparaît pas clairement. Posons-nous la question toute simple : « Au fond, qu’est-ce que je veux ? » et tentons d’y répondre aussi simplement. La volonté se renforce à mesure que son objet sort du flou.
… Mais décider vaut mieux que préciser
La précision du projet ne doit pas devenir pour autant un facteur de paralysie : en soi, elle est moins importante que le fait même de décider. Pour un tempérament enclin à l’idéalisme, la réflexion peut dégénérer en fuite pour esquiver la prise de décision : le temps se passe à peaufiner le plan, sans jamais passer à l’acte… À cet égard, décision vaut mieux que précision. L’étymologie du mot le suggère : décision vient du latin decidere, dont le premier sens est trancher. Notre vie se passe à faire des choix, qui sont autant de renoncements : renoncement de fait aux options écartées ; renoncement plus profond au « mieux » que nous aurions peut-être pu faire, au profit d’un « bien » plus modeste… mais réel !
La volonté, faculté de l’âme à muscler au quotidien
Décider, c’est faire usage de sa volonté. Celle-ci est une faculté de notre âme, que nous pouvons comparer à un muscle : trop rarement sollicité, il s’atrophie jusqu’à devenir inutilisable ; régulièrement exercé, il se développe et peut répondre à sa finalité. De la même façon, c’est en voulant que l’on devient volontaire ! Nos journées sont remplies de petites occasions de faire bon usage de notre volonté, au lieu de nous laisser porter par les événements (de « subir » la vie, dit-on justement). Un entraînement quotidien portera du fruit de manière insensible, en vue d’occasions plus exceptionnelles. « On a trois ou quatre fois dans sa vie l’occasion d’être brave, et tous les jours, celle de ne pas être lâche », disait l’écrivain René Bazin. Et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, à sa manière : « Avant de mourir par le glaive, mourons à coups d’épingles. »
BC
Il ne suffit pas de prendre des décisions, encore faut-il passer à l’action et transformer en actions concrètes nos engagements ! Notre vie spirituelle et relationnelle est parsemée d’exemples divers de notre difficulté à passer à l’action.
Un homme avait deux fils. Il vint trouver le premier et lui dit : « Mon enfant, va travailler aujourd’hui à la vigne. » Celui-ci répondit : « Je ne veux pas. » Mais ensuite, s’étant repenti, il y alla. Puis le père alla trouver le second et lui parla de la même manière. Celui-ci répondit : « Oui, Seigneur ! » et il n’y alla pas. (Mt 21, 28-32).
Dans les choix basiques comme dans les décisions cruciales de notre vie, nous ressemblons facilement au second fils de la parabole. Ainsi, lorsque nous cherchons d’une main tâtonnante le réveil pour l’éteindre et attendre encore quelques minutes pour sortir du lit ; ainsi, lorsque, sous le coup de l’émotion, nous renonçons à offrir ce pardon que nous voulions encore il y a peu vraiment donner ; lorsque nous oublions nos belles résolutions de prier davantage le Seigneur. Essayons d’analyser les freins qui nous empêchent d’avancer dans notre chemin de volonté.
Les freins au développement de notre volonté
Le premier, c’est notre regard sur le passé. Nous gardons dans notre mémoire le souvenir de nos péchés et de nos échecs dans l’exercice de notre volonté. Par dépit ou par paresse, nous en sommes arrivés à ce constat anesthésiant : nous n’avons pas un tempérament volontaire.
Le second, c’est notre manière de vivre le présent. Bien souvent, nous voguons au gré de nos sentiments et des premières impressions qui nous arrivent en pleine figure. Nous avons pris une décision mais nous ne « sentons » pas très bien si c’est la bonne et finalement nous y renonçons.
Le troisième, c’est notre lien à l’avenir. Nous rejetons dans l’avenir nos efforts de volonté. Quand se présenteront à nous de grandes occasions de courage, nous ferons preuve d’audace. En attendant, nous acceptons fort bien de demeurer dans une certaine mollesse.
Or, Jésus nous avertit solennellement : Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup (Mt 25, 21). Pour apprendre à être fidèle à nos décisions en peu de choses, l’Église nous propose le modèle simple et lumineux d’une petite religieuse du XIXème siècle demeurée toute sa courte vie dans un Carmel : Thérèse de Lisieux. Nous pouvons prendre comme slogan une de ses citations célèbres : faire de manière extraordinaire des choses tout ordinaires. C’est en effet dans le cours ordinaire de nos journées que nous sommes appelés à montrer une force extraordinaire, puisée dans notre docilité à l’Esprit Saint et le travail de notre volonté.
6 conseils pour exercer notre volonté et en obtenir de la joie
Pour travailler notre énergie dans l’exécution, six conseils tout simples pour apprendre la joie de l’effort :
La clef de notre joie est bien ici : vivre à fond les petits actes quotidiens en y mettant toute l’énergie et la volonté dont nous sommes capables. C’est dans l’instant présent que Dieu se donne à nous, c’est là aussi qu’il attend nos efforts de volonté, pour apprendre à toujours mieux le servir.
AB
La décision est prise avec netteté et nous nous sommes lancés avec vigueur. Tout va bien. Cinq minutes plus tard le mail en question est écrit. Victoire ! Nous avons fait preuve d’une volonté ferme et forte. Le problème est que la vie ne consiste pas seulement à accomplir des tâches de cinq minutes.
Persévérer dans la durée face à trois difficultés principales
Pour écrire un mail, cinq minutes suffisent ; imaginons en revanche qu’il faille participer à la rédaction d’un dictionnaire. Au bout de plusieurs jours de travail acharné, nous n’en sommes qu’à « abattement »… Et oui, le plus dur c’est la persévérance dans la durée.
Saint Thomas d’Aquin a discerné trois difficultés principales qui peuvent venir entraver la marche triomphale de notre volonté : l’éloignement du but (la lettre Z pour l’auteur du dictionnaire), la longue durée de l’œuvre bonne (si on décide d’arrêter de fumer, c’est normalement pour toute la vie), et les obstacles renouvelés (la suite infernale d’éléments perturbateurs qui nous distraient quand nous avons héroïquement décidé d’offrir au Seigneur une demi-heure de prière).
Deux risques s’y ajoutent
Et comme si trois difficultés ne suffisaient pas, saint Thomas les multiplie par deux en précisant que chacune comporte deux risques : d’une part, le découragement, la lassitude ou l’inconstance – et c’est ce qui nous vient à l’esprit en premier – mais aussi l’entêtement ou l’obstination. Et tandis que le découragement provient principalement de la faiblesse de notre volonté et de la force de nos passions et de nos affects, l’entêtement n’est rien d’autre qu’un fruit de la bêtise.
Guider sur le sentier de la vertu par la raison éclairante
En effet, comme toujours dans la vie morale, la vertu est au milieu : ni mollesse, ni acharnement, mais persévérance et constance. Quelle est donc la lumière qui peut guider nos pas pour marcher sur l’étroit sentier de la vertu, sans tomber dans les ravins du vice qui nous guette des deux côtés ? Eh bien, c’est la raison. Non pas la raison qui essaye subtilement de justifier notre mollesse et nos affects par des raisons factices, ni la raison qui veut absolument tenir tête, mais la droite raison guidée par le réel et appuyée sur la sagesse qui nous vient de Dieu. Tu te sens fatigué et tu devrais faire une pause ? Ou au contraire, tu penses pouvoir encore continuer et y arriver tout seul ? C’est à la raison d’en juger : « Tu as bien dormi, tu as bien mangé, tu as objectivement encore des forces pour continuer ton travail » ; ou inversement : « Tu as travaillé depuis cinq heures sans relâche, tu es exténué, tu risques de te blesser si tu continues sans pause et sans demander de l’aide.
Alors comment apprendre à devenir persévérant, à n’obéir qu’à la raison, à ne se laisser vaincre que par la vérité du réel ?
Allons du plus général au plus concret :
1. En raison de ce que l’on appelle le « nœud des vertus », on ne peut devenir persévérant sans les deux grandes vertus de tempérance et de courage. En effet, la mollesse et le découragement proviennent principalement de ce que, premièrement, on ne sait pas résister à l’attrait du plaisir (le repos) et que, deuxièmement, on craint trop le mal du déplaisir (l’effort). Il est donc nécessaire d’apprendre à réguler notre attrait pour le plaisir et à maîtriser notre crainte de la difficulté. C’est évidemment le travail de toute une vie, et ce qui compte ce n’est pas d’atteindre le but, mais de progresser doucement…
2. … et de ne pas se laisser décourager par nos défaites. En effet, la conscience de la durée est le propre de l’homme. Elle peut le conduire au découragement, mais elle est aussi un facteur d’espérance : tant que je suis en route, je peux toujours recommencer, me relancer. La vie ne se joue pas en une seule bataille. C’est aussi ce que nous enseigne la méditation du chemin de croix, où nous voyons Jésus tomber trois fois. Et pourtant il se relève à chaque fois pour poursuivre son œuvre de salut.
3. Quant à l’aspect décourageant de la durée il est essentiel d’apprendre à vivre l’instant présent ! « Si je songe à demain, je crains mon inconstance, je sens naître en mon cœur la tristesse et l’ennui », dit sainte Thérèse de Lisieux. Cela rejoint ce que l’on dit souvent aux couples qui se préparent au mariage : « Si vous regardez toute la durée de votre future vie à deux, cela peut sembler être une montagne insurmontable. En effet, c’est comme si on vous montrait le tas de nourriture que vous mangerez au total pendant toute votre vie ; c’est nauséabond. Mais si on ne se préoccupe que de ce qu’il faut manger, surmonter, endurer aujourd’hui, tout devient possible. »
4. Planifier de manière réaliste et prévoir qu’il y aura forcément des difficultés, cela évitera le découragement face aux obstacles. Écoutons encore Thérèse : « Si j’ai beaucoup à écrire ce jour-là, afin d’avoir un cœur dégagé, je me mets dans la disposition d’esprit d’être dérangée. Je me dis : « Telle heure libre, je la consacre au dérangement, je le veux, je compte dessus et si je suis tranquille, j’en remercierai le bon Dieu comme d’une grâce sur laquelle je ne comptais pas. » Aussi, je suis toujours heureuse. »
5. Commencer par des petits actes de persévérance afin de remporter des petites victoires, qui nous encourageront à persévérer dans notre projet de devenir persévérant.
XP
La vie au séminaire apprend aux futurs prêtres le sens de la fidélité et des efforts qu’elle nécessite. En commençant à se donner intensément, dans la plénitude de leur humanité, ils deviennent capables de mener une vie sacerdotale authentique. Et réaliste.
Le célibat, choix de livrer toutes ses ressources dont la volonté pour le Royaume
Les séminaristes et les prêtres ne sont-ils pas des êtres désincarnés, éloignés des réalités terrestres et de leurs impérieux appels au point de croire que l’ordination fait d’eux des anges ? Non, car il faut livrer sans cesse toutes les ressources de son corps et de son cœur, de sa volonté et de son esprit, si l’on veut rester fidèle aux promesses sacerdotales, en particulier celles du célibat et de la continence pour le Royaume.
Dans le choix du célibat, l’Esprit Saint séduit notre volonté
Choisir le célibat, n’est-ce pas se priver volontairement de toutes les richesses de la vie conjugale? Une vie de vieux garçon, toujours à l’affût de quelque compensation… Oui, bien sûr, elle serait telle, s’il n’y avait le Christ qui lui donne sens et accomplissement. Dieu seul suffit. Pour lui, le prêtre renonce à la femme. Avec lui, il vit. En lui, il demeure. Dieu peut-il exiger qu’un jeune homme de 25 ou 30 ans ne vive que pour Lui seul et pour son Église ? Il ne l’exige pas, Il l’attend, et Il appelle. Si Dieu m’appelle, il me faut le suivre. Telle est la logique de ceux que l’Esprit choisit pour le sacerdoce. « Je vais le séduire, je le conduirai au désert et je parlerai à son cœur » (Os 2, 16). Le Christ choisit et il entraîne à sa suite ceux sur qui il a posé son regard d’amour. Il les emmène dans des endroits déserts pour leur parler cœur à cœur.
Choisi par Dieu, le prêtre choisit Dieu librement
La vie du prêtre a quelque chose d’absolu : suivre le Christ fidèlement jusqu’à la mort. Le prêtre a été choisi par Dieu, il a choisi Dieu librement et son choix est irrévocable. C’est le oui de l’ordination. Saisi par le Christ, il s’est donné à lui avec l’espérance de l’aimer jusqu’au bout, lui et les siens qui sont dans le monde ; aimer comme il a aimé, aimer de son amour.
L’ordination, commencement du chemin de disciple
Par l’ordination, le prêtre ne fait que commencer le chemin du disciple. Ce chemin est celui de la fidélité de Dieu, éternelle et toujours nouvelle. Par sa consécration, le prêtre porte en lui la marque de la fidélité de Dieu à laquelle il communie. C’est en obéissant à l’Église que le prêtre prouve son amour et renouvelle sans cesse sa fidélité. Jésus était totalement disposé à faire la volonté de son Père. Par son obéissance totale, il passait de ce monde à son Père. Et c’est elle qui l’a rendu victorieux, même de la mort, par la résurrection. L’amour du Christ et de son Église pousse le prêtre hors de lui-même. Ce n’est plus ce que je veux qui compte, mais ce que veut le Christ, ce que demande l’Église.
L’obéissance, c’est être libéré de soi par l’amour
Que veut le prêtre ? Les joies et les difficultés d’une vie au service des hommes et de Dieu ? Les sollicitations multiples d’un ministère qui dévore son temps et ses forces ? Les exigences et les richesses de la vie de communauté ? L’aridité du désert ou la fraîcheur des oasis dans la vie de prière ? Les nominations et les missions… Oui, le prêtre veut ce que Dieu veut pour lui. Obéir, c’est être libéré de soi par l’amour, être en total accord de pensée et d’action avec Jésus. Et s’il faut passer par la passion, par le dépouillement, et par la mort, c’est toujours pour une résurrection. L’obéissance du prêtre est sa pauvreté. Comme le Christ, il se remet totalement dans les mains du Père et dans les mains des hommes. C’est pour eux qu’il est ordonné.
Face à la tentation, Dieu est là, fidèle
Être par Dieu et par l’Église, être pour Dieu et pour l’Église, cela signifie partager tout ce que l’on a et tout ce que l’on est. Le prêtre reçoit tout de Dieu pour le lui rendre. Voilà sa fidélité. Mais dans la réalité, le prêtre n’est-il pas tenté par l’infidélité ? Activisme, sécheresse spirituelle, dégoût de la solitude, soif de vie familiale ou conjugale… Jésus a été assailli par la tentation. Il l’a vaincue et il donne la force à celui qui s’est mis à sa suite. Sur sa Parole et par amour, il a tout quitté. En sa Parole et par amour il demeure. Dieu est là, fidèle. Il parle par sa Parole. Il parlait à la Vierge Marie qui conservait et méditait toutes ces choses en son cœur. Il parle au prêtre même lorsqu’il se tait. Et si Dieu semble absent et que la lassitude s’abat sur les épaules du prêtre, le pauvre est là, à la porte du presbytère, le bréviaire est là, qui attend d’être ouvert, les fidèles sont là, qui attendent d’être exhortés, le téléphone est là, qui sonne…
Être fidèle ne va pas sans une parfaite disponibilité
Le Christ attend, lui aussi. Le prêtre le croit de toute sa force et il met toute son attention dans ce malade à visiter, dans cette conférence à préparer, dans cette réunion à animer… Dieu lui dira-t-il qu’ainsi il fait sa joie ? Il le lui dit parfois par ses petits qui sont les siens. Et parfois il le lui dit dans le silence de l’ingratitude ou de l’indifférence. Le prêtre le sait par la foi, comme Marie. Fidélité de Dieu, fidélité du prêtre. Être fidèle ne va pas sans une parfaite disponibilité. Disponibilité à Dieu dans la prière. Disponibilité à l’Église dans le service. « Me voici puisque tu m’as appelé… Parle, Yahvé, car ton serviteur écoute » (1 S 3, 6-9). Me voici pour toi, Seigneur, à l’écoute de ta Parole. Me voici pour tous ceux que tu me confies, à l’écoute de leurs besoins. Suivre le Christ jusque dans la souffrance est parfois bien ardu… mais si le « oui » est inconditionné, le Christ répond dans le secret du cœur par le don de sa joie : plénitude de joie, comme il l’a promis.
Et si le prêtre a été infidèle, alors le Dieu fidèle fera toutes choses nouvelles. Car la miséricorde est le nom de la fidélité de Dieu.
Édouard de Vregille + prêtre