« Celui qui veut être mon disciple, qu’il me suive ! »
Chacun d’entre nous doit donc se situer aujourd’hui en se posant cette question qui est fort simple, ni théologique, ni mystique, mais extrêmement pratique : quelle est ma vie chrétienne ? Comment est-ce que moi, aujourd’hui, en ce deuxième dimanche ordinaire je pourrais définir en conscience ma vie chrétienne ?
Et dans cette vie chrétienne, quelle est la place de Jésus-Christ ? Est-Il vraiment devant moi et surtout avec moi ? Est-ce que je dis comme Jean-Baptiste, « qu’il doit passer devant moi lui qui était derrière parce que avant moi il était ? »
Je vous laisse répondre dans l’intimité de votre cœur à cette question.
Donc pour entrer dans la vie chrétienne, il nous faut trouver le Christ et marcher à Sa suite, ne pas faire comme Pierre et passer devant. Souvenons-nous de ce que lui dit Jésus : « Vade retro, passe derrière moi ! » Car lorsque Jésus est devant nous, c’est Lui qui nous guide ; mais dès que nous passons devant Lui, nous donnons priorité à nos désirs !
« Nul ne va au Père que par moi. »
Nous en arrivons ainsi à la deuxième vérité essentielle qui est l’Eucharistie. Qu’est-ce que c’est que l’Eucharistie ?
Dans la Prière sur les Offrandes de ce jour, qui ouvre la partie eucharistique proprement dite de la liturgie que nous faisons après l’offertoire, nous allons demander au Seigneur de « nous accorder la grâce de participer vraiment à l’Eucharistie. »
Nous pouvons trouver ça curieux puisque nous allons volontairement à la messe. Alors pourquoi aurions-nous besoin de Sa grâce pour participer à cette Eucharistie ?
Eh bien parce que l’Eucharistie, comme continue cette Prière sur les Offrandes, l’Eucharistie est le mémorial, donc plus que le rappel mais l’actualisation de notre Rédemption ! Jésus le dit dans l’Évangile : Nul ne va au Père que par lui et nul ne va au Fils que par le Père. C’est dire que la Rédemption est un cadeau de Dieu, un don de Dieu, et n’est pas, en aucun cas, le fruit de nos mérites, le fruit de notre activité.
Autrement dit participer vraiment à l’Eucharistie c’est-à-dire en profondeur, en vérité, ne dépend pas d’abord d’une technique sociologique, médiatique, ou tout simplement pratique, cela dépend d’abord de la grâce. C’est la grâce de Dieu que nous invoquons dans cette Prière sur les Offrandes particulièrement claire et précise, c’est par la grâce de Dieu que nous pouvons entrer dans le mystère de la Rédemption rendu présent à l’autel à chaque Eucharistie.
« Pénètre-nous de ton esprit de charité… »
Bien entendu, qui dit grâce dit, de notre part, disposition à la grâce. Il s’agit donc pour participer vraiment à l’Eucharistie d’avoir la disponibilité spirituelle, la disposition intérieure et encore une fois pas d’abord technique, avec le bon micro, le bon ornement, le bon organiste, le bon chant, la belle église… Non, ça c’est de l’ordre des moyens secondaires, tangentiels, accidentels… Le premier moyen c’est le désir intérieur que j’ai de recevoir la grâce qui va me faire participer à la Rédemption, au Sacrifice du Chef, au Sacrifice du Christ sur la Croix.
C’est ce qui est exprimé dans la prière qui conclura notre Eucharistie, c’est-à-dire la Postcommunion par laquelle nous demandons au Christ de nous pénétrer de son esprit de charité, pour que nous puissions par cette eucharistie être unis dans son amour.
Autrement dit nous avons là, dans cette Postcommunion d’abord l’évocation de cette disposition intérieure : je désire quelque chose. Est-ce que nous désirons quelque chose ? Est-ce que nous désirons, même nous les prêtres en célébrant la messe, est-ce que nous désirons quelque chose ? Est-ce que nous célébrons la messe pour quelque chose ? Donc le désir d’abord et donc la demande : « Pénètre-nous… »
Nous demandons, nous savons bien que nous sommes pauvres, nous savons bien que nous sommes incapables par nous-mêmes d’accéder au mystère de la Rédemption. Donc nous demandons la grâce. La grâce c’est Jésus, c’est l’Esprit de Jésus, c’est l’Esprit de charité, c’est l’Esprit Saint reçu au Baptême. Donc nous demandons la grâce : « Pénètre-nous de l’esprit de charité afin que… » Si nous sommes à la messe sans esprit de charité et donc sans désir d’avoir l’Esprit de charité ce n’est pas la peine…
« Pour que nous soyons unis dans ton amour. »
Pénètre-nous de ton Esprit de charité « pour que nous soyons unis dans ton amour. » Nous comprenons bien que ce n’est pas le baiser de paix qui va faire que nous sommes unis dans l’amour de Jésus : il n’est qu’un signe !
Ce qui va faire que nous sommes unis dans l’amour de Jésus c’est notre participation intérieure au Pain de Vie, par la communion, qui sera efficace si nous avons été disposés à recevoir d’abord ce que représente cette eucharistie, cette hostie, c’est-à-dire la charité du Christ !
Alors si nous désirons vraiment cette Charité du Christ, si nous désirons vraiment La recevoir pour en user, et même pour en abuser, alors là oui nous La recevons !
Et nous serons unis entre nous par cet Amour. C’est dire qu’en fait l’Eucharistie est un démultiplicateur : l’Eucharistie démultiplie dans ma vie le dimanche et pour toute la semaine, l’Eucharistie démultiplie la Vie du Christ en moi qui doit déjà être si ce n’est présente, du moins désirée…
D’où la nécessité comme l’on dit de l’état de grâce. L’état de grâce ce n’est pas la sainteté. On ne nous demande pas d’être des saints, puisque la sainteté c’est un avenir, mais on nous demande d’appeler la grâce, de désirer la grâce, de la vouloir, de vouloir la charité, comme nous l’avons souligné précédemment.
Alors effectivement Jésus me donne cette grâce, cet Esprit de Charité et lorsque je communie à l’Eucharistie, je communie en vérité à cette Charité que je désire et que le Christ me donne. Et elle est démultipliée pour ma semaine, elle est développée, elle est agrandie, elle se développe dimanche après dimanche…
Nous nous souvenons de cette parole du Christ un peu difficile à comprendre : « A celui qui a on donnera, à celui qui n’a pas on enlèvera même ce qu’il a. » C’est-à-dire que si nous venons à la Messe en esprit de charité nous recevrons au centuple, mais si nous y venons sans esprit de charité, vide et sans désir, on nous enlèvera même ce que nous pensions avoir : en fait l’Eucharistie ne nous servira à rien !
« Exauce la prière de ton peuple ! »
Troisième vérité essentielle : la prière dans notre vie chrétienne.
L’Eucharistie nous sert bien entendu déjà à entrer en contact avec le Christ, à demeurer en Jésus, à rester avec Lui. Mais il y a aussi un autre élément qui tout au long de nos journées, de dimanche en dimanche, accompagne cette relation christique, cette relation du chrétien au Christ, accompagne et vivifie, éclaire, utilise, actualise, et cette réalité c’est la prière.
Dans la Collecte, nous demandons à Dieu d’ « exaucer la prière de son peuple pour faire aux hommes la grâce de la paix. » Il y a donc deux réalités qui sont liées dans le monde de l’Église : il y a la paix et la prière. Autrement dit l’homme est dans la paix lorsqu’il a été exaucé dans sa prière.
Ce n’est pas une vue ‘onusienne’, qui n’est pas fausse, mais qui n’est que politique. Là il s’agit d’une vue ecclésiale. Et nous remarquerons comme c’est juste, comme notre paix intérieure, notre paix de chrétien homme et femme, nous la trouvons, nous la retrouvons, nous en jouissons à partir du moment où nous sommes exaucés dans notre prière !
Mais pas n’importe quelle prière bien entendu !
Saint Jean nous dit que Dieu écoute ceux qui demandent à faire Sa volonté. Autrement dit dans la prière vraie, dans la prière qui est pourra être exaucée, dans la prière vraie il ne s’agit pas de demander quelque chose pour moi, -toujours l’égoïsme fondamental de l’homme !- il s’agit de demander que s’accomplisse la Volonté de Dieu c’est-à-dire l’Amour de Dieu sur moi, c’est totalement différent !
Ce n’est pas moi qui me gratifie, en demandant encore et toujours quelque chose pour ma petite vie personnelle, non ! Je demande que l’Amour de Dieu sur moi se réalise c’est-à-dire illumine ma vie et que j’accepte de placer ma vie dans cette lumière…
Voir la volonté divine comme acte d’Amour !
C’est totalement différent, et c’est cette prière-là qui est exaucée parce que je suis en communion avec le désir de Dieu pour ma vie. Autrement dit le vrai priant ce n’est pas celui qui papote devant Dieu ou devant Marie jusqu’à ce qu’on l’exauce de choses dont Dieu n’a cure. Le vrai priant est celui qui reste devant Dieu jusqu’à ce qu’il arrive à entendre la Volonté de Dieu, ce que Dieu veut pour lui. Celui qui arrive à connaître, comprendre et accepter par amour le désir de Dieu pour lui, voilà le vrai priant.
Et nous voyons que c’est essentiel pour la vie chrétienne parce que cela nous permet de connaître la Volonté de Dieu à notre égard et ensuite de travailler à L’accomplir !
Mais il ne faut pas voir bien sûr la Volonté divine comme une volonté autoritaire telle qu’elle se manifeste chez les humains ! Il faut voir la Volonté comme acte d’Amour !
Et cela va nous permettre de diriger notre agir chrétien pour savoir comment, où, par quel moyen, nous serons Lumière pour notre prochain. Voilà à quoi nous sert de connaître la Volonté de Dieu.
Nous voyons comment, dans ce modeste deuxième Dimanche Ordinaire, nous pouvons réfléchir sur les différentes relations et les liens entre les réalités : la vie chrétienne, l’Eucharistie dans la vie chrétienne, le découpage de l’Eucharistie entre ce qui relève de l’Eucharistie proprement dite (c’est-à-dire la Collecte qui nous rassemble au début de la messe, la Prière sur les Offrandes qui ouvre le Sacrifice eucharistique, la Postcommunion qui conclut notre communion eucharistique) et puis le lien entre cet élément proprement eucharistique et la Parole : Isaïe et Saint Paul qui nous dévoilent comment ils furent appelés par Dieu, autrement dit la vocation de la vie chrétienne invoquée au début.
Ainsi sont mis en valeur le lien entre l’Eucharistie et la Parole, le lien entre l’Eucharistie et l’Église (puisque le résultat de l’Eucharistie c’est d’être unis tous ensemble dans l’amour) et puis le lien entre l’Eucharistie et la prière.
Aussi la grâce que nous pouvons demander aujourd’hui c’est d’avoir chacun le courage de prendre un bon moment de réflexion pour se remettre en face de ces trois réalités et voir où nous en sommes…