« PUISQUE TU NOUS AS FAIT COMMUNIER AU CORPS DU CHRIST… »
Le compagnon est celui qui partage le pain, celui qui va communier ! Et en effet comment recevons-nous cette participation à la nature divine, comment devenons-nous compagnon de la grâce ? En retournant à la Postcommunion, nous lisons : « Puisque Tu nous as fait communier au Corps du Christ… »
Voilà ce que c’est que la Messe pour un chrétien : c’est la célébration d’une liturgie avec amour et c’est le passage d’ici-bas à la gloire du Ciel par une entrée dans la Vie divine, par une proximité, une intimité de tous les instants avec la grâce reçue par le Corps de Jésus, c’est–à–dire la deuxième personne de la Trinité, incarnée. Je reçois Sa divinité, Son humanité, Son corps, Son sang, Son âme, Ses vertus. C’est très simple !
AVEC QUEL AMOUR VENONS-NOUS À LA MESSE ?
Alors nous pouvons maintenant nous poser des questions. Oui, le moment est venu de faire notre examen de conscience ou de retenir quelques éléments pour faire cet examen de conscience ce soir ou dans notre journée ; le dimanche est fait pour cela.
Posons-nous la question, n’ayons pas peur ! Chers amis, avec quel amour célébrons-nous ou participons-nous à l’Eucharistie ? Rappelons d’ailleurs que l’Eucharistie est l’autre nom de la Messe qui exprime peut-être mieux le cœur, l’essentiel de la Liturgie plutôt que le mot de Messe qui vient de la formule latine ite missa est, « la Messe est dite », signifiant l’envoi en mission, c’est–à–dire le témoignage, ce qui est fondamental, bien sûr.
DEVENIR COMPAGNON DE JÉSUS POUR PARTAGER SA GLOIRE AU CIEL !
Autrement dit, l’Eucharistie qui est cette communion nous faisant recevoir la grâce, et devenir compagnon de grâce, qui nous fait être participants de la nature divine, qui nous fait passer à la gloire du Ciel, avec quel amour la célébrons-nous ?
Avec quel amour avons–nous préparé notre Eucharistie ? Avec quel amour avons–nous choisi l’heure de la Messe ? Parce que cela convenait à notre emploi du temps ? Ou avons–nous organisé notre journée en fonction de la Grand-Messe qui rassemble le peuple de Dieu ? Avec quel amour avons–nous lu la Parole de Dieu afin de mieux la recevoir quand elle serait proclamée ? Avec quel amour communions–nous de pensée et de cœur avec ceux qui sont sur notre banc ?
L’EUCHARISTIE N’EST RIEN D’AUTRE QUE LE CHRIST FAIT SACREMENT !
Nous comprenons bien que cet amour avec lequel nous entrons dans une église pour célébrer la Sainte Liturgie est proportionné à la confiance que nous avons dans l’efficacité de l’action de la Messe sur notre âme, c’est–à–dire la foi en ce que cette Messe nous apporte. Si nous pensons que cette Messe ne nous apporte rien, alors nous ne pouvons y venir qu’à contre–cœur, dans l’ennui… Si nous pensons au contraire que cette Messe est une échelle pour aller dans la Gloire du Ciel parce qu’elle rend compagnon de Jésus-Christ, alors là notre amour s’enflammera !
L’Eucharistie ce n’est rien d’autre que le Christ fait sacrement ! Ce n’est pas un rite plein de signes et vide de sens. Ces signes liturgiques sont les vêtements d’une Personne vivante qui retrace devant nous, en une heure, Sa vie et Son enseignement, Sa mort et Sa résurrection : Jésus-Christ, Fils de Dieu, unique Médiateur entre le Ciel et la terre. Donc, en fonction de cette foi, je vais adhérer avec amour à la Messe, à l’Eucharistie.
« NOUS RENDRE ATTENTIFS À FAIRE LE BIEN SANS RELÂCHE. »
Oui, une des raisons pour lesquelles notre participation à la Messe est vide et pleine d’ennui, c’est que nous ne voyons pas l’utilité de la Liturgie pour notre vie pratique.
Or par la Collecte nous comprenons que cette participation à la Vie divine n’est pas une adhésion intellectuelle ni un choix sociologique. C’est quelque chose qui s’incarne profondément dans notre vie pour « nous rendre attentifs à faire le bien sans relâche. » C’est donc une action qui s’enfonce très profondément dans le concret. Nous ne venons pas à la Messe parce que l’Église défend certaines valeurs et que sans la religion tout se délite d’une société ! Ne nous plaçons pas au niveau des abstractions, laissons cela aux intellectuels ! Plaçons-nous au niveau de notre vie. Je suis rendu participant de la nature divine ; or la nature divine c’est de faire le bien. Je suis donc mystérieusement rendu attentif à faire le bien !
Donc toutes nos œuvres de la semaine, à commencer par celles d’aujourd’hui, doivent être choisies et posées en fonction du bien qui se fera à travers elles. Ma participation à la nature divine s’incarne dans ma vie de la Vie pour que ma vie soit celle du Fils de Dieu incarné, Lui qui allait et passait en faisant le bien, nous rapporte saint Pierre !
« DIEU FAIT LE BIEN EN NOUS ! »
Faire le bien ? Il faut même dire créer le bien. Ma vie doit être un temps passé à créer le bien. Pourquoi créer et pourquoi pas faire ? Je vous renvoie à l’Évangile : « Bon Maître, » dit ce brave Juif… Et le Christ l’interpelle tout de suite : « Pourquoi m’appelles-tu bon ? Dieu seul est bon ! » Reconnaîtrais-tu donc que je suis le Fils de Dieu ? Effectivement, Dieu seul est bon et Dieu seul fait le Bien ; c’est à dire Il crée le Bien puisque Dieu agit toujours à partir de rien, sans mérite de la part des réalités, par pure gratuité et Toute–Puissance. « Il vit que cela était bon » nous raconte le récit de la Genèse.
Donc toutes les autres réalités de notre univers participent à cette Bonté, à ce Bien de Dieu. Mais seul l’homme y participe comme élément actif parce que l’homme est fait à l’image de Dieu, libre, capable d’aimer. Aussi les animaux ne créent-ils pas le Bien. Ils sont déterminés. La chatte qui soigne ses petits ne fait pas le Bien ; elle est réglée, elle n’est pas libre, c’est son instinct. Alors que l’homme est créé à l’image de Dieu et que donc cette capacité unique que Dieu a de créer le bien, Il la transmet en quelque sorte à l’homme qu’Il crée à Son image.
Mieux : Il s’immisce dans le cœur de l’homme pour qu’à travers l’homme Il puisse continuer à créer le Bien. Dieu fait le Bien en nous. C’est pour cela qu’il faut parler de création du bien. Le brave Juif semble se situer à côté de cette vérité. « Que faut-il que je fasse de bien pour avoir la vie éternelle ? » Voici la question que nous aimons poser à nos pasteurs : Que faut-il que je fasse pour être un bon chrétien ? Dites-moi : premièrement que je paye mon denier du culte ; deuxièmement que j’aille à la Messe tous les dimanches ; troisièmement que je me confesse une fois par an ? Voilà comment un grand nombre de fidèles ramènent la religion à ces trois actes.
LE BIEN C’EST LA VIE MÊME DE DIEU !
Non ! Ce n’est pas une question de faire le bien : que faut-il que je fasse pour avoir la vie éternelle ? Il s’agit de créer ! Aussi en réfléchissant sur cette origine du Bien qui sort du Dieu unique et qui passe par l’homme, comprenez-vous, devinez-vous, toute l’épaisseur qu’a le Bien ? Le Bien ne se résume pas à donner la pièce au clochard du coin, même si c’est possible aussi. Le Bien c’est quelque chose d’épais, de substantiel ; c’est la vie même de Dieu ; et non pas ces espèces de petites charités, de petites aumônes, de petits sourires… Non ! Cela n’est rien ! Ce sont des caricatures !
Dans le Bien nous trouvons toute l’épaisseur de Dieu, en même temps que toute Sa tendre délicatesse. Un peu comme dans le Big-Bang initial d’où le monde a surgi : toute la force de Dieu qui réside dans une tête d’épingle et qui explose pour laisser couler la vie jusqu’à la fin des temps… Car regardez comment Dieu œuvre en nous pour faire le bien, sans jamais nous violer, sans jamais nous juger, en étant d’une infinie patience, doux, tendre… Souple comme un parfum Il nous enveloppe, Il nous enivre, Il nous enlève…
Alors cela nous fait comprendre aussi que le Bien s’enracine dans quelque chose de profond en nous. C’est ce que la Bible appelle le cœur et qui signifie le centre de notre être, ce par quoi nous sommes à l’image de Dieu, là où Dieu réside, ce à travers quoi Dieu crée le Bien.
LE BIEN NOUS REND LIBRE, CAR IL EST LIBERTÉ !
Voilà qui nous montre aussi que le Bien que je crée ou que Dieu crée à travers moi, c’est une production de liberté. Rien de moins astreignant que le Bien que l’on crée ! Et donc rien à voir avec la vision réductrice du devoir d’état, ou de la B. A. « La vérité vous rendra libre », le Bien nous rend libre !
Mais il y a une ambivalence. Comme créer le Bien s’enracine dans le cœur, surgit du centre de l’homme, cela commande toute la personne. C’est un acte personnel, ce n’est pas un acte commandé. Surgissant de moi, de ma profondeur, la création du Bien est un acte personnel qui m’engage tout entier. Comme en Dieu. Dieu s’est engagé tout entier en créant le monde, en envoyant Son Fils, en donnant Ses sacrements, en inventant l’Église ! Dieu s’est engagé tout entier. Il ne reprend jamais Son serment, Son alliance… Chaque fois que je crée le bien, même un petit bien, je produis de la liberté, je me libère et donc je trouve en moi la joie créatrice. Mais en même temps j’engage ma personne toute entière et pas seulement mon porte-monnaie.
LA CRÉATION DU BIEN EST UNE ALLIANCE AVEC DIEU !
Cette création du bien qui est une production de liberté et qui est un engagement de toute la personne, va vous faire penser au mariage. Quand vous vous mariez c’est librement et pourtant vous vous engagez totalement, pour la vie, pour le meilleur et pour le pire !
La création du Bien c’est une alliance ; c’est une alliance avec Dieu. Et pourquoi est-ce une alliance avec Dieu ? Parce que je me co–crée, je me construis en Lui et je Lui deviens peu à peu identique, attentif à faire le bien sans relâche. Donc je suis en alliance avec Lui, je ne suis pas un esclave de Dieu, je suis même plus qu’un fils de Dieu, je suis co–créateur de ma personne avec Dieu qui me donne Sa grâce dans mon être profond et qui me permet de me poser comme être libre, comme être capable d’aimer, à Son image. C’est là où le mot prend toute son importance : je suis l’image de Dieu, donc je suis en alliance avec Lui. Je travaille avec Lui ; je crée avec Lui ma propre personne à son image, attentif à faire le bien sans relâche.
Donc faire le bien, créer le bien, c’est l’Alliance avec Dieu. C’est l’alliance qui prend racine dans notre Liturgie d’aujourd’hui, célébrée avec amour, cette Liturgie qui est récit de la vie, de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ, le résumé de Son enseignement, le résumé du don de Sa vie…
« VENDS TOUT CE QUE TU AS ET SUIS-MOI. »
Face à cette potentialité de l’homme créateur de bien, le jeune homme riche de l’Évangile se situe mal, puisqu’il s’arrête à faire c’est–à–dire à pratiquer un code de vie morale.Aussi Jésus lui dit-Il : « Il te manque quelque chose ; va, vends tout ce que tu as, et suis-moi. » C’est à cette suite que Jésus nous appelle nous aussi et cette suite c’est celle qui s’enracine dans la Liturgie pour nous faire sauter jusqu’à la gloire du Ciel ! « Va, vends tout ce que tu as… » tout ce que tu possèdes, toutes tes attaches, tout ce qui t’attache et ne te permet pas de participer avec amour à Ma Liturgie, à cette première liturgie qu’a été l’Évangile : l’enseignement des Béatitudes, la dernière Cène, le sacrifice de la Croix… « Vends tout ce que tu as et suis-moi ».
Donc faire le bien ce n’est pas seulement pratiquer les commandements. C’est entrer au cœur de la Vie qui est la vie de Jésus-Christ rendue présente dans la Liturgie.
Voilà ce qu’est la participation à l’Eucharistie du dimanche. Voilà pourquoi cela nécessite de notre part un effort : un effort pour se lever, un effort pour être à l’heure, un effort pour aller jusqu’au bout, un effort pour écouter, pour préparer et non pas seulement être là en regardant sa montre en disant : j’ai pratiqué le précepte dominical… C’est une rencontre avec le cœur ! Va, vends tout ce que tu as, détache-toi ; détache-toi de l’heure, détache-toi du temps, détache-toi même de ta famille, de tes catégories et viens ; suis-moi ; alors tu auras un trésor dans le Ciel. C’est ce que nous promet la Sainte Liturgie.