« Si le Christ nous a libérés c’est pour que nous restions vraiment libres… »
Dieu vient pour me libérer, pour me donner une liberté.
Dieu me propose de Le suivre, Lui qui est L’infiniment libre, c’est-à-dire L’infiniment dépouillé de Lui-même, l’infiniment donné… Et Il me propose de Le suivre pour aller ainsi à la conquête de ma liberté.
Ce qui me rend esclave, c’est mon bien, c’est ma possession matérielle ou morale, c’est la richesse de moi-même. Si Dieu est infiniment libre, c’est justement parce qu’Il est infiniment tourné vers l’autre : le Père vers le Fils et le Fils vers le Père. Or, ce que Dieu nous donne, c’est toujours la participation de Sa vie. Lorsque Dieu nous propose de nous libérer, Il nous propose de participer à Sa liberté divine : « Soyez saints comme Je Suis Saint. »
En effet, qu’est-ce que la Sainteté de Dieu si ce n’est justement cette liberté que Dieu a d’aimer infiniment, avec une patience qui ne se reprend jamais ? Dieu me dit et Jésus le répétera : « Soyez libres comme Je suis libre. » Participez à ma liberté infinie !
« Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa… »
Lorsque l’homme se fie à son propre jugement pour décider quels sont les moyens qu’il faut utiliser pour retrouver sa liberté, il retombe fatalement dans l’esclavage de l’Égypte.
Si l’homme, au contraire, s’abandonne librement à la liberté de Dieu, c’est-à-dire s’il se jette dans les bras de Dieu, s’il fait confiance en Dieu plus qu’en lui-même pour partir avec Dieu à la conquête de sa liberté, alors, il construit sa personne à l’image de Dieu. Alors, il devient effectivement libre comme Dieu. Il jouit de ce don que Dieu lui a fait d’être à Son image : libre totalement !
Il faut arriver à comprendre ce langage de Dieu qui est pourtant simple puisqu’il est imagé, d’autant que ce langage, s’est réalisé dans l’Histoire du Salut par cette libération de la servitude de l’Égypte comme nous venons de le rappeler.
« Le Père vous donnera l’Esprit de vérité pour qu’il soit avec vous à jamais… »
Il faut faire confiance au mode d’emploi de Dieu pour que l’homme puisse conquérir cette liberté. Et en particulier, il faut faire confiance à Dieu dans les moyens et les réalités des personnes qu’Il veut utiliser pour cette conquête de la liberté, pour l’extension de ce royaume de liberté qui est le Royaume de Dieu.
Et c’est le sens de l’Évangile.
Faire confiance d’abord, parce que l’Esprit qui est la réalité vivifiante, répandant la Bonne Nouvelle du Salut (comme nous le rappelle la première lecture avec Moïse) est le don de Dieu. L’Esprit Saint est même le Dieu Bon, le Dieu Cadeau : c’est le Fils qui se tourne vers le Père et le Père qui se tourne vers le Fils !
Pour cette simple raison donc que l’Esprit de Dieu est donné, il m’est interdit de m’approprier ma mission, et d’en être jaloux, comme l’ont été les apôtres à la suite des compagnons de Moïse.
« Tous nous avons été désaltérés par le même Esprit… »
La deuxième raison est que l’Esprit est diffusé dans toute l’Église puisque « l’Amour de Dieu est diffusé » dans le cœur de l’homme à son Baptême.
L’Esprit est l’âme de toute l’Église. Ce qui fait de l’Église toute entière une réalité charismatique, c’est-à-dire orientée vers l’extension de la Bonne Nouvelle du Salut, et donc de la liberté de l’homme.
Nous ne devons pas réagir comme les apôtres disant à Jésus : « Il y en a un qui a chassé un démon en ton Nom, et nous avons essayé de l’en empêcher. » Jésus redresse le raisonnement des apôtres et les empêche d’être jaloux en disant : « Qui n’est pas contre moi, qui n’est pas contre nous (englobant l’Église) est pour nous. »
Et quel est celui qui, de manière définitive serait contre le Christ ? Le diable ! Il n’y a que Satan qui soit définitivement contre le Christ ! Ce qui fait que tous les autres, toutes ces personnes que Jésus emploie à travers Son Église universelle pour répandre la Bonne Nouvelle et la liberté de Dieu, prêtres et laïcs, toutes ces personnes (qui ne sont pas forcément explicitement missionnaires et qui ne sont pas forcément exemplaires !), doivent pourtant être regardées comme Dieu nous regarde nous-même avec cette patience infinie, et cette même miséricorde qui ne se reprend pas.
Nous savons bien que nous rejetons très fréquemment celui qui est envoyé par l’Église parce qu’il n’est pas exemplaire. Non pas par rapport à l’Évangile, mais trop souvent par rapport à notre propre point de vue, à ce que nous pensons de l’Église, à ce que nous pensons de la vérité, à ce que nous pensons de l’action apostolique…
Eh bien Jésus nous dit : « Qui n’est pas contre nous est pour nous » donc, tous ces hommes, toutes ces femmes toute cette pâte humaine qui est là pour servir à l’extension de la liberté, tu dois la respecter, tu dois la regarder avec patience, tu dois la supporter avec amour…
« Malheur à celui par qui le scandale arrive ! »
Cela dit, la réaction des apôtres doit nous faire réfléchir sur ce que les gens peuvent dire ou penser de nous, baptisés, qui sommes normalement les témoins de l’Évangile !
Comme Moïse, nous sommes une lampe qui ne doit pas être mise sous le boisseau, mais à laquelle au contraire Jésus désire allumer 70 autres lampes (c’est le chiffre de la plénitude) sans pour autant que la nôtre s’éteigne !
Et il nous en faut de la force, il nous en faut de la charité, il nous en faut de la foi pour pouvoir transmettre sans peine, pour pouvoir donner l’eau divine qui coule de notre sein, sans nous vider nous-mêmes, sans fatiguer, sans désespérer ! Il en faut de la lumière pour pouvoir la répandre sans s’éteindre !
Ne sommes-nous pas, au contraire de Moïse, non pas des lampes, mais de pauvres loupiotes ? Est-ce que notre lumière n’est pas même quelquefois ténèbres au point de devenir inutile, voire contre-productive, dans l’œuvre missionnaire que nous menons ? Au point même de créer ce scandale qui fait frémir Jésus : « Malheur à celui par qui le scandale arrive ! » pour un de ces petits, pauvres, misérables, pécheurs qui croient en Moi ?
Notons que c’est la seule fois où cette proposition « en » est citée dans l’Évangile synoptique. Elle signifie donc que ces petits non seulement croient à Dieu, croient Dieu, mais qu’ils croient en Dieu, c’est-à-dire qu’ils viennent à Lui et adhèrent de tout leur cœur… Tous ces gens sont peut-être des marginaux de l’Église, des non pratiquants, des personnes qui ne sont pas véritablement engagées, mais qui dans leur cœur croient en Jésus, croient au Ciel, croient en l’intervention des Saints, croient en Notre Dame et sont scandalisés à cause de mon manque de témoignage, à cause de mes incohérences, à cause de mes mesquineries !…
« Si ton pied t’entraîne au péché, coupe-le… »
Combien de fois, nous le savons, nous entendons cette réflexion : -Ah, c’est çà être chrétien ! Eh bien, ils feraient mieux d’aller moins à la messe, et d’être plus gentils ! Ah, ils feraient mieux de communier moins souvent et d’être moins injustes, d’être moins médisants ! C’est vrai pour les prêtres, c’est vrai pour les laïcs, combien de, fois nous entendons cela !
Il est vrai que, quelquefois, c’est une excuse facile… Mais il n’y a pas de fumée sans feu et c’est pour cela que Jésus emploie ce dur langage : « Il vaut mieux rentrer borgne dans le royaume des cieux que de rentrer avec un œil impur, un œil faux. Il vaut mieux rentrer manchot que de rentrer avec un bras mauvais, un bras voleur… »
Cela veut dire que, dès qu’il y a une part en nous de fausseté, d’incohérence par rapport à l’Évangile, toute notre personne, peu à peu, devient fausse. Nous ne devons pas raisonner vis-à-vis de nous comme nous raisonnons vis-à-vis des autres : si dans l’autre il y a une parcelle de vérité, nous devons sauvegarder ce bien avec patience et indulgence. En revanche, nous savons que s’il y a en nous une parcelle de mal, nous serons tout de suite jugés comme des hypocrites, comme des médiocres, comme des menteurs ou tout simplement comme des personnes incohérentes et non crédibles.
Voilà pourquoi Jésus s’est permis d’employer un langage si violent : pour défendre l’extension de Son Royaume.
Et nous les témoins, s’il y a quelque chose en nous qui ne correspond pas à l’Évangile, allons le brûler au sacrement de la réconciliation ! Allons l’avouer et demandons à la grâce de purifier notre âme afin que nous puissions mieux aider le règne de Dieu à s’étendre, c’est-à-dire finalement que nous aidions l’homme, tous les hommes, à conquérir véritablement leur liberté intérieure !