« Il a habité parmi nous… »
Si l’on prend le premier aspect, là je me tourne donc vers Marie et l’acte de l’Incarnation.
Le premier aspect de l’Eucharistie nous le savons, c’est que l’Eucharistie est le sacrement qui rend présent Jésus-Christ. Autrement dit, dans l’Eucharistie, est présent réellement, même si on ne Le voit pas avec les yeux du corps, Jésus né de Marie, d’où le chant très connu Ave verum corpus natum… que l’on chante devant l’Eucharistie : « Ô salut ! vraie chair née de la Vierge Marie… »
Donc dans l’Eucharistie est présent le Christ historique, dans Sa chair, dans Sa réalité la plus humaine. Mais qu’est-ce que ce Christ historique, qu’est-ce que signifie cette Incarnation de Dieu ? Cela signifie d’abord que Dieu vient nous visiter. Souvenons-nous du Prologue de saint Jean : « Il a habité parmi nous. »
« Celui qui me mange vivra par moi. »
Dieu vient nous visiter et cette visite est une visite de Salut, de Rédemption. Pensons au très bel épisode de Zachée : « Zachée, descend vite car aujourd’hui le Salut est venu dans ta maison. » Visite rédemptrice que d’ailleurs le chant de Zacharie -le Benedictus– reprend chaque matin : « Béni soit Dieu qui visite et rachète son peuple. »
Et cette visite est une visite rédemptrice parce qu’elle est nourricière. Jean le fait dire au Christ dans son Apocalypse : « Je me tiens à la porte de ton âme et je frappe pour entrer, pour souper avec toi », pour partager ton repas c’est-à-dire pour être Moi-même ta nourriture !
Le mystère de la Rédemption peut se résumer ainsi en trois points : une visite de Dieu qui est rédemptrice parce qu’elle est nourricière.
Donc l’Eucharistie, qui poursuit cette Incarnation puisqu’elle rend présent ce Christ historique, né des entrailles de la Vierge, continue ces trois aspects de l’Incarnation. Avec l’Eucharistie aujourd’hui, comme à chaque Messe, c’est Dieu qui visite, c’est Dieu qui sauve, c’est Dieu qui nourrit tous les hommes qui s’en approchent. Comme Jésus-Christ dans Sa vie historique a visité, sauvé, nourri, tous les hommes qui ont voulu s’approcher de Lui, ne serait-ce qu’en touchant la frange de son manteau…
« Qui vient à moi n’aura plus jamais faim, il sera rassasié. »
Pour le montrer, je vous renvoie au discours de Jésus sur le Pain de Vie, en saint Jean au chapitre VI, discours qui est l’annonce extrêmement riche et précise que Jésus fait de l’Eucharistie.
Dieu visite dans l’Eucharistie. L’Eucharistie c’est le sacrement de la visite de Dieu et c’est pour cette raison que Jésus dit : « C’est mon Père qui vous envoie le pain qui vient du ciel. » L’Eucharistie c’est d’abord cela. C’est d’abord ce signe efficace, ce signe d’un Dieu qui vient.
Ensuite, l’Eucharistie c’est le sacrement de la visite rédemptrice. Jésus poursuit : Ce pain de Dieu qui vient du Ciel c’est lui qui vous donne la vie.
L’Eucharistie enfin est le sacrement de la visite rédemptrice parce que nourricière. Jésus poursuit donc : « Je suis ce pain descendu du Ciel et qui donne la vie ; qui vient à moi n’aura plus jamais faim, il sera rassasié. »
A cet égard, le récit de l’institution eucharistique que la Liturgie prend chez saint Marc est tout à fait remarquable.
Je veux dire par là que cette Eucharistie qui est si matérielle (c’est du pain transformé en corps par un rite, dans un lieu, par un homme, pour des hommes), cette Eucharistie est d’une richesse insondable puisqu’elle nous donne la Présence divine ! Elle est la visite de Dieu qui nous veut du bien, la visite de ce Dieu qui veut nous sauver, la visite de ce Dieu qui se donne Lui-même en nourriture !
« Le Christ est médiateur d’une alliance nouvelle… »
Toute cette richesse spirituelle, cette richesse divine, est contenue dans ce que je soulignais être le rite des choses matérielles que Jésus Lui-même a respecté et a voulu.
Nous penserions volontiers que Jésus eût pu inventer l’Eucharistie dans un grand élan mystique… Il se serait retiré au Sinaï, Il aurait prié son Père et du Ciel serait descendue comme une rosée, une nouvelle manne. Pas du tout ! C’est l’heure du repas pascal : Les disciples lui demandent où veux-tu que nous fassions la fête ? Vous allez en ville, vous verrez quelqu’un avec une cruche d’eau ; c’est le propriétaire ; vous lui direz le Maître veut aujourd’hui célébrer la Pâque chez toi, etc…
Nous avons là la définition la plus simple, la plus lumineuse du sacrement en général et du sacrement de l’Eucharistie en particulier : c’est-à-dire un trésor ! Un coffret qui contient une richesse inouïe : sous le pain : le Corps ; sous le vin : le Sang ! Et encore une fois, dans un lieu, parce que l’on ne célèbre pas l’Eucharistie n’importe où ; par un homme fût-il mauvais, fût-il pécheur, fût-il faible ; avec un rite, etc…
Pour le deuxième aspect, le côté rédempteur, je me retourne vers le Sacré-Cœur.
Nous savons que l’Eucharistie non seulement rend présent le Christ dans Son histoire, Son Incarnation, Sa chair (ce sera plus particulièrement rendu par le pain), mais elle rend présent aussi le Christ dans l’Acte de la Croix qui résume toute Sa vie (et c’est le vin qui deviendra le Sang). Donc là, dans l’Eucharistie, nous ne regardons plus seulement l’être de Jésus qui est rendu présent dans Sa visite, nous regardons l’Acte sacrificiel et rédempteur que Jésus pose en mourant sur la Croix.
« Le Christ est poussé par l’Esprit éternel… »
Nous savons que cet acte est posé par Jésus par amour du Père, d’abord. Nous l’entendons dans l’épître aux Hébreux : « Le Christ est poussé par l’Esprit éternel… » l’Esprit-Saint, l’Esprit d’amour qui Le relie au Père. D’ailleurs sur la Croix une des paroles de Jésus sera : « Père entre tes mains je remets mon Esprit », je me donne à Toi ! Première condition donc de cet acte sacrificiel : l’amour de Jésus pour le Père.
Deuxième condition, Jésus donne Sa vie par amour des hommes : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l’on aime » dit-Il.
Et troisièmement, Il donne Sa vie par amour des hommes pour que les hommes puissent bénéficier, recevoir (je veux dire accueillir : ce n’est pas Dieu qui retient, c’est l’homme qui refuse), pour que l’homme puisse recevoir le pardon de Dieu. Tournons-nous à nouveau vers l’épître aux Hébreux : « Il est mort pour le rachat de nos fautes. » Et de nouveau la parole du Christ en Croix : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Ce n’est pas seulement : -Pardonne à mes bourreaux, pardonne au soldat romain qui va me donner le coup de lance, pardonne à Pilate… C’est : Pardonne à l’homme pécheur pour lequel je meurs !
On voit donc comment la mort de Jésus sur la Croix est liée à l’Amour : c’est par amour du Père et pour l’amour des hommes, que le Christ donne Sa vie. Autrement dit il y a une relation profonde -mais symbolique- entre la Croix et le Cœur qui est le siège de cet Amour. D’où l’importance -encore une fois symbolique, mais vraie ce qui n’est pas contradictoire- entre la mort de Jésus et le cœur qui est transpercé par la lance. Ce lien nous montre que la Croix est enracinée dans le Cœur de Jésus c’est à dire finalement dans le Cœur de Son Père. C’est par amour que Dieu vient : « Dieu a tant aimé le monde qu’Il a envoyé son Fils pour que le monde ait la vie. »
« Celui qui me mange, je demeure en lui… »
Voilà, c’est ça le mystère de la Croix ! Donc l’Eucharistie qui rend présent cet acte sacrificiel de la Croix, rend présent, nous dévoile cette raison première de la mort de Jésus : par amour du Père et par amour des hommes.
L’Eucharistie donc nous montre d’abord l’amour de Jésus pour Son Père. Regardons ce qu’Il dit, toujours dans le discours sur le Pain de Vie : « Je suis descendu du ciel pour faire la volonté de mon Père », c’est-à-dire par amour pour mon Père.
Deuxièmement, l’Eucharistie nous représente, nous signifie, nous explique, nous dévoile que l’acte de la Croix est fait par amour pour les hommes. Jésus dira plus loin, dans le même discours : « Celui qui me mange, je demeure en lui… » donc c’est l’amour, l’union.
Et enfin nous avons souligné que la Croix, qui était faite par amour des hommes, l’était, plus précisément, pour que les hommes puissent accueillir le pardon de Dieu. Et pareillement Jésus nous dit, toujours dans le discours du Pain de Vie : « Vos pères ont mangé la manne (qui est la figure de l’Eucharistie) et ils sont morts ; qui mange de ce pain vivra… » C’est dire que le péché n’a plus de pouvoir sur lui.
« Prenez et mangez-en tous, ceci est mon corps… »
Ainsi pouvons-nous contempler l’Eucharistie à la lumière de Marie et du mystère de l’Incarnation, soulignant l’aspect de présence, de visite de Dieu, mais aussi à la lumière de la dévotion du Sacré-Cœur qui nous aide à regarder l’Amour de Dieu comme raison première de toute chose.
C’est un regard qui est tout à fait classique, puisqu’il met en valeur la Présence réelle et le sacrifice, mais qui prend une coloration peut être nouvelle, plus profonde, à l’aide de nos dévotions de mai et de juin. Car grâce à elles nous avons pu voir comme l’Eucharistie est vraiment le sacrement par lequel Dieu visite, sauve et nourrit tous les hommes qui s’en approchent jusqu’à la fin des temps.
Et nous avons pu voir aussi comment l’Eucharistie est vraiment le sacrement qui nous dévoile et nous rend présent l’Amour que Jésus porte au Père, l’Amour qu’Il porte aux hommes afin que les hommes puissent recevoir le pardon de Dieu.
L’Eucharistie c’est vraiment, comme nous l’avons prié dans la Collecte, le mémorial de la Passion qui nous fait recevoir la nourriture rédemptrice de Dieu et en la recevant, en l’accueillant, en nous en nourrissant, la rendre à notre Père et à nos frères.