Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« COR AD COR LOQUITUR ! »

Lectio divina pour le 1er Dimanche de Carême Année C
Deut. 26, 4-10 Rom. 10, 8-13 Lc. 4, 1-13

Nous voilà en Carême, grande retraite ecclésiale, pour nous préparer à vivre les fêtes pascales avec un cœur purifié, c’est à dire pour réengager totalement notre vie à la suite du Seigneur. Le renouvellement des promesses baptismales, lors de la Sainte Vigile, est à la fois le terme et la fin, le « pour quoi » du désert quadragésimal.

Revitaliser de l’intérieur notre désir de Dieu !

En effet cet « entraînement au combat spirituel », comme nous l’avons prié dans la Collecte des Cendres, n’est pas une fin en soi. Il se justifie… par notre justification !

Cela veut dire que l’engagement pris lors de notre Baptême, à notre Confirmation, avec notre Profession de foi, cet engagement-là, nous savons bien qu’il n’est pas tenu dans la fidélité. L’assoupissement, la fatigue et l’usure, la routine, et tout simplement notre vieil homme, font que notre tension vers Dieu diminue, nos résolutions s’essoufflent, notre désir d’aimer s’amenuise…

Le Carême vient donc à juste propos, disait saint Léon, pour revitaliser de l’intérieur notre désir de Dieu et notre engagement à ne suivre que Jésus seul pour retrouver la maison du Père.

Etre en exode de soi…

Le Carême est donné à l’Épouse, plutôt à ses membres pécheurs, pour purifier leur cœur afin qu’ils puissent refaire leurs épousailles avec l’Époux dans la volonté indéfectible de Lui rester fidèles.

D’où l’appel, durant ces quarante jours, à détacher notre cœur des multiples attaches qui ne sont pas celles de l’Amour divin et qui même, tirent en sens opposé puisqu’elles sont liens d’amour propre, d’égoïsme, de fermeture à Dieu et aux frères. Et c’est l’injustice, cette incapacité à rendre à l’Autre et aux autres ce qui leur revient.

C’est pourquoi le message du Christ aux Cendres fut de nous inciter à nous renoncer, à nous nier même, selon le sens littéral.

S’oublier pour le Conjoint divin…

Ce n’est pas un appel à la mort, loin de là. Et d’ailleurs le reste de la Liturgie nous en persuade.

Se renoncer pour aimer, c’est tout simplement s’oublier pour laisser la primauté à celui que l’on aime ; c’est se placer dans la vraie logique de l’amour et en vivre dans la joie ! Imagine-t-on un fiancé promettant à sa belle de s’unir pour la vie en continuant cependant à se préférer à elle ?!

C’est pourtant ce que nous faisons lorsqu’au lieu de mettre le Christ devant nous, nous passons comme Pierre devant Lui !

Se laisser à l’Esprit…

Briser les liens qui me retiennent, m’enserrent et m’empêchent de me donner au Christ, voilà le véritable jeûne qui plaît au Seigneur !

Il s’agit donc durant la sainte Quarantaine de dépierrer ma mauvaise terre, d’enlever les ronces qui l’étouffent, d’apporter de l’humus pour renforcer ma générosité… afin que le désir de Dieu qui est en moi depuis le Baptême puisse enfin éclore et s’emparer de ma personne dans son entièreté.

Sans garder rien pour moi, sans fuite ni retour possible sur moi… Afin que toutes mes énergies et mes facultés soient mises à la disposition du Christ qui m’invite à Le suivre, c’est à dire à vivre comme Lui : dans l’Esprit, dans Son amour infini pour le Père et dans Son infinie miséricorde pour Ses frères.

Pénétrer le secret du Christ…

Cette purification ne peut se faire en vérité que par le haut. Il s’agit moins d’arracher le chiendent de notre jardin que de laisser l’Amour du Christ, Son Esprit, remplacer en mon cœur l’amour de moi.

User de la grâce sacramentelle, la laisser m’investir totalement, la mettre en pratique à chaque fois que la vie me sollicite… En un mot, il s’agit de pénétrer à chaque Carême plus avant dans le secret du Christ comme le suggère la Collecte : « progresser dans la connaissance du Christ…»

La mystique doit toujours précéder l’ascèse

Alors nous pourrons mieux nous ajuster à Lui, Le prendre comme modèle, Le suivre et « compléter en nous ce qui manque à Sa Passion » pour reprendre Paul.

D’où l’on voit que, même durant le Carême, la mystique est première. Elle précède l’ascèse et lui donne son mouvement, sa raison d’être. C’est l’union au Christ, la vie de grâce et dans la grâce, qui nous pousse à quitter telle habitude mauvaise, tel ou tel lien égocentrant, tel comportement d’amour propre.

Alors seulement, ces purifications acceptées dans l’Amour transforment notre vie, la rendent de plus en plus fidèle, l’ouvrant ainsi à Sa lumière comme poursuit la Collecte.

« Si vous êtes fidèles à ma parole… »

La connaissance de Jésus-Christ ne s’obtient pas d’abord dans les livres des hommes. L’Évangile n’est pas un moralisme disait Benoît XVI ; ce n’est pas un système de pensée. C’est Quelqu’un de vivant !

C’est donc Sa Parole qui, seule, peut nous donner la clé pour Le comprendre, Le prendre avec nous, le co-naître, renaître à Lui… C’est Sa Parole qui nous guide, dans la mesure où nous acceptons de la laisser entrer en nous, s’emparer de nous et être lumière pour nos pas, lampe pour notre route comme dit le Psalmiste. C’est pourquoi Jésus confia à Pascal : « Je te suis présent par ma Parole dans l’Écriture. » (Le mystère de Jésus)

« Cor ad cor loquitur »

Pratiquement, c’est en nous mettant en route derrière le Christ dès aujourd’hui que nous pourrons nous unir à Lui en vérité, dans la justice et la fidélité, dans l’engagement de notre Vigile pascale.

Mais si nous ne partons pas au désert, comme nous y invite l’évangile, pour vivre dans la tendresse et dans l’amour ce cœur à Cœur avec Lui, si nous refusons de nous retrouver avec Lui au cœur du combat contre le Malin, dans la violence des arrachements, si nous n’acceptons pas d’entrer en lutte avec notre vieil homme, portés par l’assurance que Lui a déjà vaincu ce monde, alors nos cérémonies pascales ne seront que l’accomplissement stérile d’un précepte.

Cette espérance de la victoire définitive sur le Mal à laquelle le Christ nous invite est le sens profond du Psaume 90ème qui déploie tout au long de ce 1er Dimanche de Carême la foi espérante de la deuxième Lecture : « Lors du jugement, aucun de ceux qui croient en lui n’aura à le regretter. »

« Courage, j’ai vaincu le monde ! »

Nous savons que Dieu répond à qui L’appelle, qu’Il soutient le juste, qu’Il délivre, glorifie et rassasie celui qui « connaît Son Nom » et trouve en Lui son refuge.

Telle est la magistrale leçon de cet épisode de Jésus tenté au désert. Car ce qu’il nous en faut retenir, ce n’est pas tant l’aspect terrible du combat que la certitude de la victoire en Dieu.

C’est donc à une vraie conversion du regard que le Carême appelle. Ce n’est pas en moi que je trouve ma fin. Seul, je ne suis rien. La fin, la victoire de la Vie, elle est en ce Dieu d’Amour qui nous invite à recevoir Son Fils envoyé pour racheter nos égarements, comme le rappelle la première Lecture.

C’est là la justice de Dieu qui se déploie au-delà de toute espérance et qui, seule, peut délivrer l’homme de son incapacité à sortir de lui pour retrouver la voie du don gratuit et, par là, le chemin de la Joie !

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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