Aumônier de prison
20 février 2024
Don Paul Gantois témoigne de sa mission à la maison d’arrêt de Châlons-en-Champagne.
La mission de l’aumônier
Saint Vincent de Paul (1581-1660) fut le premier aumônier des galères du Royaume de France. Sa mission principale était de s’assurer de la dignité humaine des galériens et de leur soutien spirituel.
Aujourd’hui il n’y a plus de galères mais c’est dans cet héritage que les aumôniers de prison demeurent. Même si « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte » seules les aumôneries présentes dans « les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons » sont rémunérées par l’Etat depuis la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905, pour permettre aux personnes privées de leur liberté de pouvoir continuer à exercer leur liberté de culte.
La mission de l’aumônier est avant tout un accompagnement personnel et spirituel des personnes détenues qui en font la demande. C’est aussi la célébration de la Messe, les temps de prière et de Lectio Divina partagée. C’est émouvant de voir comment les prisonniers se laissent toucher, interpeller et bousculer par la Parole de Dieu.
Des prisonniers pratiquants…
Le nombre de pratiquants en milieu carcéral explose tous les chiffres du nombre de pratiquants en France. Ce sont souvent les plus pauvres, les plus petits qui se laissent toucher par l’amour de Dieu, et cela se vérifie en milieu carcéral. Les demandes de baptême sont récurrentes, sans compter la célébration du sacrement de la confession. Bien qu’une préparation au baptême soit difficile en prison hormis dans les Centre de Détention avec de longues peines, de nombreux détenus font l’expérience de la miséricorde de Dieu dans le sacrement de la confession. Un détenu a aussi pu faire sa première communion lors de la messe de Noël. Quelle action de grâce !
Quand on pense aux prisonniers, on pense tout de suite aux actes qu’ils ont pu commettre pour arriver en prison. Seulement, quand on parle avec eux, que l’on sait l’enfance qu’ils ont pu connaître, souvent, l’on se dit que si nous avions vécu le quart de ce qu’ils ont vécu, ce serait certainement nous qui serions derrière les barreaux.
On ne peut pas minimiser les actes commis mais la personne détenue ne peut jamais être réduite à ses actes. « Dieu ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur. » (1Sm 16, 7) Qu’aurions-nous dit au bon larron repentant sur la croix ? Jésus lui a dit : « aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » (Lc 23, 43)
Parfois quand nous parlons du jugement dernier en paroisse cela semble être une réalité d’un autre temps, mais les détenus ont une vive conscience du jugement de Dieu, une vive conscience aussi de la notion de pénitence et de leur misère. Ils savent que Dieu est amour mais ils savent aussi qu’ils ont fait du mal et qu’ils ont blessé Dieu. Des prisonniers dans le déni, ça existe, mais de ceux qui font appel à l’aumônerie catholique je n’en ai presque jamais rencontré.
Plusieurs fois c’est arrivé qu’en priant avec un détenu, pour lui et ses victimes, il se mette à pleurer. Une fois un détenu m’a dit en pleurant, « pardon, mais c’est la première fois que quelqu’un prie pour moi ». Les prisonniers sont souvent de grands adolescents en manque d’amour. Et il trouve en Notre Seigneur comme une réponse à ce manque d’amour. C’est tellement beau de voir un fils se jetant dans les bras de son Père et pleurant sa misère comme le fils prodigue (Cf. Lc 15, 11-32).
Nous allons à la rencontre du Christ qui est en prison
Certains aumôniers prêtres ou laïcs peuvent parfois vivre le « choc carcéral » à leur première entrée en détention, lorsque vous devez attendre que la porte de derrière soit fermée pour que la porte de devant s’ouvre. Parfois nous pouvons être enfermés seul avec la personne détenue par mesure de sécurité. Une fois sorti, le retour à la vie en liberté laisse toujours une impression étrange. Nous sommes libres, et eux non. Le sentiment d’une oppression disparue. Beaucoup de personnes détenues peuvent avoir du mal à leur sortie à ouvrir seul une porte.
Mais le Christ brise les verrous de la prison. Quand nous rentrons en prison, nous apportons le Christ mais nous allons aussi à la rencontre du Christ qui est en prison.
Pour finir…
Les prisonniers trouvent un vrai soutien par les échanges avec les aumôniers, la prière du chapelet, les temps de prière, personnelle et communautaire. Pourtant les problèmes liés à la dignité humaine des personnes détenues sont nombreux, en grande partie dus à la surpopulation carcérale en France. De grands bouleversements sont à opérer. Que Dieu aide nos dirigeants à prendre les bonnes décisions pour le bien des prisonniers et pour le bien de la toute la société.
Don Paul Gantois, aumônier à la Maison d’Arrêt de Châlons-en-Champagne.