L‘abbaye d’Évron : un joyau d’architecture
Grâce aux transformations qu’elle a subies au fil des siècles, l’abbaye d’Évron offre un résumé architectural des époques romane, gothique et classique.
Un site occupé depuis l’âge du fer
La ville d’Évron se trouve à une trentaine de kilomètres au nord-est de Laval. Elle fut créée à partir de la construction de l’abbaye. Cependant, des découvertes faites à la fin du XXe siècle, prouvent que le site était occupé depuis fort longtemps. Trois stèles funéraires datant de l’Âge de Fer ont été retrouvées l’une en 1985, dans les fondations du chœur gothique, l’autre en 1993, à l’occasion du réaménagement de la place, au pied du transept sud de la basilique et une autre enfin, fut retrouvée place de Boulay à l’occasion de la destruction de l’hôtel des Quatre Vents.
Monolithe de l’age de fer.
La tradition de l’Épine
Gravures du miracle de l’Épine.
L’église d’Évron fut mentionnée pour la première fois en 642, dans le testament de Saint Hadouin, évêque du Mans. Selon la légende de l’Épine, celui-ci fonda le premier monastère, au VIIe siècle. Un pèlerin venant de Terre Sainte rapportait du lait de la Vierge. Il se serait endormi au pied d’une aubépine après y avoir suspendu la sacoche contenant la précieuse relique. L’arbre aurait alors grandi, si bien que le pèlerin n’aurait pu attraper son bien à son réveil. Mais Hadouin, de passage en ce lieu, pria, en promettant de construire un monastère sur place et l’aubépine se courba. Ce miracle est actuellement fêté le 8 septembre, date de l’érection de l’église en basilique mineure en 1941. Ainsi aurait été fondée Notre-Dame-de-l’Épine, ou de l’Aubépine, qui devint un centre de pèlerinage et une abbaye bénédictine. Détruite lors des invasions bretonnes et normandes au IXe siècle ; l’abbaye fut restaurée à partir de 989 sur ordre du vicomte du Maine, ce qui entraîna la fondation d’un bourg monastique qui devint la ville d’Évron.
La plus puissante abbaye du Bas-Maine
Grâce au prestige de sa fondation et aux nombreuses donations, l’abbaye devint très vite riche et puissante. Dès sa création elle fonda des prieurés aux alentours comme à Bais, Neau et près de Montourtier. Ces possessions nous sont connues car lorsque l’établissement religieux fut relevé de ses cendres en 989, les moines réalisèrent un cartulaire où ils firent la liste des prieurés leur appartenant avant la destruction de l’abbaye.
La crypte: un vestige de l’édifice primitif
À l’occasion d’une restauration du carrelage dans le chœur gothique de la basilique, une crypte fut détectée en 1865. D’autres travaux menés sur le sol en 1985 permirent de la mettre au jour et d’y mener des fouilles archéologiques. Cette crypte date de la fin du Xe siècle. Elle appartenait donc à l’édifice reconstruit à partir de 989. Ses voûtes étaient plus hautes que le sol de la nef, de manière à surélever le chœur. Ce parti architectural se retrouve fréquemment dans les églises construites durant la période carolingienne. La crypte comportait une nef à trois vaisseaux et était terminée par une abside percée de trois larges baies. Lors de la reconstruction du XIIIe siècle, ses voûtes furent détruites afin de mettre le chœur au même niveau que la nef.
L’église romane
Au XIe siècle, la nef et le chœur roman furent élevés. L’édifice faisait environ 70 mètres de long pour 25 de large. Le chœur fut détruit au XIIIe siècle mais il reste la nef, achevée par une imposante tour-porche intégrée dans les bâtiments de l’abbaye. La nef se composait d’un vaisseau central et de deux bas-côtés. Par la suite, le vaisseau central perdit sa voûte de pierre, qui menaçait de s’effondrer, au profit d’un plafond de bois, plus léger. En revanche, le bas-côté sud a conservé sa voûte en berceau. Cette partie de l’édifice fut également percée par de larges ouvertures, qui remplacèrent les baies anciennes. Enfin, le bas-côté nord fut détruit en 1625 pour agrandir les bâtiments des moines.
La tour-porche
Elle fut élevée à la même époque que la basilique romane. À l’origine elle était éclairée par de larges baies, mais elles furent remplacées au XVIe siècle par des meurtrières et des éléments défensifs tels que des hourds et des mâchicoulis. Ainsi, cette tour a plus l’aspect d’un donjon que d’un clocher. La grande baie, garnie d’une verrière blanche et pourvue d’un cadran d’horloge, fut ouverte au XVIIIe siècle afin d’éclairer la base de la tour.
La chapelle Saint-Crépin
Au XIIe siècle, une chapelle fut bâtie au nord du chevet roman. À l’origine, la chapelle était séparée de l’église abbatiale mais la reconstruction du XIIIe siècle a réuni les deux édifices. La chapelle était jadis dédiée à la Vierge mais elle est passée à la postérité sous le nom de Saint-Crépin à cause de son porche. Les habitants d’Évron avaient identifié un décor en forme de semelles de chaussures sur l’une des voussures et saint Crépin est le patron des cordonniers. Le plan de la chapelle se compose d’une nef unique et d’une abside semi circulaire. La nef possède des voûtes d’arêtes tandis que le chœur est voûté en cul de four. Au XIVe siècle, l’espace a été raccourci d’une travée pour pouvoir aménager une sacristie.
Le choeur gothique
Au XIIIe siècle, les moines de l’abbaye décidèrent de détruire l’église romane pour la remplacer par un édifice en accord avec les goûts architecturaux d’alors. Ils élevèrent un chœur et un déambulatoire à chapelles rayonnantes qui fut consacré en 1252. La construction n’était pas achevée pour autant ; un transept et deux travées de nef furent élevées par la suite. Cependant, les travaux n’allèrent pas plus loin, sans doute faute de subsides. La nouvelle construction fut séparée de la nef romane par un large arc diaphragme. La partie gothique possède une hauteur sous voûtes de 23,50 m. La nef et le transept s’élèvent sur deux niveaux. La lumière entre à l’intérieur par les larges baies du deuxième niveau tandis que le premier est décoré d’arcades. Chaque bras du transept porte une galerie. On accédait peut-être à la galerie du bras sud par l’extérieur à l’aide d’un escalier se trouvant dans la tour.
Une flèche disparue
Une grande flèche couronnait la croisée du transept. Elle avait été construite en 1667 par Nicolas Brissoult, ainsi que l’indiquait une inscription sur la charpente. Son sommet s’élevait à 70 mètres. Elle fut détruite en 1901 à cause de son état proche de la ruine. Une nouvelle flèche, moins imposante que la précédente fut alors édifiée.