Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
« POUR MOI, VIVRE C’EST LE CHRIST ! »
Lectio divina pour la fête du Baptême du Seigneur Année C
Is.40, 1…11 Tit.2,11… 3, 7 Lc.3, 15-22.
« La grâce de Dieu, -nous dit Saint Paul dans son épître à Tite- s’est manifestée pour le salut de tous les hommes, pour nous aider à vivre en hommes justes et le Christ s’est donné à nous afin d’avoir un peuple ardent à faire le bien. » Dans cette phrase, que j’ai un peu tronquée, sont résumés les différents mystères théophaniques que nous célébrons depuis Noël avec la Nativité, avec l’Epiphanie et aujourd’hui avec le Baptême du Christ. Non seulement, ils sont tous les trois résumés dans cette phrase de Paul, mais l’apôtre nous rappelle leur sens profond, c’est-à-dire leur rapport à l’Eglise.
« Dieu fait grâce » est Son nom !
La grâce de Dieu, c’est la théophanie de Noël : Jésus est Celui qui sauve : « Dieu fait grâce » est Son nom !
« Elle s’est manifestée pour le salut de tous les hommes », c’est le mystère théophanique de l’adoration des Mages : l’Epiphanie.
« Il s’est donné à nous afin que nous vivions en hommes justes », c’est le mystère du Baptême !
« Pour faire un peuple ardent à faire le bien »
« Pour faire un peuple ardent à faire le bien » ! La notion de peuple nous renvoie explicitement et directement au mystère de l’Église, de l‘ecclésia, mystère que nous séparons trop souvent du mystère de Jésus. Les deux ne font qu’un suivant cette magnifique phrase de Bossuet : « L’Église, c’est Jésus-Christ répandu et communiqué. »
Oui, nous oublions que l’Eglise est la finalité de toutes choses, et particulièrement des mystères de Jésus : « Pour se faire un peuple » nous renvoie au Propter nos du Credo ! C’est pour nous, pour le peuple de Dieu que nous sommes et qu’Il s’est acquis au prix de Son Sang que Jésus est né, a vécu, est mort et est ressuscité.
Le mystère du Christ et le mystère de l’Église ne font qu’un.
Et il faut même aller plus loin avant de dire que l’Église répand et communique le mystère de Jésus par les célébrations liturgiques qui dévoilent effectivement dans le temps le mystère de la Rédemption.
Il faut dire d’abord que les mystères de Jésus existent, sont posés dans notre monde pour l’accession à l’existence et pour le développement du mystère même de l’Eglise. C’est si vrai, ce lien est si profond entre la Tête et le Corps que si nous séparons l’Eglise du mystère de Jésus, le mystère même de Jésus perd sa signification et sa raison d’être.
Le Racheteur et la première des rachetés…
Regardons le mystère de Noël.
Le mystère de Noël, c’est le passage de l’Église figurée, de l’Église dans l’ombre, à l’Eglise appelée à l’existence. À cet instant inouï de la Nativité, nous nous trouvons comme les bergers : en face du ‘Racheteur’ Jésus et de la Rachetée Marie. Ces deux êtres forment, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, l’Eglise en tant qu’existante, en tant que réalité non plus seulement désirée, mais existentielle, sous cette forme ramassée et parfaite que sont la Tête (le Christ) et le Corps (rassemblé en Marie).
Regardons aussi le mystère de l’Epiphanie qui manifeste non seulement l’Église, mais son universalité, le fait que le Salut s’offre à tous les hommes. A Noël, c’est le mystère de la grâce dont Marie est le réceptacle vierge et secret : « Réjouis- toi, Marie, pleine de grâce. » À l’Épiphanie, c’est le mystère de l’explosion gracieuse !
Et le Baptême ? Le Baptême est le mystère de Jésus par lequel Il manifeste la nature de l’Eglise qui est l’Epouse et dont l’agir consiste simplement à être avec son Epoux !
L’Esprit Saint, âme de l’Eglise
Saint Paul nous rappelle dans l’épître à Tite que l’Esprit Saint était « répandu en abondance sur nous. » L’Esprit Saint qui nous est donné, le Consolateur, c’est l’âme de l’Eglise. Cessons d’avoir de l’Église une vision trop humaine, trop anthropomorphique en ne regardant que les institutions et bien entendu leurs défauts ! Allons au fond des choses, ayons un regard théologal sur l’Église pour ne pas oublier que l’Esprit Saint est l’âme de l’Église, c’est-à-dire le principe vital, vivifiant.
L’Esprit Saint est celui qui rend présente l’Eglise dans le monde. Comme Il rend présent le Christ dans le sein de Marie, ou dans les Saintes Espèces à la Messe. L’Esprit Saint est Celui qui représente, c’est à dire ‘rend-présent’ . Ce n’est pas Monseigneur un tel ou Monseigneur un tel… C’est l’Esprit de Dieu qui représente l’Église !
« Tu es mon fils, le Bien-Aimé »
Et dans cette scène du Baptême de Jésus, l’Esprit Saint est là. « Il descend sous la forme corporelle d’une colombe. » La colombe, dans l’Ecriture, et particulièrement dans le Cantique des Cantiques, représente l’épouse, celle qui est donnée au Bien-Aimé.
« Tu es mon fils, le Bien-Aimé », dit l’évangéliste Matthieu. Nous sommes tout à fait dans ce contexte sponsal qui découle de l’union de l’humanité à la divinité dans le mystère de Noël : « Tu es mon fils, le Bien-Aimé », c’est-à-dire l’Époux.
Le Christ est l’Époux, l’Église représentée par l’Esprit Saint, Lui-même figuré par la colombe, est l’Épouse.
« Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi… »
Le mystère du Baptême manifeste aussi logiquement, comme une conséquence, l’agir de l’Eglise, ce qu’elle doit faire. Si l’Église est l’épouse, elle se doit de vivre avec son Epoux.
C’est une évidence, pensons-nous. Mais vivons-nous chacun avec notre Époux ? Nous ne devons faire avec Lui qu’« une seule chair. » Nous devons vivre avec le Christ spirituellement comme l’homme vit avec sa femme, pour ne faire qu’une seule chair. Oui, la loi du mariage s’applique d’abord et en plénitude à l’union des cœurs, à l’union de volonté entre Dieu, représenté par Son Fils qui est l’Epoux et l’homme représenté par sa femme qui est l’épouse. Est-ce que mon âme fait avec Jésus-Christ une seule chair au point que je puisse dire avec Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi… » ?
Suis-je donné à Jésus dans ma personne comme Jésus s’est « donné pour nous » (pour reprendre l’expression de Paul à Tite) comme Jésus « s’est livré à nous », (pour reprendre l’expression de Paul aux Éphésiens), « pour purifier, pour laver l’Église en son sang » ?
Nous nous devons, suivant cette logique, de vivre avec Lui, de nous donner à Lui, comme Il s’est donné à nous. En un mot, pour ne faire plus qu’un avec Lui, nous nous devons d’appliquer cette formule frappante de Jean Baptiste : « Il faut qu’Il croisse et que je diminue » !
« Il faut qu’Il croisse et que je diminue »
Faisons notre examen de conscience.
Sommes-nous un petit peu, un tant soit peu « une seule chair » avec notre Seigneur, au bout de 30 ans – 40 ans – 50 ans – 70 ans de vie baptismale ? Posons-nous la question ! Est-ce que nous pouvons dire que nous avons cherché durant toute notre vie, en chutant bien entendu, en défaillant, à Le faire croître en nous et à diminuer pour nous perdre en Lui ? A diminuer la part de notre nature, de notre personne, de notre moi-égotique ?
Voilà l’exigence, simple, de la vie chrétienne.
Dieu est Amour c’est vrai ! Le résultat de cette vérité mystique et si douce à entendre, c’est cette exigence du mariage d’amour, cette exigence de l’union. Si Dieu n’était pas Amour, nous serions bien plus libres ! Il suffirait de payer le denier du culte, il suffirait de venir à la Messe le dimanche ! Mais non, la vie chrétienne ne se réduit pas à cela…
« Une seule chose est nécessaire… »
Le temps ordinaire commence demain et il n’est jamais trop tard pour s’y mettre même si nous sommes au seuil du passage, et surtout si nous le sommes !…
Le temps ordinaire, c’est le plus beau des temps. C’est le temps justement de la vie de l’Église. C’est le temps de la vie du baptisé, c’est le temps où chacun d’entre nous, inséré dans l’Église par son Baptême, doit vivre avec le Christ. Cela ne nous empêche pas de vivre avec notre épouse, avec nos enfants et nos petits-enfants… Cela ne nous empêche pas de vivre avec notre travail et notre repos, notre détente et nos amis… Mais d’abord avec le Christ !
C’est pour cela que le Baptême de Jésus ouvre la vie publique du Sauveur : pour bien montrer que cet événement n’est pas ésotérique, caché… Le chrétien n’est pas un homme caché. Nous ne sommes pas une secte !
« Pour moi, vivre c’est le Christ ! »
Le Baptême ouvre la vie publique de Jésus pour nous montrer que l’Epoux doit appartenir à notre paysage quotidien.
Jésus doit appartenir à ce paysage. Il ne doit pas seulement appartenir à mon heure dominicale. Il doit appartenir à mon travail, à ma famille, à mes relations amicales, à ma ville, à ma santé, à mon repos. Je suis chrétien publiquement. Cela ne veut pas dire qu’il faut que je brandisse des écriteaux, que je fasse des manifestations ! Cela veut dire qu’il faut que, comme Jésus, je vive publiquement parmi les hommes. Il faut que je sois un homme, une femme et il faut que les personnes qui me regardent vivre puissent se référer à la vie de Jésus.
Le Christ, le chrétien, le baptisé, tout cela ne doit faire qu’un dans la vie, et pas seulement dans l’esprit. L’Église, c’est le dévoilement du mystère de Jésus, mais le dévoilement vital et pas seulement intellectuel. Il y en a qui se convertissent parce qu’ils voient vivre des chrétiens, et il y en a qui s’éloignent de l’Eglise parce qu’ils voient vivre des chrétiens, c’est-à-dire qu’ils les voient vivre comme des non-chrétiens.
Nous sommes responsables. Nous avons dans la main, ou plus exactement dans notre cœur, la force de dévoiler au monde, pas seulement par la parole, mais par le cœur, par la vie, par notre vécu la vérité de l’Evangile : Dieu est Amour, nous sommes Ses enfants, ou si nous préférons : Il est notre Époux, et nous sommes Son Épouse. Quelle grâce merveilleuse ! Quelle vocation extraordinaire !
Je vous souhaite une belle et sainte année nouvelle !
Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.
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