La boutique aux idoles…
Entrons et faisons un tour dans la boutique aux idoles…
Voyons ce que nous vénérons à côté du Dieu que seul nous devrions adorer. Laissons de côté cette grosse idole de Mammon, l’argent, qui cache bien souvent la forêt de milliers d’autres divinités plus sournoises… Je me plais à regarder en moi les cordages qui haubanent ma vie et se tendent automatiquement quand les intempéries de celle-ci me ballottent. Je les classerais volontiers en trois catégories d’égale et néfaste utilité.
D’abord l’idolâtrie du passé. Je contemple avec prédilection mes racines familiales ou sociétales, ce que j’ai accumulé en savoir et diplôme, et surtout ce que j’ai fait… Ces exploits remarquables, ces faits d’armes exceptionnels, ces actions inestimables, voilà de quoi me rassurer dans la bourrasque en me rappelant que je suis quand même bon à quelque chose, tout de même…
Devant un tel bilan Dieu Lui-même rend grâce et s’agenouille en me priant de poursuivre… Je suis donc lié par l’égoïsme et ma liberté est entravée. Puis-je alors aimer l’autre d’un amour oblatif qui oblige à m’oublier pour lui ?
Les talonnettes du mensonge…
L’idolâtrie du présent. C’est la plus visible, si ce n’est la plus agaçante. Personne n’y échappe par lui-même et nous tombons tous dans cet affreux piège du besoin de reconnaissance. C’est le désir d’être reconnu pour sa valeur, réelle ou imaginaire, car on s’aveugle souvent à ce propos ! Cela peut se traduire également par la demande, a priori légitime, de justice. Ou de défense de son honneur. Que d’idoles se cachent derrière ces valeurs qui ont pu être sources de nombreux bienfaits dans l’Histoire… Mais de combien d’horreurs ont-elles été aussi les marâtres ?
Hésitons-nous encore sur le point de savoir si cette idole nous lie ? Regardons alors la Personne de Jésus et ce qu’elle nous apprend d’abnégation, d’oubli de soi, de silence et d’acceptation. Contrairement à Elle, nous ne faisons que nous mettre en avant, attirer le regard, nous hausser de quelques centimètres par les talonnettes du mensonge, ou du mentir vrai. Nous sommes donc liés par le mensonge permanent, notre liberté est entravée. Pouvons-nous aimer l’autre d’un amour vrai, si nous vivons dans le paraître ?
Habiter un ailleurs où l’autre ne peut me rejoindre…
L’idolâtrie du futur. La plus subtile, mais la plus lourde à porter, comme le remarquait Bernanos écrivant combien était lourd sur nos épaules le poids de nos illusions.
C’est effectivement le futur, ou pire le conditionnel, deux temps de prédilection du Mauvais, qui gèrent notre attitude. Je ne vis plus dans le présent, mais dans le futur, par ambition (pour obtenir, c’est aussi l’envie) ou dans l’avarice (pour garder, c’est aussi la jalousie). Je suis donc lié par l’orgueil, ma liberté est entravée.
Puis-je aimer l’autre d’un amour humble qui oblige à me laisser approcher si je fuis dans un ailleurs où l’autre ne peut me rejoindre ?
Se laisser consumer pour renaître à Sa vie !
Ces idoles sont au milieu de nous, dans notre for intérieur et intime. Elles prennent la place du Christ, le Grand Prophète annoncé dans la 1ère lecture. Au lieu de L’entendre, Lui, je les écoute, elles. C’est plus agréable car elles semblent me promettre la vie, alors que Dieu me demande de mourir en me laissant purifier tout entier par Son feu d’amour et de vérité.
Se laisser consumer pour renaître à Sa vie : Dieu ne peut faire autre chose que de ne pas partager. Il veut tout me prendre à moi pour Se donner entièrement à moi ! Son exigence est une exigence d’amour ! Il est vrai que c’est souvent pour nous un oxymore. Car pour nous, si j’aime, je dois pouvoir librement cesser d’aimer, ou pouvoir partager avec d’autres l’amour que je porte. Perdant le sens de l’amour comme expérience globalisante du Bon (et du bon) qui nous aimante et nous fixe pour notre bien le plus essentiel, profond et éternel, nous avons fait de l’amour un ressenti qui se modifie au gré du vent et nous met ainsi dans la confusion la plus extrême.
Avoir le souci des affaires du Seigneur…
C’est pourquoi, dans le passage de l’épître aux Corinthiens de ce dimanche, Paul nous supplie de renoncer à nos idoles et d’être libres de tout souci. Selon l’étymologie, l’idole est ce qui nous prend totalement, nous sollicite, nous remue, nous trouble et nous dérange, c’est-à-dire, nous met hors du bon ordre.
Il nous exhorte au contraire d’avoir le souci des affaires du Seigneur, c’est-à-dire d’être tout orienté vers Lui, sans partage. Que le Seigneur soit Lui seul notre affaire : Deus meus et omnia ! disait François d’Assise.
Alors, me direz-vous, ne faut-il pas aimer sa femme ? son époux ? ses enfants ? Si bien sûr ! Mais il faut aimer l’autre avec l’Amour du Christ, pour pouvoir aimer parfaitement, oblativement, sans limite et sans réserve : « Aimez-vous comme je vous ai aimés… »
Et pour ce faire, il faut désirer recevoir cet Amour du Christ pour l’autre. Il faut rechercher le Christ et Sa charité, il faut s’unir à Lui pour participer de Son Esprit d’Amour. C’est pourquoi Jésus nous demande de rechercher le Royaume (son Esprit) et tout le reste nous sera donné de surcroît (en particulier l’amour qui est l’essentiel de la vie).
Pratiquons le Christ !
La pratique religieuse n’interdit pas les idoles. Nous le voyons bien dans l’évangile puisque le possédé est dans la synagogue. Aussi, ce n’est pas parce que nous pratiquons le dimanche que nous sommes exempts d’idolâtrie.
C’est la pratique du Christ, de Son Esprit, de Sa Parole qui peut, seule, nous préserver. Seul le Christ qui vient à nous par Sa Parole et en Elle (Parole écrite, Parole sacrifiée de l’Eucharistie) peut nous faire grandir, car Lui seul proclame la vérité avec autorité, l’autorité étant ce qui fait croître. Lui seul proclame la vérité avec ce pouvoir divin de faire grandir l’homme jusqu’à la stature d’homme parfait, à l’image de ce qu’Il est Lui-même : le Fils ne faisant qu’un avec le Père par l’Amour de l’Esprit.
Mgr Jean-Marie Le Gall
Communauté Saint Martin
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