Pâques, point de convergence de l’Histoire…
Toute l’Histoire est orientée vers cet évènement, elle est comme aspirée depuis la Création VERS cette Nuit pascale.
Elle est orientée aussi PAR cette Nuit pascale qui se trouve au centre de l’histoire du monde, tel son point focal. Comme est aspirée VERS elle et orientée PAR elle l’Histoire du Salut qui n’est pas seulement l’histoire des hommes, mais de leur Salut c’est-à-dire de leur régénération.
L’Histoire du Salut n’est pas à réduire à l’anecdote ou au détail : l’âge de Moïse, les concubines de Salomon… L’Histoire du Salut ce n’est pas çà. C’est l’histoire au sens de la genèse, de la maturation, et de l’accomplissement de l’Acte du Salut, c’est-à-dire de cette régénération pascale où l’homme renaît après avoir été brisé, tué par le péché du premier homme, notre père dans notre nature humaine. Voilà ce qu’est Pâques : le point de convergence où toute l’Histoire s’engouffre et duquel toute l’Histoire ressort, toute l’Histoire qui prépare cette venue et toute l’Histoire qui va accomplir cette régénération. Cela donne une autre dimension à notre Carême !
De la préparation à la réalisation de l’Homme Nouveau…
La préparation de l’évènement pascal, c’est l’Ancien Testament. L’Ancien Testament, c’est le déroulement de l’humanité, la marche de l’humanité VERS la re-création cosmique de la Vigile pascale.
Le Nouveau Testament, c’est aussi une orientation de l’Histoire PAR la Vigile pascale, en ce sens que c’est l’accomplissement dans l’Église, dans le Christ total, de cette régénération pascale. Tout l’Ancien Testament est aspiré (comme nous le verrons dans les cinq lectures des dimanches de Carême par la chute, par Abraham, par Moïse, par les prophètes, par la Terre Promise), vers ce Moment de l’Histoire, et tout le Nouveau Testament n’est autre que l’accomplissement en chacun de nous, de ce moment, de cette régénération cosmique faite par le Christ et qui effectivement se réalise dans l’Église.
L’Ancien Testament comme le Nouveau Testament n’ont qu’une fin : former l’homme à l’image du Christ pascal. Le monde est tendu vers cela, que ce soit le monde de l’Ancien Testament qui s’apprête à recevoir le Sauveur, ou que ce soit le monde du Nouveau Testament qui essaie d’appliquer toujours de plus en plus la dimension du Christ ressuscité à chaque fidèle et à répandre dans le monde cet Homme Nouveau.
Les noces entre Dieu et l’homme pour que l’homme partage la Vie divine !
Pâques est véritablement le moment de la Vie, de la renaissance, de l’espérance, de l’éternité, de la perfection, de la charité, et c’est tout cela qui finalise notre Carême, comme c’est tout cela qui finalise l’Histoire du monde, même si elle est périlleuse, même si elle douloureuse au niveau national ou au niveau de chacune de nos communautés ou de nos familles.
Former l’homme pascal, dans l’Ancien Testament, ce sera par la chair du fils de l’homme : notre chair qui sera donnée par Marie au Fils de Dieu pour qu’Il s’incarne. Former l’homme pascal dans le Nouveau Testament, c’est l’inverse : l’homme nouveau est formé par l’Esprit du Fils de Dieu ressuscité. Il y a, dans un cas comme dans l’autre, dans l’Ancien Testament comme le Nouveau, un mariage entre l’homme et Dieu pour que l’homme redevienne Fils de Dieu.
D’un catéchuménat à l’autre…
Ainsi, l’Ancien et le Nouveau Testament qui sont tous les deux finalisés par cette formation de l’homme nouveau à l’image du Christ sont comme de véritables catéchuménats. L’un comme l’autre sont les grands catéchuménats de l’Humanité ; c’est-à-dire des temps de préparation à recevoir l’homme nouveau depuis Adam avec la promesse de la Rédemption : « Il te mordra le talon, mais tu lui écraseras la tête ! » Toute cette histoire qui s’apprête à recevoir le Christ, à recevoir l’Homme Nouveau, c’est un catéchuménat.
Et toute l’histoire du Nouveau Testament qui nous prépare à nous faire renaître en l’Homme Nouveau, le jour de Pâques, c’est aussi un catéchuménat.
L’Ancien Testament se conclura par la mort et la Résurrection historique de Jésus. Le Nouveau Testament se conclura par la mort du péché et la résurrection dans la grâce de chacun d’entre nous, le Vendredi saint et le jour de Pâques. Autrement dit, le Nouveau Testament ne se conclut jamais, si l’on peut dire et notre catéchuménat dans ce temps de l’Église, n’est que l’accomplissement de celui de l’Ancien, à travers ce catéchuménat tout particulier et personnel qui est celui de Jésus au désert.
Le catéchuménat du Christ…
Jésus Lui-même va se préparer pendant 40 jours à mourir à Lui-même, à mourir à tout égoïsme possible, à toute reprise de Sa volonté par rapport à la Volonté du Père pour pouvoir donner, exprimer, expirer Son souffle, Son sang et Son corps pour faire renaître l’Église, Mère de la génération nouvelle, en re-naissant le jour de Pâques. Tel est le catéchuménat du Christ qui réalise et assume le grand catéchuménat de l’Ancien Testament, cette préparation de 2000 ans des hommes du peuple hébreu attendant le Sauveur, et la régénération cosmique de tout l’univers.
Et le catéchuménat de l’Église aussi puissant comme aussi humble que celui du Christ, permanent pour ne pas dire éternel, consiste à assumer à son tour celui du Christ dans le désert pour nous former au Christ, c’est-à-dire à l’Homme Nouveau, pour nous aider à mourir à nous-mêmes, et pour ressusciter dans un univers régénéré essentiellement par la charité.
Les fins sont les mêmes. Les fins, c’est la Résurrection du Christ le matin de Pâques, c’est la résurrection dans la grâce des nouveaux baptisés qui seront baptisés effectivement dans la vigile pascale et de nous-mêmes qui renouvellerons nos promesses de Baptême, c’est-à-dire qui renaîtrons dans la grâce baptismale, participant ainsi à la régénération cosmique accomplie une fois pour toutes par Jésus, et qui se réalisera jusqu’à la fin des temps en chacun d’entre nous, se diffusant ainsi sur toute la terre.
Carême et Liturgie…
Notre catéchuménat est dirigé par la Liturgie. C’est elle qui nous guide, qui nous montre, justement avec ses lectures -qui peuvent apparaître sans lien : pourquoi revenir à la Genèse… ? Pourquoi parler d’Abraham, de Moïse ? Comment nous insérer dans un mouvement unique qui a été réalisé par Jésus, préparé par nos Pères du peuple hébreu et accompli par chacun de nous, c’est-à-dire l’Église. Ainsi s’accomplit progressivement cette aspiration qui est au cœur de l’homme (grâce à Dieu…) d’une vie nouvelle, d’une régénération, d’une résurrection, d’un retour à la Vie en quittant le péché et la mort…
Le Carême est cette Liturgie réduite. Une Liturgie en synthèse, comme l’Exode représente dans l’Ancien Testament une synthèse de ce catéchuménat de 2000 ans. En effet, tout le suc de cette attente est présent dans le silence du désert : la prière, la purification, le sens des autres que recommande Yahvé… Nous retrouvons dans notre Carême ces trois grands actes du catéchuménat de l’Ancien Testament !
Le Carême, une retraite ecclésiale…
L’Église nous recommande la prière, la pénitence et la charité. Mais nous aurons compris maintenant la dimension intérieure de ces mots.
Il ne s’agit pas de donner un euro, il ne s’agit pas de prier dix secondes de plus. Il s’agit de comprendre que ce n’est pas d’abord un mouvement personnel, mais que nous avons à nous laisser insérer dans ce mouvement grandiose de la régénération du monde, à laquelle nous participons comme ont participé Abraham et Moïse, comme a participé Jésus (qui en est l’Auteur), et comme participent tous les saints de l’Église depuis la Vierge Marie et les Apôtres jusqu’à la fin des temps.
« Le moment est venu ! » nous dit Saint Paul, le moment est là.
Si le Carême précède Pâques, c’est que le temps de notre préparation à la régénération est fondamental : « Ce sont les derniers temps. » Non pas la fin du monde, mais la fin d’un monde spirituel, la fin de mon monde intérieur de péché pour une certaine résurrection à la charité, en chacun de nous, doit se produire dans 40 jours…
Le Carême, le temps d’un oui définitif et amoureux à Dieu !
Le catéchuménat, c’est se préparer à recevoir la vie pascale. Le Carême consiste à participer du mieux possible, encore mieux que l’an passé, à cette re-création, en nous offrant à elle. Le Carême est donc un temps positif. Il n’est pas un temps de tristesse, de négation, si ce n’est la négation du Mal.
Le Carême c’est d’abord le OUI que l’homme libre dit à Dieu ! Oui, j’accepte, oui, je désire cette régénération, cette résurrection personnelle qui est incluse dans la régénération du cosmos, de l’Église… Oui, je désire être meilleur pour ma propre fin, pour mon propre épanouissement d’homme, de femme, de fils et de fille de Dieu.
Et c’est parce que je dis oui à Dieu, c’est parce que je veux recevoir Dieu qu’effectivement je vais dire non à moi-même, en essayant de m’oublier, de prendre moins de place en moi-même pour donner plus de place à la vie du Christ ressuscité…
Cet oubli de soi au profit de la mémoire de Dieu ce n’est ni plus ni moins que la purification du corps, de l’esprit et du cœur. Je dois me purifier l’esprit par la prière, je vais me purifier le corps par la pénitence, je me purifierai le cœur par la charité.
Voyons alors la dimension que nous atteignons. Il ne s’agit pas de faire un acte, il s’agit d’être dans un état, un désir de changer, un désir d’alliance, d’épousailles avec le Seigneur, un désir d’union à Dieu… Un OUI plus grand et plus vrai qui me fera accepter avec amour telle ou telle pénitence, une prière plus profonde, un sourire offert plus fréquemment à mon prochain…
S’inscrire dans le long processus de la sanctification du monde…
A Pâques, le catéchumène reçoit trois choses. Il reçoit la Parole du Credo, il reçoit l’Eucharistie (la Parole Incarnée), il reçoit l’Église en entrant en Église par le Baptême. Depuis les origines de l’Église le catéchumène se purifie pour recevoir ces trois choses.
Pour recevoir la Parole, il s’oublie : il est à l’écoute par la prière.
Pour recevoir l’Eucharistie avec désir, il aiguise sa faim par le jeûne.
Pour recevoir l’Église et son commandement de la charité donné par Jésus (« Aimez-vous les uns les autres ») il s’ouvre par le don et l’oubli de soi.
Voilà la grâce que nous pouvons demander en ce 1er Dimanche de Carême : saisir ce sens à la fois grandiose, ecclésial, éternel, christique, positif, vital de notre Carême. Nous ne sommes pas contents de rentrer en Carême parce que nous avons à faire des efforts ? Cela peut se comprendre car, oui, nous avons à faire des efforts.
Mais c’est pour participer à toute la régénération du monde que le Christ a commencée le jour de Pâques, dans la suite de la préparation des Anciens et qui s’accomplit toujours dans l’Église en proportion de notre bonne volonté.