« Je suis la voie, la vérité et la vie ! »
Non ! La joie dont il s’agit est la joie de se savoir aimé de Dieu, qui a rendu si proche Sa Paternité en nous donnant Son Fils qui est notre Frère et qui va devenir, dans le mystère de l’Incarnation que nous allons célébrer dans une semaine, notre Compagnon d’humanité pour l’Eternité !
C’est le Fils de Dieu, le Fils du Père, le Fils unique qui va, en prenant cette chair de la Vierge Marie, devenir le Compagnon de chacun d’entre nous !
Il devient Celui qui guidera en moi les pas de ma croissance d’homme parce qu’Il est la vraie voie de la vie…
Pour être celui qui partagera avec moi les soucis de mes décisions quotidiennes, parce qu’Il est « la vérité », Il est la lumière.
Pour être Celui qui me relèvera de mes chutes et qui me tiendra la main parce qu’Il est « la vie », Celui qui vivifie : « Je suis la voie, la vérité et la vie ! »
« Que veux-tu que je fasse pour Toi ? Seigneur, que je voie ! »
Le premier motif, le premier aspect de notre joie chrétienne que nous célébrons aujourd’hui, dans laquelle nous allons essayer d’entrer c’est cette joie-là, la joie du regard que nous portons sur la paternité de Dieu qui se rend proche, qui se rend visible à travers Son Fils qui devient notre Frère et notre compagnon de route.
C’est donc la joie de se savoir suivi comme nous sommes suivis par un médecin, par un ami, suivi, soigné, guéri, sauvé…
Même si nous ne le sommes pas totalement, vu la multiplicité de nos blessures à panser. Lorsqu’on fait son examen de conscience, en effet, et que l’on regarde sa personne ou sa personnalité face à l’Évangile, on s’aperçoit que les blessures, les imperfections sont, si ce n’est infinies, du moins multiples. Elles regardent toutes les facultés, toutes les qualités de notre corps, de notre cœur, de notre âme !
Mais c’est la joie de savoir que le remède existe ! Nous savons quelle peut être la joie chez les grands malades de savoir qu’une découverte a été faite, que la rémission peut-être est proche, la guérison est possible…
Savoir que ce remède existe et qu’il est à portée de la main, savoir que d’autres que moi, avec moi, d’autres aveugles vont pouvoir voir, d’autres boiteux vont pouvoir marcher, d’autres sourds vont pouvoir entendre !
« Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? »
C’est une joie universelle car la joie de ma guérison et aussi la joie de la guérison de tous ceux qui sont dans mon cas, de tous mes frères en humanité qui partagent ma condition d’homme blessé, d’homme en recherche d’un médecin tout-puissant.
C’est finalement la joie que le Christ, en un cadeau merveilleux, plein de délicatesse, va donner à Jean le Baptiste. Jean, prisonnier dans cette forteresse humide et sombre de Machéronte, la forteresse d’Hérode, Jean qui frôle peut-être le doute ! Non pas nos gros doutes de chrétiens médiocres bien entendu… S’il frôle le doute, c’est qu’il entre dans cette nuit de la foi que connaissent les grands mystiques, comme sainte Thérèse : « Es–tu vraiment celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? »
Et Jésus ne va pas répondre par un discours intellectuel, par une preuve irréfutable, Il va seulement répondre par ce cadeau de la joie : « Allez dire à Jean que les boiteux marchent, que les aveugles voient, que les sourds entendent, c’est à dire que le Royaume de Dieu est arrivé… », que le Salut est parmi vous, que le remède est là, que le Médecin s’est incarné parmi Ses malades.
« La gloire de Dieu c’est l’homme vivant. »
C’est donc aussi la joie de « voir la gloire du Seigneur » comme dit le prophète Isaïe. Qu’est-ce que voir la gloire du Seigneur ?
Nous connaissons cette fameuse phrase d’Irénée : « La gloire de Dieu c’est l’homme vivant. » Or l’homme vivant c’est l’aveugle qui voit, c’est le boiteux qui marche, c’est le sourd qui entend… L’homme vivant c’est mon âme purifiée par le Baptême, c’est votre âme nourrie par l’Eucharistie, ce sont nos âmes lavées par le Sang du Christ sur la Croix à travers la Réconciliation !
Voir la gloire du Seigneur c’est contempler les merveilles de Dieu que Sa Toute-Puissance amoureuse fait à travers notre faiblesse humaine, fait dans notre faiblesse humaine, dans ces « déserts arides » que sont nos âmes, des âmes racornies, des âmes étouffées par les soucis plus ou moins légitimes, des âmes sans vie, comme des sarments secs et que le Christ est capable de transformer en « désert verdoyant », en oasis, comme l’oasis d’Ein Gedi, fameuse halte reposante et rafraîchissante dans le désert de Juda comme le rappelle l’Écriture.
« Je suis venu pour les malades et non pour les bien portants »
Aujourd’hui, nous pourrions ramasser tout ce que nous avons vécu l’an dernier dans notre intimité intérieure et le faire resurgir dans ce dimanche de la joie ; nous pourrions, pendant les 24 heures de ce jour, voir autour de nous et d’abord en nous ces merveilles de Dieu, ces miracles de Dieu, ces guérisons d’aveugles ou plus exactement les guérisons de nos aveuglements, la guérison de nos surdités, la guérison de nos claudications spirituelles…
En un mot, voir la gloire du Seigneur, c’est se rendre compte que Dieu se fait présent et guérissant à travers les vivants qu’Il nous fait redevenir. Car, dans le monde de Dieu, la Gloire n’est autre chose que la victoire de Son Amour…
Cette joie devant l’œuvre de Dieu guérisseur, médecin de la fragilité humaine, cette joie entrevue par Isaïe et qui est partagée par les captifs libérés de l’exil de Babylone, ce sera la joie du fils prodigue revenant vers la maison du père, ce sera la joie de la brebis ramenée sur les épaules du pasteur.
C’est la joie que Jésus respire dans l’Évangile, à chaque fois qu’Il parle de guérison, de conversion, de Réconciliation, de communion et surtout à chaque fois qu’un pécheur se convertit… D’ailleurs nous remarquerons qu’il y a toujours de la joie, de la vie, du bouillonnement intérieur lorsque le Christ s’adresse à Matthieu, à Zachée, à Madeleine, à tous les petits, à tous les malades pour lesquels Il est venu, mais qu’il n’y a jamais de joie lorsqu’Il parle aux pharisiens…
« Les fruits de l’Esprit sont la joie, la charité, la paix. »
Cette joie est si grande qu’elle va déborder sur le père accueillant le fils prodigue, comme elle débordera sur le pasteur ramenant la brebis. Cette joie est si vraie qu’elle est d’abord dans le cœur du père qui représente Dieu, dans le cœur du pasteur qui représente le Fils.
Car la joie naît d’abord du Cœur de Dieu-Père, du Cœur de Dieu-Fils. Elle naît à cause de notre conversion, mais elle est d’abord présente dans ce Cœur divin ! C’est la raison pour laquelle elle est transcendante, infinie et pure, et qu’elle se transmet gratuitement.
Et c’est par l’Esprit Saint qu’elle nous est transmise : « Les fruits de l’Esprit sont la joie, la charité, la paix. »
Elle nous est transmise comme une grâce et donc elle se demande ! Oui, elle nous est transmise comme la grâce de notre retour, de notre réconciliation, de nos retrouvailles, de notre guérison intérieure. Et elle est transmise avec elle, faisant un tout, un bloc, faisant partie même de cette communion que nous retrouvons avec notre Père.
« Soyez toujours dans la joie ! »
Elle est transmise, elle nous est accordée, offerte par Dieu, parce qu’elle est le signe de la plénitude de notre vie, de l’accomplissement de notre vocation : car à chaque fois que je me rétablis en communion avec le Père, par le Fils, dans l’Esprit, j’accomplis ma vocation d’homme, je me rapproche de mon achèvement.
Elle est transmise parce qu’elle est le signe de cet accomplissement comme la joie purement humaine est le signe de ce que nous avons acquis, après l’avoir désiré, ce que le cœur ou l’esprit ont finalement trouvé.
Et puis la joie nous est donnée aussi pour que, nous voyant dans la joie, nos frères en humanité la désirent, et la désirant, recherchent leur communion avec Dieu.
D’où l’importance, pour nous chrétiens, d’être dans la joie ; pas forcément la joie visible, sensible, quelquefois fausse, superficielle pour ne pas dire hypocrite, mais la joie vraie, la joie profonde, la joie qui déborde sans qu’on le dise, la joie qui déborde sans qu’on fasse quoi que ce soit, parce qu’elle est naturelle comme la grâce, elle est naturellement établie dans notre cœur parce que nous sommes rétablis naturellement en communion avec Dieu.
Alors, comme dit le Christ dans l’Evangile, voyant les œuvres qui sont les nôtres et donc la première œuvre qu’est cette joie de la réconciliation de notre âme avec notre Père, nos frères en humanité la désireront et donc s’achemineront eux aussi à leur tour vers notre Père à tous !
C’est la grâce que nous pouvons demander en ce dimanche de Gaudete.