Le carême : renaître par l’Église
Extrait du Sub Signo Martini – Hors-Série : Au fil de la liturgie
La catéchèse baptismale si frappante des derniers dimanches du Carême – avec des figures de la Samaritaine et de l’aveugle-né – ne doit pas occulter le riche enseignement des trois premières semaines : trois dimanches pour contempler la Trinité à l’œuvre dans l’histoire du salut.
Le Carême nous gratifie dans ses trois premiers dimanches d’une réflexion sur les grands personnages de l’histoire du salut : Noé, Abraham et Moïse. Le premier dimanche, l’arc-en-ciel de Noé signifie que l’alliance souhaitée par Dieu vise à sauver notre liberté. Le deuxième dimanche, Abraham accomplit l’alliance dans le sang du bouc pour monter qu’elle est un don de l’amour. Avec le troisième dimanche, Moïse nous rappelle que l’alliance, manifestée par les tables de la Loi, garantit la présence de Dieu au milieu de son peuple.
Aller au Père, par le Fils, dans l’Esprit que donne l’Église
Le dimanche de la tentation au désert est le dimanche du Père. Le Christ nous mène à son Père par la mort à soi-même que signifie le désert. Avec le dimanche de la Transfiguration, l’Église nous fait contempler le résultat de cette marche vers le Père : la rencontre illuminatrice de l’âme avec son Dieu. Ce dimanche est celui du Fils car lui seul peut actualiser cette rencontre avec le Père : « Nul ne va au Père que par moi. » Le troisième dimanche est l’évangile du Temple : « Détruisez ce Temple, je le reconstruirai en trois jours » ; c’est le dimanche de l’Église Temple de l’Esprit et Corps de Jésus.
Ce dimanche nous renvoie à la résurrection que Jésus annonce : « Détruisez ce Temple, je le reconstruirai en trois jours – il parlait de son corps » nous dit saint Jean. Mais l’Église est aussi le Corps du Christ, selon saint Paul. Elle est donc appelée à naître dans sa résurrection : Temple reconstruit dans la nouveauté, Temple spirituel qui rassemble les adorateurs en esprit et en vérité.
Le Temple, ancien signe de la présence divine, doit disparaître au profit du nouveau, Jésus, qui sera « répandu et communiqué », par son Corps mystique, l’Église ! Donc ce troisième dimanche fait référence au Corps mystique (non physique) mais bien réel du Christ ressuscité. Corps tellement vrai qu’il donne naissance à son corps eucharistique.
Le mystère de l’Église nous fait entrer par le Christ dans le mystère de Dieu
Voici la logique des trois premiers dimanches du Carême : le dimanche du Père, mystère de Dieu ; le dimanche du Fils, mystère du Christ ; le dimanche du Temple, mystère de l’Église. Tout le mystère du Christ se poursuit dans le mystère de l’Église. Pour passer du premier au deuxième dimanche, Dieu prend un corps et devient le Christ, et pour passer du deuxième au troisième dimanche, Dieu poursuit, communique ce corps sacramentel : l’Eucharistique qui fait l’Église.
L’Église naît de la mort de Jésus et vit en accomplissant son mystère pascal
« Détruisez ce corps et je le reconstruirai. » Cette phrase nous montre que l’Église naît de la mort de Jésus. La tradition de l’Église a vu dans le sang et l’eau jaillissant du cœur transpercé les symboles de l’Eucharistie et du Baptême, ces deux sacrements qui font l’Église. Oui, l’Église naît de la mort du Christ sur la croix. L’Église n’est donc pas la conséquence d’un raisonnement sociologique ou politique de l’homme-Jésus qui se serait demandé comment pérenniser son œuvre. L’Église n’est pas non plus le résultat d’une volonté des apôtres qui auraient essayé de se rassembler pour poursuivre et transmettre le message de celui en qui ils avaient mis leur espérance. L’Église est liée à la volonté du Père dans laquelle Jésus se remet : « Père, entre tes mains je remets mon esprit. » L’Église naît du consentement à la volonté de Dieu qui se réalise dans l’offrande de la vie : elle est donc le lieu de la volonté rédemptrice du Père. Or, la volonté, c’est l’amour, c’est l’Esprit : c’est pourquoi l’Église est Temple de l’Esprit. Et c’est pour cela que hors de l’Église, point de salut: parce que hors de l’amour, point de salut !
« Celui qui s’abaisse sera élevé »
Si l’Église naît de Jésus mourant, l’Église grandira et se développera aussi par Jésus mourant. En effet, le principe de la vie est le même, de la naissance d’un être à sa mort. Mais comment Jésus peut-il mourir encore pour l’Église alors qu’il est dans son Corps glorieux, si ce n’est par l’abaissement des chrétiens, membres de son Corps ? D’où cette phrase de saint Paul : « Je complète dans ma chair ce qui manque à la Passion de Jésus. »
Quand les membres de l’Église comprennent cette loi fondamentale, ils ne font rien d’autre que d’appliquer l’Évangile : « Celui qui s’abaisse sera élevé ». Lorsque nous nous abaissons, dans notre vie familiale par exemple, en ayant l’humilité de demander pardon à l’enfant, au conjoint, au parent, ou encore lorsque nous nous abaissons dans notre vie professionnelle en ayant l’humilité de ne pas toujours avoir raison, de savoir nous taire, de ne pas toujours vouloir nous justifier, quand nous acceptons dans notre vie spirituelle de ne plus le voir, d’avoir les épaules par terre, d’être écrasé par une faiblesse, dans une chute, par un désarroi ou une désespérance, lorsque nous acceptons ces abaissements, alors nous faisons grandir l’Église en entrant nous-mêmes dans son mystère : « Qui s’élève sera abaissé, qui s’abaisse sera élevé ! ».