« Faire le bien sans relâche ! »
Ensuite nous remarquons que la Collecte utilise précisément l’expression : « faire le bien. » Il ne s’agit donc pas de créer le bien ! Souvent nous vivons dans l’illusion. Oh c’est une sainte ambition que de vouloir créer ! Mais laissons cela à Dieu le Père qui, Seul, crée c’est-à-dire « fait à partir de rien. » Et seul Dieu peut créer le bien parce qu’Il est Créateur et parce qu’Il est le Bien suprême et infini.
À nous, pauvres petites fourmis humaines, est demandé seulement de faire le bien.
Faire le bien c’est le produire à partir de quelque chose. Mais ce quelque chose qu’est-ce que c’est ?
C’est tout simplement tout ce qui est, tout ce qui existe. Le bien et l’être sont universellement et à jamais liés comme nous le voyons lorsque nous contemplons Dieu qui est à la fois l’Être parfait et le Bien suprême : « Je suis celui qui est. » Et le Christ dira : « Dieu seul est bon. » Le Bien et l’Être sont réunis de manière parfaite, transcendante, dans la Sainte Trinité, et c’est cela qui nous permet de dire que le bien et l’être dans notre vie de créatures sont liés l’un à l’autre.
Donc faire le bien, c’est produire ce bien à partir de quelque chose qui existe. Ce quelque chose qui existe c’est effectivement ce qui est. Or tout est, tout existe : c’est ce qui permettra à Saint Paul de dire que rien n’est mauvais : « que nous buvions, que nous mangions, que nous dormions… » Rien n’est mauvais en soi si tout est capable de devenir ou d’être transformé en bien avec notre agir !
Et puisque tout ce qui nous entoure est toujours de l’être, faire le bien est une tâche constante. Il s’agit donc effectivement, comme le précisait la Collecte de « faire le bien sans relâche. » Oui, que ce soit la cuisine ou le ménage, le travail professionnel ou les enfants à éduquer, tout cela est de l’être, donc transformable en bien.
« Faisons-le au nom du Seigneur ! »
Mais il faut quelque chose d’autre pour faire le bien : il faut l’aide de Dieu. Rappelons ce que disait Saint Paul : « Quoique nous fassions, que nous mangions, que nous buvions, que nous dormions, faisons-le au nom du Seigneur. »
Cela veut dire que le Seigneur doit être le moteur de nos actions, le moteur de se restaurer comme le moteur de dormir, le moteur de travailler comme celui de se reposer, le moteur d’aimer et le moteur de nos relations humaines…
Oui, pour faire le bien, il faut cette aide de Dieu qui est, encore une fois, le Créateur du bien. Il est donc Celui avec lequel je vais procréer le bien comme dans la génération humaine.
Alors comment Dieu va-t-Il agir pour me permettre de transformer, avec Lui, l’être en bien, de faire le bien dans ma vie, de passer et de faire du bien, de faire que ma vie soit un passage par lequel se dépose du bien ?
Dieu va agir à trois niveaux. Il va d’abord me donner l’existence. Il faut bien sûr que j’existe, il faut que je sois. Il me crée et me donne dans cette existence la volonté c’est-à-dire la potentialité d’aimer. Nous avons un cœur et c’est ce cœur qui va me suggérer l’idée de faire du bien, de valoriser, de faire grandir, de rendre heureux…
« Dieu nous donne le vouloir. »
Le deuxième moyen par lequel Dieu agit c’est la grâce sanctifiante c’est-à-dire cette configuration à Son Fils par les sacrements, l’Eucharistie principalement. Ils vont me configurer à Son Fils Jésus, ce qui me donnera la capacité de voir comme le Christ voit. Et le Christ nous le savons voyait et voulait le bien !
Les signes sont multiples dans l’Évangile par lesquels Jésus manifeste visiblement le bien réel ; non pas seulement le bien de la rédemption intérieure, mais le bien, sous tous ses aspects : les guérisons des aveugles, des boiteux, des sourds, des paralysés… Donc par la grâce sanctifiante -lorsque je suis en état de grâce- je vois l’autre comme le Christ : comme un champ de bonne terre sur lequel je vais pouvoir déposer une semence de bien. Voilà ce que Saint Paul appelle le vouloir : « Dieu nous donne le vouloir. »
Accueillir chaque moment de notre vie et le vivre en charité !
Paul nous dit aussi : « Il nous donne le faire. » C’est le troisième moyen par lequel Dieu nous permet de faire le bien. Après nous avoir donné la visualisation du bien par la grâce de la configuration à Son Fils, Il va jusqu’à nous donner cette grâce de l’instant présent qui va consister à accueillir chaque moment de ma vie et le vivre en charité.
C’est là où se passe la production du bien, quand, par cet accueil je transforme chaque minute en avènement du Royaume ! Chaque instant de ma vie, qu’il soit humainement heureux ou malheureux, triste ou joyeux, qu’il soit élevé ou terre à terre, peut devenir avènement du Royaume, c’est-à-dire quelque chose d’autre, quelque chose d’extra-ordinaire : au-delà de l’ordre des choses pour atteindre l’ordre de Dieu ! Et ça c’est la grâce de l’instant présent !
Cette grâce n’est autre que le fruit de la grâce sacramentelle reçue à travers chaque sacrement précis, la confession d’hier, l’Eucharistie d’aujourd’hui… Et c’est la réception de ce sacrement qui me permettra au moment précis où arrive l’évènement de passer à l’acte et de transformer cette minute terrestre en avènement du Royaume.
« Pour moi adhérer à Dieu est un bien ! »
Alors bien entendu ce qui est le plus nécessaire pour nous c’est l’adéquation à cette grâce de l’instant présent au lieu de vivre notre vie seulement biologiquement, finalement comme des animaux… Nous devons vivre au contraire, minute par minute, attentifs à cette présence de Dieu qui est là pour nous aider à transformer la minute de notre vie et la vivre en charité, en sorte qu’elle soit le dépôt de notre bien.
Évidemment, pour être adéquat à cette grâce de chaque instant il faudra que je sois déjà conscient de son existence, donc de l’existence de la présence de Dieu à ma vie. Dieu n’est pas seulement présent à la Messe ou au tabernacle : Il est présent en moi. Il est présent à ma vie à chaque instant !
Et pour être conscient de cette présence de Dieu à ma vie, il faut que je sois présent à Dieu : c’est ce que l’on appelle la prière. Car la prière n’est rien d’autre que la présence à Dieu. Ce travail de présence à Dieu pour vivre dans la présence de Dieu c’est la vertu de foi : « adhœrere Deo bonum est » : pour moi adhérer à Dieu est un bien.
Comme le Psalmiste, je m’accroche à Lui, je me rends présent à Lui pour voir justement cette présence de Dieu et savoir que chaque pas que je pose, Il le pose avec moi !
Après cette conscience de la présence de Dieu, il faut que je fasse appel à cette grâce, autrement dit que je sorte ce joker divin pour arriver à vivre cette minute et pour donner à mon prochain, par l’amour, la plénitude de l’être.
Vous remarquerez qu’il y a des gens dans la vie qui sont des personnes de plénitude. C’est aussi extraordinaire qu’incompréhensible : quoi qu’elles fassent, quoi qu’elles touchent, c’est merveilleux ! Même et je dirais surtout les pauvres, les petits, les malades, qui arrivent à faire de leur souffrance, un moment de plénitude, à transformer ainsi leur vie, et, par la communion de grâce, à illuminer la nôtre ! Voilà notre vertu d’espérance qui nous pousse à user de cette grâce de l’instant présent pour, en vivant, transformer la vie !
« Je suis avec toi pour toujours »
Enfin, la troisième nécessité qu’il y a pour accomplir cette grâce de l’instant présent c’est d’être conscient que dans ce travail de la présence de Dieu et de la présence à Dieu en chaque instant, je suis effectivement en communion avec Dieu. Je ne suis plus seul : je suis avec mon Dieu et Dieu est avec mon âme.
Voilà ce que le Christ a changé en ressuscitant : Il est avec nous pour toujours, au creux de nos vies, au fond de notre cœur. Au fond même de la plus noire des souffrances, Il est en communion avec moi, Il est là ! C’est l’Introït de la messe de la Résurrection : « Je suis avec toi pour toujours » Voilà la troisième vertu, la vertu de charité, que nous devons demander pour être en adéquation avec la grâce de l’instant présent.
Avec ce regard, nous comprenons que ce que décrit le prophète Isaïe, cet horizon eschatologique du festin (c’est à dire la Parousie), lorsque les hommes seront à jamais réunis avec Dieu, se réalise déjà ici-bas dans le Christ.
Certes le Royaume de Dieu que décrit Isaïe atteint à une plénitude universaliste : c’est toute chose qui est instaurée, dans le Christ, c’est la plénitude des temps. Mais avant cette plénitude universaliste et pour l’atteindre, il y a la possibilité déjà ici-bas d’instaurer un Royaume de Dieu dans une plénitude personnelle : c’est notre plénitude à chacun de nous.
Nous pouvons vivre dans la plénitude du Royaume ici-bas, dans cette plénitude personnelle que Dieu nous propose de réaliser : communier à Lui, être conscient d’être avec Lui et que dans cette communion il nous est donné la capacité de manger la vie à pleines dents, non pas pour en jouir de manière hédoniste et égoïste mais pour en faire du bien, pour faire que cette vie au lieu justement d’être étriquée, parce que seulement mienne, soit plénière en débordant sur les autres.
La vie est d’abord un don de Dieu.
C’est ce que le Christ nous propose pour entrer dans le festin des noces dont nous parle l’Évangile, festin de noces commencé ici-bas et qui nous donne la joie nuptiale dès maintenant.
Au lieu de fuir ma vie, au lieu de penser que la vie pour nous chrétiens est quelque chose à condamner, il nous faut voir que la vie est d’abord un don de Dieu. C’est dans cette vie que Dieu vient me chercher, c’est dans cette vie que Dieu vient me rencontrer et qu’Il vient m’aimer, ce n’est pas ailleurs ! C’est la raison pour laquelle cette vie est préparatrice de ma Vie éternelle : elle est noviciat d’éternité !
Demandons la grâce de revenir à cette conscience de la présence de Dieu à chaque instant, la grâce de l’instant présent qui change chaque minute de notre vie et qui la transforme en un avènement du Royaume !