Lectio divina

Une lectio divina est une commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposées par l’Église pour la Messe du jour.

Duccio, v. 1300.

Lectio divina pour le troisième dimanche du Temps Pascal

PAR LA FOI NOUS ENTRONS DANS LA VIE QUI A VAINCU LA MORT DU PECHE, TELLE EST NOTRE JOIE !

Le thème de la joie colorera le 3ème dimanche du temps pascal : « Garde à tes serviteurs cette joie… » prierons-nous dans la Collecte. Cette joie est décrite à plusieurs reprises chez les apôtres, témoins des apparitions multiples que Jésus leur offre : « gavisi sunt » : les apôtres sont remplis, sont ‘gavés’ de joie. Et pourtant cette joie, elle n’est pas achevée : c’est une joie tout intérieure qui est liée à la foi et au progrès de la foi, à la perception qu’ils ont de Jésus : Ils étaient ébahis, ils étaient stupéfaits, ils n’osaient pas croire.

La joie intérieure qui bouleverse les apôtres fonde la joie de l’Eglise

L’Eglise vit dans un temps de joie qui est le temps de l’Eglise depuis le mystère de la Résurrection de Jésus. L’Eglise vivra jusqu’à l’achèvement dans l’éternité, jusqu’à l’accomplissement bienheureux dans ce sentiment qui fut celui des apôtres, sentiment de joie, se développant avec la progression de leur foi avec les différentes apparitions bouleversantes du Christ. Bouleversantes car elles bouleversent le sens de l’Histoire, elles bouleversent leur cœur, elles bouleversent leurs sens et leur relation à Dieu puisqu’elle leur fait voir que Jésus ressuscité est vainqueur de la mort du péché.

Voilà le motif profond de la joie de l’Eglise qui, depuis la Résurrection du Christ, médite sur cette vérité. Le Christ ressuscité, et avec Lui nous-mêmes, ressuscités, nous sommes vainqueurs du péché. Le péché et la mort n’ont plus aucun pouvoir sur nous. Nous comprenons bien qu’il ne suffit pas d’une journée, d’une octave, d’une année chrétienne pour entrer dans ce mystère de la délivrance du don de la Vie. Ce n’est pas la joie de réussir un examen, c’est une joie d’entrer quelque part, de découvrir un monde nouveau, une terre promise qui, en même temps, est Quelqu’un : le Christ Vivant.

Qu’est-ce que veut dire que le péché n’a plus de pouvoir sur nous ?

Est-ce que cela veut dire que nous ne péchons plus ? Non, et je dirais presque plutôt heureusement. Si nous arrivions à ne plus pécher cela mettrait en cause notre liberté profonde d’homme. Nous pouvons encore pécher, mais la phrase de saint Paul indique que le pouvoir du péché n’est plus un pouvoir d’emprisonnement, nous ne sommes plus enfermés par cette dictature de la passion du mal et de la faute. Justement parce que le pouvoir de Jésus, le pouvoir de Sa Vie est plus fort que le pouvoir de la mort, il nous est rendu possible, depuis le baptême, d’extraire le péché de notre âme, d’éradiquer l’habitus mauvais.

Le Christ pour toutes les nations est devenu porteur de Vie, pardonneur du péché. C’est le message rappelé dans la lecture des Actes des Apôtres. Bien entendu, dans notre vie, les deux états sont mélangés : nous sommes à la fois demeure de Jésus-Christ pour une part plus ou moins grande qui varie au fil des jours, et donc nous avons, dans la grâce de Jésus-Christ (Sa Vie en nous) le pouvoir d’extraire doucement telle ou telle faute, telle ou telle passion, telle ou telle tendance du vieil homme ; et puis pour la part de nous dans laquelle Jésus ne réside pas et ne nous permet pas de vaincre le mal, nous avons le recours au pardon de ce Christ qui, de l’extérieur, vient nous pardonner.

Jésus est l’Intercesseur éternel de l’homme devant Son Père

D’où l’importance de ce que Jean nous révèle du sacerdoce éternel de Jésus-Christ dans sa première épître : « Petits enfants ne péchons pas, ne vivez pas avec le péché – c’est l’exhortation de Jésus qui est reprise par la bouche du disciple bien-aimé – mais s’il vous arrive de retomber dans la faute, sachez que vous avez un défenseur auprès du Père. » Cette phrase fonde la joie de l’Eglise parce que Jean nous affirme que Jésus est à jamais devant Son Père, ressuscité, dans Son état d’intercession et de défenseur qui est propre à la personne du Christ, particulièrement à la Croix. Aussi, Jean nous révèle qu’éternellement Jésus intercède pour, diront les Actes des Apôtres, toutes les nations de la terre c’est à dire toutes les générations humaines qui viennent à l’existence en notre monde, afin de leur pardonner et de leur donner la Vie. Nous sommes dans le temps de la Résurrection qui se fonde sur l’acte de la Résurrection de Jésus-Christ, moteur de la résurrection du peuple de Dieu, de l’Eglise, de l’humanité qui vit ainsi comme suspendue à l’éternisation de l’acte sacerdotal de Jésus-Christ et de son état d’intercession, devant le Père.

L’Église est le Corps de la Tête…

Nous sommes entrés véritablement avec la Résurrection pascale dans un temps nouveau qui est ce temps de l’ecclésia, de la communauté des croyants, Corps de la Tête. L’Eglise ce n’est pas seulement nous, c’est le Corps de la Tête ; et le Corps est relié à la Tête par cet influx, la grâce qui part de la Tête : grâce de la vie, grâce du pardon, grâce de la résurrection, grâce de l’homme nouveau, vie de l’Esprit… Cette foi en Jésus ressuscité, et donc en Jésus Prêtre des biens à venir, Prêtre éternel dira l’épître aux Hébreux, Intercesseur éternel, est fondée sur le témoignage des apôtres. Comment notre foi est-elle fondée sur le témoignage des apôtres ? L’est-elle au même titre, au même niveau que, dans un livre d’histoire, notre confiance, notre adhésion est fondée sur le récit de tel biographe ? La foi n’est pas une adhésion purement humaine de l’intelligence à un message par la volonté.

« Mes paroles sont esprit et elles sont vie »

La foi est mue par la grâce qui, seule, nous permet de dépasser notre propre horizon d’homme, notre horizon de créature, notre horizon naturel. Seule la grâce de foi nous permet de dépasser l’horizon humain pour accéder à quelque chose qui, de nature, est hors de notre portée, mais nous est révélé dans l’Ecriture : cela s’appelle la vie intérieure de Dieu. La Bible n’est pas seulement un écrit et n’est surtout pas d’abord un écrit ; elle est d’abord Parole. En tant que Parole, l’Écriture est Souffle, elle est Vie. Jésus dira : « Mes paroles sont esprit et elles sont vie. » En tant que Parole, la Bible est insaisissable pour celui qui ne renaît pas de cette Vie c’est à dire du Souffle, de l’Esprit. Jean rapporte le discours de Jésus à Nicodème : « Pour celui qui ne renaît pas de l’Esprit, il n’est pas possible d’entrer dans le Royaume. » Le Royaume c’est bien la Vie de Dieu, c’est l’intimité de Dieu. Celui qui accepte de renaître dans l’Esprit peut, non pas capter ou saisir la Vie de Dieu, mais entrer en Elle, se laisser séduire par cette Vie, se laisser emprisonner par cette Vie… Jusqu’à finalement La garder, La mettre en pratique, s’établir dans un phénomène d’osmose entre lui et la Vie, renaître, co-naître, naître avec Dieu.

« Nul ne peut nommer Jésus Seigneur s’il n’est pas né de l’Esprit »

Celui qui connaît Dieu c’est celui qui garde Ses commandements nous dit Jean, c’est à dire celui qui garde la Parole, qui est en Elle. Ce n’est pas celui qui La maîtrise intellectuellement, qui La possède, qui La capte, mais c’est celui qui, au contraire, se fait dépouiller, s’élimine, s’oublie en Elle. Celui-là alors connaît Dieu comme Père et s’établit en Lui dans la relation d’intimité propre à l’enfant. Au contraire celui qui n’accepte pas de renaître dans l’Esprit, qui n’accepte pas ce don de la grâce, celui-là ne peut rien dire sur Dieu, il est un menteur, il n’est pas dans la vérité. Pour pouvoir parler de Dieu, il faut être enfant de Dieu, il n’y a que l’enfant qui puisse nommer son Père, qui puisse décrire son Père, qui puisse se laisser posséder par cette relation du Père. Saint Paul le dira dans son épître aux Corinthiens : « Nul ne peut nommer Jésus Seigneur s’il n’est pas né de l’Esprit. » Encore une fois, il ne s’agit pas tant de posséder techniquement la Bible comme on possède un document sanscrit ou le code d’Hammourabi. Il s’agit de se laisser capter, posséder par Elle, d’accepter de recevoir la Vie propre de la Parole qui s’appelle l’Esprit et qui, infusé dans mon intelligence, prend le nom de Foi et me permet d’adhérer à la Personne, à la Vie intime de Dieu.

Saint Temps Pascal à chacun !

Mgr Jean-Marie LE GALL, Aumônier catholique H.I.A Percy, Clamart

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