12 avril 2024
Voilà, le chiffre est tombé : 12 000 baptêmes à Pâques en 2024[1], dont plus de 7 000 étaient adultes. Dans une société en quête de statistiques, cela fait bien ! Alors, chacun y va de son analyse, l’un préférant voir le seul travail de l’Esprit-Saint, d’autres encore, à l’instar de certains journalistes, ne manquent pas de souligner une « tendance de fond », dont se réjouit l’épiscopat français, mais qui ne compense pas la déchristianisation de la société française[2], préférant réduire la foi à un simple prisme sociologique. Certes, le phénomène n’est pas miraculeux au sens humain et journalistique du terme ! Non, la société n’est pas en train de redevenir chrétienne au sens des années 1900 ou 1950, car l’évangélisation ne procèdera jamais d’un plan prédéfini. Seulement… Oui, il y a de plus en plus de jeunes entre 15 et 30 ans qui redécouvrent la foi, souvent via les réseaux sociaux. La preuve en est ce nombre de baptisés mais aussi, le mercredi des Cendres. Celui-ci a vu de Douai à Gap en passant par Mulhouse jusqu’aux confins du Loir et Cher, des dizaines de lycéens et jeunes adultes venus assister à ce geste antique de l’imposition des cendres. Ainsi, quel regard de foi poser ?
En reprenant la célèbre formule de l’historien anglais Arnold Toynbee, il s’agit d’un défi qui nous est posé, car l’accueil de ces adultes, plutôt jeunes, en est un. Sous l’impulsion de l’Esprit-Saint, quelle réponse lui trouver ?
Déjà en s’interrogeant sur leur origine ! « D’où viennent-ils ? » demande l’Ancien de l’Apocalypse. La réponse est simple : l’Esprit-Saint et l’Église. Quoiqu’on en dise, l’Esprit du Christ est toujours à l’œuvre et travaille les cœurs, même au-delà des frontières visibles de l’Église. Partant, nous pouvons déjà commencer par remercier tous les chrétiens qui nous ont précédé, d’avoir semés, chacun à sa place, les bourgeons que nous voyons fleurir en ce moment.
« Qui sont-ils ? » demande également cet Ancien. Des hommes et des femmes dont la joie est pour eux de découvrir Dieu venant les sauver ! « En entendant les paroles de Pierre, les auditeurs furent touchés au cœur ; ils dirent à Pierre et aux autres Apôtres : « Que devons-nous faire ? » (Ac 2, 37). Cette parole est encore profondément d’actualité pour eux. Malheureusement, à 20 ans ces personnes ont souvent déjà fait le tour de la vie et de l’existence humaine. Confrontés à cette douloureuse question du sens authentique de leur vie, soit ils scrutent leur cœur, là où la Trinité les attendait, « tu étais au-dedans de moi et moi j’étais dehors »[3] déclarait déjà saint Augustin lors de sa conversion. Soit ils regardent leur environnement et, touchés par le lourd passé du Moyen-Âge, notamment architectural, ils en viennent à se demander comment avaient fait leurs aïeux pour bâtir leur vie ainsi que ces magnifiques joyaux que sont bien souvent nos vieux clochers de village.
Dans ces deux cas qui, souvent, s’allient subtilement, ils en viennent à oser franchir le seuil de l’église, à assister à une messe puis une autre, ou bien à un parcours Alpha ou tout autre soirée de convivialité chrétienne etc. La réponse au défi commence ainsi à poindre. Forger des lieux de convivialité chrétienne, où chacun peut y venir librement, sans contrainte de temps ni d’engagement, sans peur d’être jugé. Des lieux de prière et de mise à l’écoute de Dieu, où l’expérience de la miséricorde du Père, de l’amitié du Christ et de la consolation du Saint-Esprit est possible.
Enfin, nous en arrivons à une joie et une difficulté. La joie tient en ce que ces personnes sont hors de toute catégorie ecclésiale. Ni progressiste, ni traditionnaliste au sens sociologique du terme, elles souhaitent simplement entendre parler de la foi chrétienne et savoir comment guider leur vie selon ce critère. Ainsi, elles favorisent l’unité entre toutes les tendances d’une paroisse, venant creuser la vie spirituelle et de prière de ceux qui avaient pu l’abandonner au profit du seul agir chrétien. Mais étant souvent en situation de fragilité, notamment psychologique, elles mettent également en action des personnes jusque-là peu investies dans le service concret.
La difficulté surgit alors, car reprendre pied dans une vie demande du temps, qui plus est dans la vie spirituelle. À une époque où l’objectif doit être promptement atteint sous peine d’avoir raté quelque chose, cela constitue le principal écueil et se mesure notamment dans leur approche de la foi chrétienne très marquée par l’impression de rapidité, de singularité et d’efficacité dégagée par les Actes des apôtres. Une telle démarche peut beaucoup faire penser à la façon dont les protestants évangéliques conçoivent la vie de foi. L’enjeu pour un prêtre est alors de montrer la beauté de la foi chrétienne jusque dans son aspect religieux et social, notamment dans l’assiduité à la vie sacramentelle et l’acceptation que sa lecture assidue et personnelle des Écritures doive passer par le filtre de la communauté ecclésiale afin de ne pas rester en superficie. Bref, que la foi catholique est fondée sur les vertus, c’est-à-dire rien moins qu’un lent et patient chemin d’incarnation vers le bien de chacun des actes quotidiens. La vie humaine devenant un chemin chrétien qui prend du temps pour passer à l’éternité.
[1] https://eglise.catholique.fr/espace-presse/communiques-de-presse/550845-resultats-record-en-2024-du-nombre-de-catechumenes-en-france/ (consulté le 5 avril 2024).
[2] Sauvaget Bernadette, Journal Libération, article du 27 mars 2024 https://www.liberation.fr/societe/religions/eglise-catholique-hausse-spectaculaire-des-baptemes-dadultes-et-dados-20240327_3GADE6CMBZCFLDPTSUDRCJFNZA/ (consulté le 5 avril 2024).
[3][3] Confessions, Livre X, 27.