« Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi… »
Le deuxième point, c’est de savoir comment nous pouvons accueillir vraiment, en charité vraie, non pas en seule philanthropie, non pas en simple amitié, mais en cette vertu théologale de l’amour, comment nous pouvons accueillir Dieu.
En un mot : comment pouvons-nous vivre cette communion de charité « en actes et en vérité », pour reprendre l’expression de Jean, et pas seulement en paroles ce que nous avons trop tendance à faire, en nous payant de mots à longueur de temps !
Nous ne pourrons faire de la charité le cœur de notre vie que dans la mesure où notre vie s’identifiera à celle de Jésus dont la propre vie se nourrit de la volonté du Père : « Ma nourriture est de faire la volonté de mon Père. » C’est pourquoi, d’ailleurs, Il peut affirmer Son union d’Amour avec le Père : « Le Père et moi nous sommes un. », union d’Amour que nous désirons avoir avec Lui, par Lui et en Lui avec notre Père commun.
Autrement dit, il faut que cette vie de Jésus, vie d’unité avec le Père dans une parfaite charité se poursuive en notre vie dans la même perfection christique de l’Amour : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l’on aime. » Il faut que notre vie soit Sa vie de charité infinie !
Il ne s’agit pas d’être à côté de Jésus, même dans une église ! Il ne s’agit pas d’avoir une carte de catholicité (catholique et français toujours, comme disait un vieux chant paroissial… !) Il s’agit d’être un avec le Christ.
« Quand viendra l’Esprit de vérité, Il vous guidera… »
Mais comment est-ce que le Christ pourra être un en chacun de nous ? Il ne peut pas l’être physiquement. Il ne peut l’être que par Son Esprit, analogiquement, comme chaque parent est uni avec chacun de ses enfants par l’amour, par l’esprit. C’est son esprit, son être profond, qui s’extravase de son cœur sur chacun de ses petits.
D’où le lien fondamental entre l’Ascension et la Pentecôte. A l’Ascension Jésus monte. Il quitte Son état physique, pour nous envoyer l’Esprit à la Pentecôte. D’ailleurs ne le dit-Il pas : « Si je ne monte pas, vous ne recevrez pas l’Esprit ! »
D’où cette promesse du Paraclet que nous entendons dans la lecture des Actes : « Attendez pour recevoir l’Esprit que je vais vous envoyer dans quelques jours… »
Non pas pour remplacer le Christ ! Il ne s’agit aucunement de passer d’une ère du Christ à une ère de l’Esprit ! De l’ère du visible à l’ère de l’invisible, de l’ère de l’institution à l’ère du sentiment !
Il s’agit au contraire, par cet Esprit que Jésus nous donne, de multiplier les présences de Jésus-Christ, c’est-à-dire de faire que chaque baptisé soit un « être-Christ », un autre Christ, c’est à dire l’image vivante du Christ, le Christ Lui-même, une autre demeure du Père, un autre lieu d’unité d’Amour avec le Père.
Voilà le rôle de l’Esprit de la Pentecôte qui nous permettra ainsi, comme le rappelle l’évangile de cette solennité, la proclamation de la Bonne nouvelle : « Vous serez mes témoins. »
« Le Père et moi nous sommes un. »
Car il ne s’agit pas d’ennuyer les gens avec un surcroît de mots et de paroles vides. Il s’agit simplement, mais c’est l’essentiel et le plus délicat, en étant parmi nos frères d’autres Jésus-Christ, de vivre la Bonne Nouvelle de l’adoption filiale !
Parce que Jésus est le Fils unique et, par l’Esprit qui nous est donné, il nous est demandé, non de faire des discours, mais d’être en actes et en vérité d’autres fils de Dieu, d’autres enfants, dans l’adoption du Fils unique.
Voilà qui peut expliquer ce discours un peu complexe du Christ après la Cène lorsqu’Il annonce à Ses apôtres : « Là où je vais vous ne pouvez pas venir pour le moment… » : parce qu’ils n’ont pas encore l’Esprit.
« Mais vous connaissez le chemin… » : parce que Jésus a déjà dit que pour aller au Père il faut passer par Lui.
« Je m’en vais mais je reviendrai vous prendre avec moi. » Car ce « prendre avec moi » ce n’est pas d’abord la résurrection finale, ce prendre avec moi c’est cette transformation, faite grâce à l’Esprit Saint de notre Baptême et de nos sacrements, qui nous configure, à Jésus-Christ, et fait de nous d’autres demeures du Père, nous permettant alors de dire à la suite de Jésus : « Le Père et moi nous sommes un. »
Nous pouvons être, en Jésus comme Jésus, un avec le Père. Avouons que cela donne une autre dimension à notre vie chrétienne que celle issue du formalisme de notre pratique dominicale !
« Credidimus caritati… »
Troisième point : comment faire pour accueillir le Père (c’est le premier point) qui vient à nous par l’Esprit du Fils (c’est le deuxième point), Fils qui frappe à la porte de notre âme nous dit l’Apocalypse. Oui, comment faire ?
Saint Jean nous donne la réponse dans son épître. Par la foi : « Nous avons cru en l’amour… » Credidimus caritati…
Parce que, croire en l’Amour de Dieu qui vient à moi à travers le Fils (« Dieu a tant aimé le monde qu’Il a envoyé son Fils »), c’est L’accueillir, Le recevoir, et donc vivre avec Lui !
Il entre en mon âme et la fait vivre en la retournant vers le Père, vers la Vie éternelle promise ! Il me donne de dépasser les horizons mesquins de l’humanité matérialiste et d’avoir un regard d’infinitude orientant mon âme vers ce Père qui m’appelle ! Il me permet d’appliquer ainsi la recommandation de Paul : « Recherchez les réalités d’En Haut ! »
Oui, il suffit de croire en cet Amour de Dieu pour moi, Amour total, sans repentance, sans condition !
« Tu as du prix à mes yeux et je t’aime… »
C’est pour cela que Jésus, dans Son discours du Pain de Vie dira, en répondant aux Juifs : « L’œuvre du Père c’est que vous croyiez en Celui qu’Il a envoyé. » La foi vraie, la foi pure, me dépouille de moi-même ; la foi, qui est acte de confiance, m’ouvre comme une fleur au soleil pour accueillir cette vérité qui vient du Père par le Fils : Dieu m’aime : Tu as du prix à mes yeux et je te donne mon Fils…
Alors bannissons de notre langage les expressions d’enfant mal grandi comme celle de gagner son Ciel ! Comme si avec une petite mise (ce que nous faisons : je mise une heure de Messe du dimanche), j’allais toucher le jack pot ! Car la mise et le gain sont identiques puisque c’est l’amour ! Et nous savons qu’avec l’amour, le don, tant que l’on n’a pas tout donné l’on n’a rien donné, comme disait la petite Thérèse…
Gagner son Ciel ! Comme si ça dépendait de moi : entrer dans l’existence et me mettre à la table du jeu de la vie comme on entre au casino ! Mais c’est Dieu qui a l’initiative première ! « C’est Dieu qui nous a aimés le premier ! » nous dit Jean. C’est Dieu qui le premier a posé la mise sur la table de notre vie : voilà ton existence, ton appel vers le Ciel, ta grâce, ton Baptême, tout ça t’est donné gratuitement…
Gagner son Ciel, comme si c’était un jeu, alors que Dieu a offert la Vie de Son Fils !
C’est tout cela que nous rappelle l’Ascension. Retenons donc que pour que nous entrions au Ciel, Dieu nous demande seulement d’entrer dans notre âme.
N’oublions pas que pour nous donner cette Vie éternelle, Il nous demande seulement que nous Lui donnions notre vie. Plus exactement, que nous la donnions à Son Fils incarné, afin que Celui-ci y vive Sa vie de Fils et qu’ainsi le Père entre dans notre vie d’enfant pour nous aimer et nous éduquer ; pour nous éduquer à aimer…
Il me propose seulement, pour m’amener à la communion parfaite de charité, que chaque jour j’ouvre ma bouche pour Lui demander d’être aimé de Lui et que j’ouvre mon cœur pour qu’Il réalise cette demande en y entrant et en y demeurant par Son Esprit d’Amour qui me fera vivre en communion avec Lui.
Saint Temps Pascal à chacun !