APPRENDRE À CONTEMPLER ET À VIVRE SON BAPTÊME…
Lectio divina pour le Baptême du Seigneur
Is.40, 1…11 Tit.2,11…3, 7 Lc.3, 15…22
Lectio divina pour le Baptême du Seigneur
Is.40, 1…11 Tit.2,11…3, 7 Lc.3, 15…22
Depuis Noël les illuminations de la divine lumière se suivent : Noël bien sûr, puis l’Epiphanie et maintenant le Baptême du Christ. Ces évènements se succèdent rapidement. Ils sont indissociables les uns des autres (comme le disent nos frères orientaux) parce qu’ils révèlent chacun une face du mystère de Dieu venant dans le monde dans Son Verbe. Noël nous apprend le Christ, l’adoration des Mages nous dit l’Eglise et aujourd’hui avec le Baptême de Jésus, Dieu nous révèle l’Esprit. Dimanche prochain, alors que nous serons déjà entrés dans la vie publique du Christ, nous aurons l’ultime manifestation lumineuse du Verbe (que les orientaux fêtent en même temps), c’est le miracle de Cana. Avec lui nous sera révélé le mystère de Marie, mère du Christ, épouse de l’Esprit et premier membre de l’Eglise.
Comme on le voit, tout se tient. C’est pourquoi, dans notre sanctification liturgique, il faut absolument garder les mains tendues d’un dimanche à l’autre pour saisir la puissance substantielle du message évangélique que l’Eglise nous transmet, semaine après semaine.
Remarquons aussi que, dans toutes ces apparitions lumineuses du Verbe, l’homme est présent dans ce qui est le cœur de sa vocation : être un adorateur de Dieu. A Noël ce furent les bergers, pour l’Epiphanie c’étaient les Mages, avec le Baptême, même si le texte de l’Evangile de cette année C ne le précise pas, c’est le Baptiste qui se mettra à genoux devant le Christ. Dimanche prochain, à Cana, ce seront les apôtres : « Ce fut le premier signe de Jésus et ses disciples crurent en Lui ».
Donc au cours de ces illuminations qui précisent, développent le mystère de l’Incarnation et nous préparent à le vivre à la suite de Jésus menant Sa vie publique, il y a toujours, à côté du Christ dans le mystère de l’Eglise, dans le mystère de l’Esprit et dimanche prochain avec le mystère de Marie, l’homme dévoilé comme adorateur ! C’est dire que Dieu ne se révèle pas pour se faire valoir ! Non Dieu se révèle pour que l’homme puisse Le contempler et donc entrer en communion d’amour avec Lui… Quelle humilité et quelle bonté nous révèle-t-Il en espérant nous y donner goût !
Dans le mystère du Baptême que nous célébrons aujourd’hui il y a une particularité. En fait les trois mystères s’y regroupent et sont comme synthétisés : Noël, l’Epiphanie et bien sûr le Baptême.
Nous avons devant les yeux le personnage du Christ publiquement comme Il apparaît aux Juifs venus se faire baptiser par Jean. Nous avons l’apparition de l’Esprit : « J’ai vu l’Esprit se poser sur Lui. »
Et nous avons même, de manière figurative, l’Eglise parce que l’Esprit vient sur Jésus « en prenant l’aspect corporel d’une colombe. » Or Il aurait très bien pu prendre l’aspect de la langue de feu comme Il le fera à la Pentecôte ! En effet, la colombe, avec le Cantique des Cantiques, signifie la bien-aimée (l’Eglise, l’âme) à laquelle Jésus s’unit dans des épousailles mystiques par l’Esprit qui, de ce fait, est l’âme de l’Eglise, Son moteur, Son énergie vitale qui lui fait dépasser le cadre d’une simple institution administrative pour faire d’elle un Corps, mystique mais vivant. Nous avons bien ainsi dans ce tableau du Baptême : le Christ, l’Esprit l’Eglise. Et ce sont ces trois réalités qu’il nous faut contempler.
Commençons par la première, Jésus-Christ. Nous devons nous arrêter, et contempler attentivement cet acte particulier de la réception de l’Esprit Saint par Jésus dans Son humanité ! Bien sûr Il Le reçoit dès Sa conception, mais comme c’est un acte mystérieux, invisible, Il sera manifesté visiblement dans cet acte du Baptême par la descente de la colombe. Jésus en tant qu’homme reçoit l’Esprit Saint et va en vivre !
Nous le verrons lors du 1er dimanche de Carême. L’Evangile nous parlera de Jésus qui, sitôt après le Baptême, « poussé par l’Esprit s’en va au désert. » Chez Luc d’ailleurs, cet épisode sera suivi immédiatement de son explication : Jésus est poussé par l’Esprit parce qu’Il en est investi. Tel est le message du Seigneur à la synagogue de Nazareth : « Aujourd’hui s’accomplit la parole d’Isaïe, le Seigneur m’a consacré, Il m’a oint de l’Esprit pour m’envoyer porter la Bonne Nouvelle aux pauvres… »
Donc le premier à vivre cette vie de l’Esprit c’est Jésus-Christ.
Pourquoi est-ce que le Christ dans Son humanité reçoit l’Esprit ? Pour permettre à l’humanité toute entière assumée par Jésus de recevoir à son tour l’Esprit et d’en vivre. Le Verbe a assumé l’humanité entière. Dans l’humanité, Il en a assumé la part corporelle : la souffrance, la faim, la croissance, le développement, la mort…
Mais Il en a assumé surtout la part intérieure, spirituelle, pour qu’à notre tour nous puissions, en Lui, vivre cette vie spirituelle au sens propre, cette vie pneumatique, vie d’enfant de Dieu qui est celle, naturelle, du Verbe incarné. Le Christ a reçu l’Esprit pour nous qui étions en Lui.
Voilà le premier point qu’il est bon et beau de contempler aujourd’hui. Je ne suis pas seul à vivre dans l’Esprit, nous ne sommes pas seuls à vivre dans l’Esprit, nous suivons dans cette vie de l’Esprit un Frère, un grand Frère qui est le Fils de Dieu Lui-même !
Le deuxième point qu’il faut regarder concerne plus précisément cet Esprit en lequel et par lequel nous sommes appelés à vivre, à la suite de notre Frère aîné.
Pourquoi fallait-il que l’humanité reçoive l’Esprit Saint ? Il fallait que l’humanité reçoive l’Esprit Saint parce que c’est dans l’Esprit que nous sommes enfants de Dieu.
L’épisode du Baptême est très clair qui fait le lien entre l’apparition de l’Esprit, et la proclamation de la filiation divine de Jésus. Tous les évangélistes ont retenu et cette descente de l’Esprit sur Jésus et la voix du Père qui sort du Ciel et proclame : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui-ci est celui en qui j’ai mis tout mon amour, écoutez-le ». C’est donc l’Esprit Saint qui fait l’homme enfant de Dieu, y compris Jésus en Son humanité : « Tous ceux qu’anime l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu » dira Paul.
Car Dieu ne pouvait se contenter de faire de l’homme un adorateur. Dieu avait l’intention de restaurer l’homme dans sa forme intégrale et première, originelle, telle qu’Il l’a Lui-même créé, façonné, à Son image et à Sa ressemblance. Or qu’est-ce qui est fait à l’image de quelqu’un si ce n’est son enfant ?
Dieu ne nous crée pas comme Il crée le minéral ou le végétal qui ne sont que des vestiges, des traces éloignées de Sa puissance. Dieu dans la création nous a engendrés comme des enfants, établissant ainsi entre Lui et nous une réelle relation personnelle de père à fils. Alors, pour qu’à la suite du péché originel qui a brisé cette relation de filiation, nous redevenions l’enfant du Père tel le fils prodigue de Luc, il fallait que Dieu nous donne Celui qui, Seul, pouvait reconstruire cette filiation : Son propre Esprit, c’est-à-dire Son Amour.
Nous nous rendons mieux compte de l’importance de cette effusion de l’Esprit (qui sera rendue publique à la Pentecôte, inscrivant en même temps l’Eglise dans l’ordre missionnaire) prévue de toute éternité par le Père et qui a été préparée par l’Ancienne Alliance…
Si nous reprenons les lectures prophétiques comme celles d’Ezéchiel nous retrouverons, en leitmotiv, cette annonce que Dieu fait à Son peuple : Je répandrai sur eux mon Esprit… Je leur donnerai un cœur nouveau… J’enlèverai leur cœur de pierre pour mettre un cœur de chair… Je ferai d’eux un peuple de fils ! Ces annonces se réalisent parfaitement dans ce nouvel Adam de la nouvelle humanité qui est Jésus-Christ aujourd’hui.
Cette venue de l’Esprit ne doit pas être ramenée à une effusion charismatique ponctuelle et utilitaire. C’est la vie même de Dieu qui est donnée à l’homme pour qu’il soit, non seulement un adorateur, mais un enfant aimant.
Troisième point : Comment l’humanité pourra-t-elle recevoir cet Esprit qui la fait devenir -si elle accepte- enfant de Dieu ? Paul nous donne une réponse claire dans la lecture : « C’est par le bain du baptême que le Christ nous a fait renaître… »
Est donc toujours présent cet aspect de la naissance c’est-à-dire de l’enfantement, de l’engendrement divin qui renvoie au discours de Jésus à Nicodème : « Celui qui renaît de l’eau et de l’Esprit », celui qui de nouveau est engendré enfant de Dieu à l’image de Dieu. « Il nous a fait renaître par le bain du baptême, Il nous a renouvelés par l’Esprit. » précise Paul.
C’est donc par le Baptême que nous recevons l’Esprit. Le Baptême est le sacrement premier, institutionnel, de l’Eglise. On comprend, alors, qu’il soit le seul sacrement de nécessité de salut.
L’Eglise est le lieu de l’Esprit avant toute chose. Souvenons-nous de Jésus aux apôtres : « Recevez l’Esprit Saint.» Il n’a pas dit : construisez des églises, ramassez le denier du culte. Il a dit : Recevez l’Esprit Saint ! Ajoutant d’ailleurs : « Ceux à qui vous remettrez les péchés… » Car, comme le dit Zacharie dans le Benedictus, la venue du Salut se traduit par le pardon des péchés.
Recevez l’Esprit Saint… L’Eglise est le lieu de l’Esprit, elle est le vase de l’Esprit, à l’image de Marie. Elle est le vase de l’Esprit pour communiquer l’Esprit. L’Amour de Dieu dit Paul c’est-à-dire la Vie, l’essentiel de Dieu, « l’Amour de Dieu est diffusé dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » par et dans le Baptême, dans et par l’Eglise.
C’est par le Baptême, c’est par et dans cet Esprit que nous devenons chacun tout d’abord Corps du Christ c’est-à-dire l’Eglise. Chacun et chacune d’entre nous est dans la totalité le Corps du Christ, c’est à dire l’Eglise dont Jésus est la tête. L’Eglise est totalement en chacun de nous par cette présence de l’Esprit qui est indivisible. De la même manière qu’à Noël l’indivisibilité de l’Amour de Dieu fait de chacun de nous la finalité totale et ultime de l’Amour de Dieu.
Donc nous sommes, par le Baptême, le Corps de Jésus-Christ c’est-à-dire l’Eglise. Mais nous sommes en même temps, même si cela paraît contradictoire, nous sommes chacun, membres différents et multiples, de ce seul Corps du Christ. Je vous renvoie à l’épître aux Corinthiens où Paul précise que certains sont comme les mains, d’autres sont comme les jambes mais tous ne forment qu’un seul corps.
Donc par l’Esprit reçu au Baptême nous sommes chacun tout entier le Corps du Christ c’est-à-dire l’Eglise dont Jésus est la Tête et nous sommes par le même Baptême, chacun dans notre différence, dans notre vocation personnelle, sujet unique de l’Amour de Dieu bien caractérisé, bien personnel. Et chacun ne forme avec tous les autres qu’un seul Corps dans le Christ.
C’est cette réalité mystérieuse de l’unité composée de plusieurs parts que représente la traditionnelle galette des Rois. Elle est le signe très humble de ce mystère du Corps formé et cimenté par chacun des membres.
C’est cette réalité mystérieuse, aussi mystérieuse que le mystère de l’Incarnation, cette réalité sanctifiante, puisqu’elle est engendrée par l’Esprit, qui nous définit. Notre monde insiste trop sur les réelles divisions politiques, raciales, sociales pour que nous ne soyons pas heureux de pouvoir, au-delà de ces différences inéluctables, vivre dans cette unité de l’Esprit qui fait le lien de la paix pour reprendre la phrase de Paul aux Ephésiens.
N’oublions donc pas de contempler tout ce que nous avons reçu par le sacrement du Baptême : seul sacrement de nécessité de salut, il me pose dans la filiation, et me fait renaître à mon image première d’enfant de Dieu. Je peux me sauver sans Eucharistie, je ne peux pas me sauver sans Baptême : « Qui croira et sera baptisé sera sauvé » dit Jésus.
Le Baptême, c’est aussi le salut à travers moi pour les autres. Parce que je reçois l’Esprit de Jésus. Insistons : c’est absolument le même Esprit que Jésus a reçu pour apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres, pour consoler les affligés, pour annoncer une année de libération…
C’est cet Esprit-là, cette Puissance écrira Paul aux Ephésiens que je reçois. C’est cette Puissance qui me poussera bientôt au désert du Carême, à la suite de Jésus et à la rencontre avec le Père.
Mais dès dimanche prochain débutera le Temps Ordinaire. C’est pour cela d’ailleurs que Marie nous sera donnée en exemple avec l’épisode de Cana : Marie mère de l’Eglise, Marie première des rachetés, Marie notre mère et notre modèle. Nous entrerons avec elle et tous ensemble, en cette Eglise que nous sommes chacun individuellement et que nous formons en tant que Corps, à la suite du Christ, dans la vie publique du Fils de Dieu. Jusqu’à présent cette vie restait cachée et en quelque sorte réservée à la contemplation du berger, du Mage, de Marie, de Jean-Baptiste…
Suivre Jésus et L’écouter pour L’imiter… Celui qui M’accueille –donc celui qui accueille Ma Parole, qui L’écoute et qui La garde- deviendra enfant de Dieu nous dit Jean. Nous allons L’écouter pour L’imiter et nous allons L’écouter et L’imiter pour L’annoncer en vérité et de manière crédible : « Qui vous écoute M’écoute et qui M’écoute écoute Celui qui M’a envoyé. »
Mgr Jean-Marie Le Gall
Communauté Saint Martin
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