Vivre comme Jésus et mourir comme Lui !
Donc c’est vraiment à Sa fin à Lui que Jésus nous renvoie, comme pour nous dire que notre fin à nous doit être le Jour du Seigneur, doit être Sa fin.
Comment est-ce possible que notre mort, notre fin de vie à nous, -qui correspond donc à notre fin du monde- soit le Jour du Seigneur ? C’est vrai qu’effectivement Jésus nous demande de Le suivre non seulement dans Sa vie : « Celui qui veut être mon disciple qu’il me suive tous les jours… », mais aussi dans Sa mort, dans Sa fin.
Et, lorsqu’on y réfléchit, c’est logique : la mort appartient bien à la vie, c’est lorsque nous vivons que nous mourons.
La mort est même pour le Christ, le témoignage suprême : toute la vie de Jésus dans l’Evangile est orientée vers Jérusalem et vers la Croix du Calvaire.
Jésus nous demande donc de Le suivre non seulement dans Sa vie : « Venez, suivez-moi… », mais de Le suivre à ce sommet de la vie, à ce moment du témoignage suprême qu’est Sa mort. Nous devons donc non seulement vivre comme le Christ, mais mourir comme Lui.
« Ayez les sentiments qui furent dans le Christ Jésus. »
Mais comment suivre Jésus dans Sa mort ?
Saint Paul nous l’explique : « Ayez les sentiments qui furent dans le Christ Jésus. » Vivez avec les sentiments du Christ tant au moment de Sa vie qu’au moment de cette explosion de grâce, de miséricorde et de charité que sera la Croix, c’est-à-dire la mort de Jésus.
D’où, dans notre Année Liturgique qui est faite pour nous aider à suivre Jésus, sur le cycle de 12 mois, du premier dimanche de l’Avent au Christ-Roi, la présence dans cette Année Liturgique de ces quelques dimanches réservés à la fin des temps pour nous aider à nous impliquer dans les mystères de Sa vie. Non pas du tout pour nous affoler sur l’apocalypse, mais pour poursuivre jusqu’au bout la conformité à notre Maître, non seulement dans Sa vie mais jusqu’à l’instant suprême de Sa mort et donc aussi de Sa Résurrection !
Alors quels sont les sentiments qui ont présidé à la mort de Jésus, à ce que Lui-même a défini comme étant Son jour, Son heure, donc nous le voyons, un élément de Sa vie ? Quels sont les sentiments qui ont présidé à ce moment ?
« Aucun de vos cheveux ne sera perdu. »
L’Evangile nous en expose deux.
Voici le premier : « Aucun de vos cheveux ne sera perdu. »
C’est le sentiment propre à l’instant où nous avons à agir, à décider, à vivre comme le Christ. « Aucun de vos cheveux ne sera perdu », c’est-à-dire que tout ce que nous vivons sert à la Rédemption.
D’où l’expression de la Collecte qui reconnaît en Dieu « le Créateur de tout bien. » Non seulement parce que Dieu ne crée pas le Mal, non seulement parce que Dieu ne veut pas le Mal, mais parce que Dieu dans Sa Toute Puissance amoureuse peut se servir du Mal pour le transformer en Bien.
Dans nos vies, nos souffrances, nos échecs, nos morts, nos accidents, nos problèmes quotidiens, nous avons la possibilité avec Dieu de faire surgir de ces peines et de ces difficultés, un bien ! Donc « aucun de vos cheveux ne sera perdu », rien de ce que vous vivez ne sera étranger à la Rédemption, tout est comptable en terme de Rédemption. Non pas en terme de jugement, mais en terme de Salut.
« C’est dans la persévérance que vous sauverez votre âme. »
Le deuxième sentiment qui a présidé à la fin de Jésus, le voici : « C’est dans la persévérance que vous sauverez votre âme. »
Là nous ne nous inscrivons plus dans le moment de l’instant, dans ce moment du choix, de la décision, de l’agir de la vie ; nous nous situons dans la durée, dans la somme de tous ces instants, dans ce que la Collecte appelle « la fidélité au Créateur de tout bien. »
Il ne s’agit pas seulement pour l’homme, chrétien ou non, de faire le bien une fois ; il s’agit de vivre, de s’établir dans le Bien !
Donc le deuxième sentiment qui a présidé à la fin de Jésus est cette fidélité à Sa vie telle qu’Il la voit comme possibilité rédemptrice de la part de Dieu Son Père.
Car Jésus a souffert vraiment, Il a eu une véritable sueur de sang, Il a vraiment eu cet instant où la passion de Son corps a voulu repousser la souffrance de Sa mort et la souffrance morale de savoir que la mort allait être inutile pour tant et tant d’âmes…
« Père non pas ma volonté mais la tienne » : c’est cette persévérance qui va le sauver c’est-à-dire qui va assurer Sa Résurrection comme l’auteur de l’épître aux Hébreux le précise : « C’est par sa fidélité dans la piété qu’Il a sauvé son âme et a été exaucé par son Père » c’est-à-dire qu’Il a été ressuscité.
« Père non pas ma volonté mais la tienne. »
Les deux sentiments qui ont présidé à la fin de Jésus, à Son heure, à Son passage, c’est donc que rien dans la vie n’est inutile pour la Rédemption, et tout dans Sa vie est comptable pour le Salut du monde. C’est dans cette fidélité à la vie que Dieu le Père Lui a proposée qu’Il va assurer non seulement le Salut des âmes mais Sa propre Résurrection !
Ce sont donc ces deux sentiments qui doivent présider à notre fin à nous, à notre mort, à notre passage, ce qui encore une fois correspond pour nous personnellement à la fin du monde, à la fin de notre monde, de notre insertion dans le monde.
Mais nous remarquons que lorsque Jésus parle de ces sentiments qui sont les Siens, après avoir décrit Sa Passion comme modèle intérieur de la fin de vie chrétienne (il ne s’agit pas d’aller se faire crucifier !), Jésus n’est pas encore dans Sa passion. Il est en pleine vie, arrivant à Jérusalem mais encore bien vivant. Il n’est pas encore entré dans Sa Passion ; face à la ville sainte Il est même dans un moment de triomphe, dans la plénitude de Son ministère ! Et pourtant, déjà, Il nous parle de ces deux sentiments qui motivent Son heure.
Pour quelle raison ? Parce que ces deux sentiments non seulement motivèrent Sa mort, mais motivaient déjà chaque instant de Sa vie !
« C’est un bonheur durable de servir constamment le Créateur de tout bien. »
Et c’est ce que nous devons faire nous aussi : nous devons préparer notre fin durant toute notre vie, c’est-à-dire par chaque instant de notre vie !
Si nous voulons cette fin chrétienne de notre vie, c’est-à-dire cette fin christique de la vie, nous devons avoir la même fin dans la vie. Nous devons donc avoir nous aussi ces deux attitudes, à commencer par cette certitude théologique que chaque minute de notre vie, en particulier les minutes les plus sèches, les plus désolantes, les plus insignifiantes, et quelquefois les plus lourdes à porter, chaque minute peut être vécue pour la Rédemption du monde.
Et c’est dans ma fidélité à ces minutes qui s’égrènent tout au long de mes jours, des mois et des années de ma vie, qu’avec la Rédemption du monde j’assure, je gagne, j’investis dans ma propre Rédemption c’est-à-dire dans ma vie éternelle. C’est pour cela que la Collecte dit que servir avec fidélité le Créateur de tout bien procure « un bonheur durable » c’est-à-dire le bonheur de l’éternité.
Colle ta vie à celle de Jésus !
Nous sommes donc loin de la vision apocalyptique et je dirais médiatique, journalistique, de la fin du monde !
Nous devons demander la grâce de pouvoir vivre chaque instant de notre vie avec cette certitude qu’il est utile pour la Rédemption du monde, même si nous pensons être des médiocres, ce que d’ailleurs nous sommes… Oui, vivons dans cette certitude que chacune de nos minutes peut être un gain pour la Rédemption du monde, celle de gens que nous connaissons, peut-être des proches de notre famille, mais peut-être aussi des âmes que nous ignorons, des âmes du passé, du présent et de l’avenir…
Soyons certains que tout ce que nous vivons peut être comptable dans la mesure où cette vie est collée à la vie du Christ, comptable comme la vie du Christ, avec autant de grâces puisque le Christ est en nous, comptable pour la Rédemption, à l’actif de la Rédemption du monde.
Chaque minute de notre vie nous devons demander la grâce de la vivre dans l’espérance que cette minute là est aussi un investissement, une semence pour notre vie éternelle.
Alors tous tes actes seront posés en charité !
Et c’est dans la mesure où nous vivons avec ces deux sentiments de foi dans la participation à la Rédemption par notre vie quotidienne qui est souvent pâlotte, grise, et dans l’espérance que cette vie quotidienne est déjà la vie éternelle commencée, qu’à ce moment-là, nous posons tout acte en charité.
Souvent on se demande comment on peut poser tout acte en charité. Comment puis-je peler des pommes de terre en charité ? Comment puis-je faire ma toilette en charité ? Comment puis-je me lever le matin en charité ? Comment puis-je me reposer en charité ? Comment puis-je me détendre en charité ? Comment puis-je déjeuner en charité ? Comment puis-je recevoir des amis ou quiconque, dire bonjour à un voisin en charité ?
Il ne s’agit pas de faire du factice… Mais de vivre en charité, je dirais presque sans nous soucier des autres, vivre dans cette certitude que ce que nous allons faire aujourd’hui de peler des pommes de terre ou de dire bonjour à quelqu’un, ou de recevoir ceci ou cela, est comptable pour la Rédemption, sert autant que les minutes de la vie de Jésus, autant que quand Jésus rabotait avec Joseph. (Quelquefois cela devait être ennuyeux pour Jésus Fils de Dieu d’apprendre avec Joseph à raboter des planches !) Et vivre dans l’espérance que tout cela est semence de vie d’éternité.
Alors à ce moment là, effectivement, quel que soit l’acte que nous posons, quelle que soit la configuration humaine, technique, matérielle de cet acte, il est rempli de charité.
C’est ça le véritable témoignage dont parle Jésus. Il ne s’agit pas de rêver de témoignages de martyrs ! On ne nous en demande pas tant, on ne nous demande pas de rêver à une sainteté hypothétique ! On nous demande de vivre, aujourd’hui comme chaque jour, dans cette foi, cette espérance et cette charité de Jésus…