« Tu es toujours à côté de moi… »
Voilà de quoi le Christ parle et voilà ce que nous demandons dans notre Collecte : nous demandons cette habitation c’est-à-dire nous demandons de prendre conscience qu’effectivement Dieu habite en nous, qu’Il est à côté de nous, « sur le banc », comme dit le psalmiste : « Je m’assois et tu t’assois, je me lève et tu te lèves, je marche et tu t’en vas avec moi, je monte au ciel ou je descends dans le schéol tu es toujours à côté de moi… » Nous demandons d’avoir cette prise de conscience, donc d’entrer en relation et non pas seulement d’être à côté, ce qui est totalement différent !
Et bien entendu, dès que le baptisé, dès que l’adulte dans la foi pour reprendre l’expression de Paul, saisit cette proposition de Dieu d’entrer en relation avec Lui et donc de ne pas seulement être à côté, mais d’avoir un dialogue interpersonnel entre l’âme et Dieu, ce baptisé ne peut que désirer poursuivre cette relation avec Celui qui se présente, non seulement comme le Créateur, mais comme une Personne aimante, parce que Dieu ne sait qu’aimer : Il est L’Amour !
« Tu es mon fils, je t’ai engendré… »
Et nous comprendrons vite que pour entrer dans cette relation de l’enfant avec son père, il faut une certaine persévérance, et je dirais même une persévérance certaine, une constance !
L’enfant ne va prendre que peu à peu conscience de cette paternité, de cette relation à son père : ce sera une relation de bébé, enfantine, adolescente, avec des hauts et des bas, même voire des rejets, jusqu’au moment où lorsqu’il sera adulte dans sa confiance filiale, il établira avec son père, une relation mûre. -C’est mon père… -C’est mon enfant, qui n’est plus mon enfant mais qui est un autre moi-même avec lequel, moi parent, je suis en relation de connaissance et d’amour.
Pour y arriver cela nécessite une présence constante -d’où la nécessité d’être à côté de ses enfants-, une persévérance de la part des parents, comme une persévérance de la part de l’enfant.
Et dans notre relation spirituelle à Dieu, il nous faut aussi cette constance, cette persévérance. Lui, Dieu est toujours présent à nous, ce n’est pas Lui qui s’en va, mais c’est nous qui L’oublions, c’est nous qui fermons les yeux et ne pensons plus à Ses bienfaits à notre égard… C’est donc un véritable travail pour construire cette relation qui, comme au niveau naturel, n’est pas automatique parce qu’elle est libre et qu’on peut toujours la rejeter.
« Si vous ne redevenez comme des enfants… »
Nous arrivons ainsi à trois sens du mot demeurer.
Nous avons le premier sens, métaphysique : Dieu demeure dans Sa créature. C’est Dieu toujours qui initie le dialogue, le rapport, ne serait-ce qu’en nous créant.
Deuxième sens du mot demeurer : c’est la première réponse de l’homme, la persévérance avec laquelle l’homme reste face à ce Dieu qui, de Créateur, commence à se dévoiler comme Père.
Et le troisième sens du mot demeurer qui est le résultat du second qui lui-même s’enracine dans le premier, c’est l’établissement, toujours dynamique bien sûr, d’une relation interpersonnelle d’homme à Dieu, et de Dieu à homme, entre le Père et l’enfant de Dieu, entre l’enfant de Dieu et le Père !
Lorsque l’on saisit ce qui est inclus dans ce concept évangélique de demeurer ou d’habiter, on comprend celui qui décrit le Ciel de Dieu -c’est à dire la demeure de Dieu- comme son enfance, c’est-à-dire cette relation persévérante entretenue (même comme adulte dans la foi) avec Dieu en tant qu’Il est Père et en tant que nous nous situons en état de confiance, en relation de confiance filiale avec Lui.
Le Ciel de Dieu, Sa demeure c’est mon enfance : tant que je reste enfant je suis en relation de paternité avec mon Père c’est-à-dire je demeure avec Lui.
« Demeurez en moi comme moi je demeure en vous »
Souvenons-nous de ce que dit le Christ : « Demeurez en moi comme moi je demeure en vous. » Dieu demeure en nous pour toujours et à jamais depuis notre création jusqu’à notre éternité en tant qu’Il est notre Créateur et Il désire que nous répondions à Sa présence et que nous entrions en relation avec Lui en tant qu’Il est notre Père, donc que nous nous établissions face à Lui comme un enfant.
Ce qui est remarquable c’est qu’ainsi vu, l’esprit d’enfance est à l’opposé de la naïveté, de l’infantilisme, de l’ingénuité ou de la mauvaise innocence. Nous pourrions avoir tendance à caricaturer les passages de l’Évangile où Jésus dit : « Laissez, venir à moi les petits enfants. » ; ou encore la voie de l’enfance de Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus ! Mais tout cela n’a rien de mièvre !
L’esprit d’enfance dont parle Thérèse à la suite de l’Évangile c’est au contraire cette solidité dans la foi en tant qu’adulte, cette persévérance en une présence constante en relation à Dieu, non pas seulement à côté mais face à Dieu en tant qu’Il est mon Père et en tant qu’Il demande de ma part pour être en relation avec Lui une confiance absolue comme celle d’un enfant vis-à-vis de son père !
Ce qui peut encore être facile au niveau humain, avoir confiance en son papa et en sa maman, est moins facile lorsqu’on se croit adulte…
« C’est à nous que Dieu, par l’Esprit, a révélé cette sagesse… »
Justement Paul s’adresse à nous et nous donne comme un petit écho de l’Évangile.
Qu’est-ce que critique Jésus dans l’Évangile ? Il critique justement cette sagesse du monde qui consiste à ‘shunter’ la relation parentale, à dévier de la relation à Dieu le Père et à établir, justifier cette déviation par ce que l’on appelle la sagesse du monde et qui devient en fait la mondanité évangélique.
Nous sommes tous, pour une bonne part, des mondains de l’Évangile… C’est-à-dire que nous limitons notre confiance en Dieu à une toute petite part de notre vie : la part dominicale, l’heure programmée de la messe, l’Église, le Pape, quelques documents du Magistère, le chapelet à Notre-Dame quand ça nous arrange…
Pour le reste nous faisons ce que nous voulons, nous nous accaparons la Sainte Vierge, nous nous accaparons les Saints, nous travestissons les documents du Magistère, sans nous priver de critiquer le clergé bien entendu… Le meurtre, ce n’est pas seulement celui qui tue physiquement, c’est aussi celui qui tue par la langue, par la médisance…
Voilà la manière que nous avons de détourner l’Évangile, cette sagesse du monde qui n’est pas la sagesse de Dieu parce que la Sagesse de Dieu, au contraire, demande d’aller jusqu’au bout, jusqu’au fond de cette relation de confiance de l’enfant au Père et donc de l’enfant à la Loi du Père.
« Celui qui me mange vivra par moi. »
Si Dieu dans l’Ancien Testament a employé les signes pour manifester Sa Présence, le Christ, dans la Nouvelle Alliance, a continué cet emploi des signes avec les sacrements.
Et s’Il l’a fait c’est pour une raison bien simple : c’est pour nous aider à demeurer près de Lui, pour nous aider dans le regard physique d’abord mais surtout le regard de l’âme, le regard contemplatif, pour voir Dieu qui est au milieu de nous.
La messe du dimanche a le même but : nous faire voir, nous remémorer, nous remettre devant les yeux, physiquement et mystiquement la Pâque du Christ qui nous délivre de notre péché et nous fait entrer dans la Vie éternelle.
Nous sommes faits à l’image de Dieu, mais nous sommes faits d’esprit et nous sommes faits de chair. Et c’est à travers le sensible, le signe, que nous percevons le sens des choses et c’est en participant au Sacrifice de la messe, en entendant le prêtre dire : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang » et en communiant à ce Corps que nous allons nous rappeler, au plus profond de notre âme, le Sacrifice du Christ auquel nous allons pouvoir nous joindre.
Et la Présence Réelle dans une église a ce même rôle, un rôle plus étendu dans le temps, un rôle permanent puisque la présence est constante. Le Christ est là, au tabernacle dans la Présence eucharistique, pour nous rappeler qu’Il est mort et ressuscité pour nous donner la Vie éternelle,
Donc c’est pour nous aider dans notre vie de chrétien à devenir et à rester adulte dans la foi c’est-à-dire à entrer dans cette relation de présence à Dieu qui se révèle comme un Père, nous étant Ses enfants : « Demeurez en moi… »
C’est une invitation que nous vous faisons, pour conclure, à venir dès que possible prier devant le Saint Sacrement pour y ressourcer votre relation filiale et conforter votre confiance en l’Amour sans mesure que le Père porte à chacun ! C’est la grâce que nous vous souhaitons.