Il est important d’insister sur ce point quelquefois oublié : le Christ, en quelque sorte, exercera Son sacerdoce à ce moment. Le sacerdoce, nous rappelle l’épître aux Hébreux, est cette fonction qui consiste à mettre en relation l’homme et Dieu. Or le grand prêtre parfait, c’est le Christ à la Croix.
Jésus est grand prêtre pour l’Éternité !
Il est vrai que, bien souvent, nous réduisons le rôle sacerdotal du Christ à cet instant de la Croix alors qu’il s’étend dans l’éternité, qu’Il continue à intercéder pour nous. C’est à ce moment-là, précis, l’heure du jugement, qu’Il pourra exercer Son sacerdoce en plénitude puisqu’Il nous mettra définitivement en face de Son Père ! Il mettra définitivement en relation éternelle avec le Père tous ceux qui, nous dit l’épître aux Hébreux, auront accepté de recevoir de Lui la sainteté. C’est à ce moment-là effectivement que s’établira parfaitement la relation entre l’âme et Dieu à travers la fonction sacerdotale de Jésus-Christ.
« Le Fils de l’homme est proche, Il est à votre porte. »
Ce moment de la fin du monde est en quelque sorte anticipé pour chacun de nous à un autre instant : l’heure de notre mort. D’où la précision de Jésus : « Le Fils de l’homme sera proche, Il sera à votre porte. » A la porte de chacun à cette heure bien précise où, le temps s’arrêtant pour celui qui meurt, (‘celui qui passe’ comme dit l’expression populaire exprimant bien ce passage à la vie éternelle, notre pâque), nous devenons incapables de poser un acte moral, et donc incapables de mériter ou de démériter. C’est dire qu’à l’heure de notre mort (comme nous le prions dans le Je vous salue Marie), à l’heure de cette pâque, nous sommes fixés pour l’éternité : dans un acte de refus, ou de plus ou moins grande familiarité avec Dieu, ou de communion parfaite avec Dieu.
« Réjouis-toi serviteur bon et fidèle, entre dans la joie de ton Maître ! »
Nous savons que le Fils de l’homme ne nous donne pas la date de cette pâque. Il ne la connaît pas Lui-même et le Père ne la Lui révèle pas. Pourquoi ? Pour nous surprendre méchamment, comme l’on cherche à prendre en faute simplement, quelqu’un que l’on n’aime pas ?
Pas du tout ! C’est bien au contraire ainsi que l’Évangile nous le rabâche : pour que nous soyons vigilants, pour que nous gardions nos lampes allumées, pour que nous soyons prêts, pour que nous travaillions sans cesse au service du Seigneur… En un mot, pour que, lorsque le Seigneur frappera à notre porte au moment de notre mort, Il nous trouve en état de service et qu’Il puisse nous dire, comme Jésus le déclare : « Réjouis-toi serviteur bon et fidèle, entre dans la joie de ton Maître ! »
« C’est dans la persévérance que vous sauverez votre âme. »
Alors pour rester justement vigilants, sur nos gardes, pour rester en état de service, pour faire en sorte que lorsque le Seigneur arrivera, Il nous trouve au travail et, selon l’expression de Jésus, Il se mette alors à nous servir, en nous donnant d’entrer dans la maison de Son Père, la liturgie de ce jour nous donne trois éléments essentiels.
Le premier que nous trouvons dans la Collecte, c’est la fidélité. Nous avons demandé dans la Collecte, d’« être établis dans la fidélité. »
La fidélité, c’est la foi qui dure dans le temps. Il ne s’agit pas seulement d’être baptisés : il s’agit de vivre en baptisés ! Il s’agit d’être toujours attentifs à mettre en œuvre notre engagement baptismal. La fidélité, c’est la persévérance dans l’Évangile, jour après jour, minute après minute, seconde après seconde ; cette persévérance dont Jésus nous dit Lui-même qu’elle sauvera notre âme. C’est le premier point.
« Marche en ma présence et sois parfait ! »
Le deuxième élément, c’est la prière. De nécessité absolue, rien que déjà pour demander cette fidélité comme nous l’avons fait en priant dans la Collecte ! Car être fidèle à Dieu est une grâce que l’on doit demander.
La prière c’est un état, c’est un mode d’être : être en union avec Dieu. La prière, c’est un mode d’être qui consiste à garder constamment dans notre cœur le souvenir de Dieu. Il ne s’agit pas de rabâcher, de faire acte de présence physique, il s’agit de faire acte de présence intérieure, spirituelle, fondamentale : garder en soi le souvenir de Dieu comme l’époux garde en lui le souvenir de sa femme, de ses enfants, ou l’ami garde en lui le souvenir de son ami. En un mot la vraie prière ne peut être que la prière du cœur !
La prière devient alors aussi un mode d’agir. L’Écriture la définit comme une marche constante en présence de Dieu. « Coram Deo intus ambulantes,… Marche en ma présence et sois parfait… » Marche constamment devant moi, c’est-à-dire : Fais toute chose en sachant que Je suis en toi, que Je te vois, que Je t’écoute et que Je t’aime. C’est le vivre pour toi que nous prierons dans la Prière sur les Offrandes !
Vivre pour Dieu n’est pas difficile. Il ne s’agit pas de faire de grandes choses exceptionnelles qui sont réservées à certaines personnalités, certains caractères trempés, certaines vocations bien particulières dans l’Église. Il s’agit de faire toutes choses, de la plus simple à la plus difficultueuse, de la plus basse à la plus élevée, de la plus cordiale à la plus professionnelle ou automatique, faire toutes choses en sachant que Dieu est en moi, qu’Il me voit, qu’Il m’écoute et qu’Il m’aime.
« Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »
Et le troisième élément que la liturgie de ce jour nous donne pour nous faire demeurer en état service et de vigilance, c’est bien entendu la charité.
Nous en parlerons dans la Postcommunion de cette charité reçue dans l’Eucharistie. Curieusement, nous voyons qu’elle vient en dernier. Mais c’est logique parce qu’elle dépend du veiller et prier !
Pardonnez-moi, mais n’est pas charitable qui veut ; ce n’est pas vrai ! On peut être gentil, aimable, philanthrope ; on peut être de service, dévoué, mais on n’est pas charitable comme cela, naturellement… Parce que la charité c’est la vie même de Dieu, donc il faut être uni à Dieu pour pouvoir « transpirer » cette vie ; pour pouvoir agir suivant Son mode de vie à Lui, bien particulier, et qui est l’Amour ! C’est dans la mesure où, dans la prière je reste uni à Lui, qu’effectivement je peux ensuite appliquer ce commandement du Christ : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »
« Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande… »
Pour reprendre la phrase de saint Paul, « que nous mourions ou que nous vivions, nous sommes au Seigneur. »
C’est vrai, c’est ce qu’il faut faire. Lorsque dans la prière, grâce à la prière, je persévère dans mon engagement baptismal, lorsque dans la prière je demeure en Lui qui est Amour, alors effectivement je peux vivre de cet Amour et je suis, me dit Jésus, reconnu comme un disciple : « A ceci tous reconnaitront que vous êtes mes disciples, si vous vous aimez les uns les autres. »
Alors pour ces âmes de disciples, lorsque la pâque arrive, la mort n’est pas une fin mais c’est une entrée dans la vie, ainsi que le chantait Thérèse de l’Enfant Jésus. C’est une entrée dans la maison du Père. Nous devenons Ses amis. Car souvenez-vous de ce que dit Jésus : « Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande… »