Ce rappel du don de Dieu c’est véritablement le trésor dont parle le Christ, cette perle rare, ce trésor que l’homme trouve dans un champ et pour lequel il va tout vendre afin d’acheter ce champ… Dieu nous livre Son secret, et ce secret c’est l’Amour ! C’est pourquoi Dieu est Joie ; je ne dirais même pas bonheur parce que c’est une parole un peu galvaudée. Dieu est Joie ; Dieu est Paix ; Dieu est Repos, (quies). Et en nous donnant Sa Loi de Vie, Il nous donne le secret de la Joie et nous offre d’entrer dans Sa Joie !
Aussi pouvons-nous dire que si nous gardons la Loi de Dieu, la Loi nous garde en Dieu, en Sa joie, en Sa quiétude, en Sa paix, dès ici-bas, quelles que soient les épreuves qui par ailleurs nous déchireront, ne seront pas transformées, ne seront pas gommées, mais seront remplies de cette lumière, de cette présence, de cette lumière toute intérieure, de cette joie qui sourd dans notre cœur comme un tout petit filet d’eau qui nous désaltère parce que souvent nous avons soif avec le poids du jour et de la chaleur. Voilà la perle et le trésor qu’il nous faut garder.
« Fais-nous garder tes commandements pour que nous ayons la vie… »
La première conséquence pratique regarde les commandements de Dieu que nous essayons de garder.
La Collecte nous le rappelle : « Fais-nous garder tes commandements pour que nous ayons la vie… » C’est-à-dire pour que nous soyons en Toi dans cette Vie qui est la Vie vraie, la Vie dans toute son épaisseur, dans toute son éternité… Une Vie qui dure comme l’Amour ! Nous n’imaginons jamais que notre amour puisse se terminer ! Lorsque vous vous fiancez, lorsque vous vous mariez, vous ne vous mariez pas pour un temps. Bien au contraire, vous espérez que cet amour sera à jamais. Lorsque vous procréez, vous aimez votre enfant pour toujours. Car pour l’homme, et c’est normal, il y a un désir d’éternité, il y a un désir de vie éternelle, il y a un désir d’amour sans fin…
Mais que veut dire concrètement : garder Ses commandements ?
Le commandement, c’est juste le mode d’emploi que Dieu nous donne, dans Sa grande gentillesse, pour nous permettre de mettre en application cette Loi. Les trois premiers commandements concernent l’amour de Dieu, les sept autres l’amour du prochain. Toute la Loi consiste à L’aimer et à aimer notre prochain car il est aussi le Sien ! Qu’est-ce que cela veut dire : aimer Dieu ? Qu’est-ce que cela veut dire : aimer son prochain ? Eh bien justement, voilà : les trois premiers commandements précisent en quoi consiste l’amour de Dieu et les sept autres en quoi consiste l’amour du prochain.
Les commandements nous aident à pratiquer la Loi divine qu’est l’Amour !
Donc un commandement qui ne serait pas l’expression, (au sens fort de ‘sortir de’, comme Jésus sur la Croix qui ‘exprime l’amour’ en expirant son esprit), un commandement qui ne serait pas l’expression de cet amour, de ce principe de la Loi de vie divine, un commandement qui serait vécu sans amour, qui serait privé d’amour, serait comme des vitraux sans lumière : sombres, dénués de sens, inexplicables, voire laids !
Alors notre examen de conscience (que l’on ne doit pas ramener à une pratique enfantine, mais qui est au contraire une pratique mature qui nous fait réfléchir sur ce que nous sommes est sur ce que nous avons fait dans la journée pour nous construire, pour faire avancer notre foyer, notre entreprise, notre pays…), cet examen de conscience peut être fait comme jadis, à partir des commandements de Dieu. C’est un moyen simple ; mais qui exige de remonter à la source, à la raison première de ces commandements.
Par exemple : « Tu honoreras le jour du Seigneur » ne se réduit pas à venir à la Messe. Tu honoreras le jour du Seigneur signifie, en vérité : tu pratiqueras de manière excellente ta relation d’enfant à Père, ta relation amoureuse, ta relation de confiance, au moins en ce jour pour apprendre à le faire aussi les autres jours… Comme lorsque l’on prend quelque temps de réflexion, de retraite, avant une décision importante ; ou quand on se met face à Dieu, pour mieux vivre sa vie chrétienne, pendant l’Avent ou le Carême par exemple. Eh bien le jour du Seigneur c’est cela ! Ce n’est pas juste ‘venir à la Messe’. Cela n’aurait aucun intérêt en soi si cette présence à l’Eucharistie n’était pas le signe efficace d’une relation profonde, intime, filiale et amoureuse avec le Christ et par Lui avec notre Père !
C’est ce que Jésus reprochera aux pharisiens, tel que c’est d’ailleurs dit dans la première Lecture du livre de la Sagesse : « Condamnons-le parce qu’il dit que nous désobéissons à la Loi de Dieu. » Et Dieu sait pourtant si les pharisiens étaient pratiquants de la Loi : le rite, la purification, la dîme, les herbes, la Pâque, le Shabbat… rien ne leur échappait. Ils étaient imprenables, parfaits, docteurs… Et pourtant ils désobéissaient à la Loi !
Ne soyons pas des sépulcres blanchis !
Ils étaient, comme Jésus le dit, des « sépulcres blanchis. » Qu’est-ce qu’un sépulcre ? Dans un cimetière, lorsque vous vous rendez sur la tombe d’un de vos proches, c’est le signe de votre foi en la Vie éternelle. Ce n’est pas seulement le signe de mort, c’est le signe de votre espérance : vous allez fleurir la tombe parce que vous savez que le défunt est vivant ! Vous ne fleurissez pas un cadavre, vous honorez une âme qui est en haut.
Mais un sépulcre blanchi est un sépulcre qui n’est plus visité, qui est laissé à l’abandon, ce n’est plus qu’un trou rempli d’un tas d’os, et c’est là le signe de notre ‘non-foi’ en la vie éternelle ; c’est là le signe de notre obscurité. Nous avons le regard fermé sur l’horizon terrestre, nous sommes comme des temples sans lumière. Nous ne sommes plus des présences de Dieu, nous ne sommes plus des signes de foi, nous ne sommes plus des sacrements d’éternité pour nous-mêmes comme pour les autres.
La critique que fait le Christ aux pharisiens c’est d’être des sépulcres blanchis. On sent la ruine morte, on sent l’absence réelle. La critique que fait Jésus aux pharisiens c’est d’être des non-signes, des signes de l’absence de Dieu. « Leur lumière ne brille pas devant les hommes » parce qu’eux-mêmes ne reçoivent pas la Lumière d’En-Haut. Il n’y a pas d’ouverture dans leur temple intérieur ; ils ne sont pas ouverts à la Vie de Dieu ; ils ne sont pas en communion avec cet Amour qui est le moteur de la Loi, qui est la définition même de la Loi, qui en est le cœur. Ils n’en ont gardé que l’emballage extérieur.
Jésus sera livré par les mains des hommes…
Et c’est cela qui va condamner Jésus à mort ! D’où le sens de cette annonce de la Passion que rapporte l’évangile d’aujourd’hui : Jésus est condamné parce qu’Il révèle au monde son opacité à la Lumière, son obscurité. D’ailleurs, nous aussi, nous n’aimons pas que l’on nous dise que nous sommes opaques à la Lumière ! Voilà la pire des critiques que l’on puisse faire à un prêtre ou à un chrétien : tu ne représentes pas Dieu, tu n’es pas signe de Dieu, tu n’es pas signe de charité ! Nous sommes blessés à mort. Comment, moi qui suis prêtre, moi qui suis baptisé et fidèle du Christ, je ne suis pas signe de Dieu ?!! Je ne suis pas charitable ?!!
Ce ne sont pas seulement les pharisiens qui L’ont condamné. Jésus annonce qu’Il sera livré par les mains des hommes, c’est-à-dire de nous-mêmes, de tous les hommes !
En effet, Jésus ne pourrait-Il pas faire la même critique pour notre monde, et même pour nous-mêmes qui sommes chrétiens pratiquants ? Car sommes-nous vraiment des temples de l’Esprit-Saint à l’intérieur ? Est-ce que nous ne sommes pas comme des oratoires sans Présence Réelle ? Souvenons-nous de la phrase de saint Paul : « Vous êtes le temple du Saint-Esprit. » Oui, si nous vivons notre baptême, et donc de la grâce et par la grâce de notre baptême, que les sacrements nous nourrissent chaque fois que nous ouvrons notre cœur à Jésus frappant à notre porte pour entrer et déjeuner avec nous ! Mais nous, est-ce que nous brillons vraiment ? Est-ce que nous réchauffons autour de nous ? Est-ce que nous attirons par la Lumière divine que le Seigneur nous offre ?
« Demeure en moi et je serai lumière pour les autres ! »
Souvenons-nous de la mort de mère Térésa qui avait bouleversé le monde en 1997, toutes religions et tous peuples confondus ! Car tout un chacun avait saisi qu’une lumière brillante et réchauffante s’était éteinte.
C’est le signe de la sainteté de mère Térésa ; mais est-ce bon signe pour nous ? Car cela révèle à quel point l’humanité est encore dans l’obscurité et dans le froid du manque d’amour pour vivre ce départ d’une seule personne comme un cataclysme humanitaire ! Une lumière s’éteint et toute la planète, au niveau de la charité, tremble de froid !
Pourtant nous sommes nous aussi appelés, là où nous sommes car il n’y a pas besoin de changer de lieu pour vivre en Dieu, à être cette lumière, ce temple qui brille aux yeux des hommes, à commencer par nos proches ! Car ce n’est pas la peine d’aller chercher bien loin : vous devez briller aux yeux de votre mari, de votre femme, de vos enfants, de vos amis, de vos voisins, comme nous devons le faire aux yeux de nos paroissiens !
Mais nous ne croyons pas suffisamment à cette vocation. Pour nous, elle est réservée aux curés, aux religieuses, aux moines, à ceux qui n’ont rien à faire d’autre que de la bougie, du cirage et des pâtes de fruit… Or nous sommes tous appelés à être des Mère Térésa, mais il faut vouloir répondre à cet appel merveilleux !
« Celui qui veut être le premier… »
Écoutons Jésus dans l’Évangile : Il ne nous demande pas de nous retirer dans une vie de silence ; Jésus nous dit : « Celui qui veut être le premier… » Il nous demande d’être ambitieux du Ciel, d’être ambitieux de l’âme. Or nous nous contentons de regarder Ste Térésa de loin sans vouloir vraiment prendre sa place ! Nous n’avons pas l’ambition d’être comme elle, premier, première, exemplaire, parce que nous en savons le prix : il faut aimer sans mesure ! Et pourtant c’est le secret du bonheur, c’est le secret de la joie !
Alors il nous faut d’abord prier pour vouloir être le premier, être un saint !
Comme dit saint Jacques : c’est cette prière qui sera exaucée par Dieu. Nous dérangeons Dieu pour des futilités ; alors qu’il nous faut Le prier pour ce qu’Il souhaite pour nous : faire de nous des compagnons de Sa Vie, donc des saints.
Des saints c’est à dire des hommes vrais, des femmes vraies. Comme disait Léon Bloy : « Plus une femme est sainte, plus elle est femme » dans toute la réalité de sa féminité.
Il faut donc prier et demander d’être un saint. Et être un saint c’est tout simplement aimer sans mesure et être aimé. C’est pour cela que Jésus compare la sainteté et le Royaume des enfants. Les enfants ne savent faire que ça, très naturellement : aimer papa, maman, se laisser aimer par eux. C’est simple d’être un enfant ! On aimerait bien quelquefois retomber en enfance pour mieux goûter encore à cette relation de l’amour reçu et donné !
C’est ce que sainte Thérèse de l’Enfant Jésus avait compris, d’où sa devise : « Aimer, être aimé, faire aimer l’amour. » C’est d’ailleurs pour cela que sa voie spirituelle s’appelle la voie de l’enfance ! Aussi prions la, elle aussi, pour que nous retrouvions cet esprit de l’enfant qui consiste seulement à aimer et être aimé, c’est-à-dire à entrer dans cette Loi de Dieu qui nous donne de vivre, dès ici-bas, dans la Joie et la Lumière !