« Pour que la gloire du Christ soit en moi et que ma gloire soit en Lui. »
Donc le dessein de Dieu consiste à nous donner la vie pour que nous fassions entrer l’ordre éthique dans l’ordre du temps, pour que nous nous servions de notre temps afin d’y insérer notre éthique.
Quand je dis « notre » ce n’est pas notre éthique personnelle c’est notre éthique d’homme, ce pour quoi un homme créé à l’image de Dieu est fait.
En somme notre vie est à la fois l’appel que Dieu nous lance à Le rejoindre et la réponse à cet appel que Dieu nous lance. Pour reprendre la formule fabuleuse de saint Paul : « Pour que la gloire du Christ soit en moi et que ma gloire soit en Lui », la gloire étant la connaissance intime et amoureuse et non pas la gloire humaine de l’orgueil. Comme la communion que les époux connaissent dans le sacrement du mariage…
La vie est donc cet appel que Dieu nous lance et le moyen que j’ai moi, enfant de Dieu et créature, de répondre à cet appel, pour Le rejoindre. Donc d’inscrire mon éthique d’enfant de Dieu dans le temps que Dieu me présente depuis ma naissance.
L’appel de Dieu est un appel qui passe par la porte qu’est le Christ.
Zachée a entendu cet appel.
Nous avons là un des passages les plus beaux de l’Evangile, un des plus frais, surtout quand on situe cet épisode dans son contexte géographique ! Jéricho qui est une des villes la plus basse de la terre : en altitude négative (moins 400 mètres) et la plus chaude au monde. Et cet épisode est si frais !
Zachée est un homme curieux : il veut voir Jésus, on ne sait pas trop pourquoi… Et comme il est de petite taille, (il se sait petit à ce niveau là) il n’a pas honte de grimper sur un sycomore que l’on vous présente d’ailleurs encore à Jéricho quand vous visitez la ville. Un sycomore, un arbre magnifique, grandiose, énorme, comme l’est chez nous un immense chêne…
Donc Zachée entend l’appel : « Zachée, aujourd’hui il faut que je descende chez toi. » Zachée entend l’appel parce qu’il a été attentif, parce qu’il a été curieux, parce qu’il a été en recherche.
Cela veut dire pour moi que l’appel que Dieu me lance dans ma vie est un appel qui passe par le Christ. Et la réponse que je donne à cet appel de Dieu n’est pas n’importe quelle réponse : c’est une réponse au Christ ! Dieu m’appelle par le Christ et je réponds par le Christ : « Le Christ est l’unique médiateur entre Dieu et les hommes » et donc « Nul ne va au Père que par Lui ».
Reconnaissons que les voies de Dieu sont non seulement impénétrables, mais qu’elles sont très souvent en lignes brisées ! Mais le passage obligé reste le Christ.
Et c’est parce que le passage reste le Christ que finalement la durée et la richesse de ma vie humaine, sa forme, sa structure, n’ont aucune importance. Aucune ! Vous pouvez être saint en étant riche, vous pouvez être saint en étant pauvre, vous pouvez être saint en étant en bonne santé, vous pouvez être saint en étant malade, vous pouvez être saint en étant jeune, vieux, que sais-je… Puisque c’est le Christ qui est le passage, la porte, la route…, tous ces termes qu’Il utilise Lui-même !
« Il faut que je descende chez toi… »
Le principal est de faire comme Zachée c’est-à-dire de répondre vite : « Vite il descendit pour aller l’accueillir chez lui. »
Oui, répondre vite à l’appel que lance le Christ et qui n’est pas n’importe quel appel. Saint Luc emploie dans ce passage un terme très particulier que saint Paul emploiera aussi dans une épître et que le Christ emploiera dans un autre passage de Luc : « il faut. » Souvenons-nous les pèlerins d’Emmaüs : « Ne fallait-il pas que le Fils de l’homme souffrit pour entrer dans sa gloire ? » Et saint Paul dira : « Il faut que nous nous glorifiions dans la Croix de Jésus… »
Ce « opportet », ce mot « il faut », signifie la nécessité de l’étreinte du Cœur de Dieu comme nous le rappelle la première Lecture. Ce n’est pas une nécessité métaphysique, c’est la nécessité de l’étreinte du Cœur de Dieu qui a créé l’homme pour que l’homme soit heureux, qui a créé l’homme par amour pour l’homme et qui passe Son éternité à parler à l’homme, à le redresser, à le relever pour l’éloigner du mal et pour qu’il marche vers Lui !
Jésus ne dit pas : « Ca serait bien Zachée si je descendais chez toi » Jésus est un intolérant, Jésus représente le Dieu à l’amour exclusif : « Il faut que je descende chez toi ». Opportet ! Avec ce mot qui rappelle donc la Passion, cette passion (d’amour) de Dieu pour l’homme qui va entraîner la Passion du Christ au sens physique du mot.
« Que ta volonté soit faite, non pas la mienne. »
Donc Zachée répond vite et c’est là le nœud de l’histoire et le nœud de notre vie spirituelle : il faut répondre vite parce qu’en répondant au Christ on transforme chaque minute de notre vie qui devient une minute de la vie de Jésus.
On fait en sorte qu’avec Jésus nous vivons chaque minute de notre vie comme Jésus a vécu chaque minute de la Sienne c’est-à-dire en la voyant, Sa vie à Lui, comme l’appel de Son Père pour le Salut du monde, comme la volonté aimante de Son Père pour le propre Salut du Fils : « Que ta volonté soit faite, non pas la mienne. »
Je transforme chaque minute de ma vie en l’adhésion que Jésus a donnée ! Soyons conscients du mystère théologique, de cette puissance due au Baptême qui me conforme au Christ dans la foi par l’Esprit Saint : je transforme chaque minute de ma vie à moi en une minute de la vie de Jésus qui, Lui, voit Sa vie comme un don de Dieu !
Et je sais que, malheureusement, je ne vois pas toujours ma vie comme un don de Dieu, comme une volonté aimante de Dieu que Dieu me présente à travers les obligations (terme réducteur de notre morale humaine, mais il n’y en a point d’autre) comme les obligations de mon état, mon état de prêtre, mon état d’homme marié, mon état de mère de famille, mon état professionnel, les obligations de mon état et les réalités plus ou moins dures de ma vie…
Il nous faut les voir comme le Christ a vu Sa vie comme étant l’expression de l’heure du Père. Souvenez-vous : « Mon heure n’est pas encore venue… » L’heure du Père… Jésus n’est pas allé tout seul au combat. Jésus n’y est pas allé comme un surhomme libéré des états de notre nature humaine. Jésus y est allé parce qu’Il sait que Sa « nourriture est de faire la volonté du Père ». Il sait que Sa vie est la volonté aimante de Dieu pour Son propre salut, de Jésus Fils de la Vierge Marie, et pour le salut de l’humanité par Lui Jésus Fils de Dieu !
« Je suis venu pour accomplir la Loi »
Et dans la mesure où, je réponds comme Zachée et j’accueille Jésus dans ma vie pour que ma vie soit en Lui, pour que ma minute soit la Sienne ou que Sa minute soit la mienne, j’accomplis par cette puissance que Dieu me donne et dont parle Paul, dans la seconde Lecture, cette grâce qui est en fait la présence du Christ en moi, l’Esprit de Jésus ; par cette grâce j’accomplis, avec toute ma recherche de perfection, cette minute, comme Jésus l’a accomplie : « Je suis venu pour accomplir la Loi », minute par minute, iota par iota.
J’accomplis parfaitement chaque minute de ma vie avec la perfection de Jésus.
Quelques fois malheureusement je refuse cette perfection de Jésus et je redeviens Zachée dans sa première vie : jusqu’au moment où, me rendant au sacrement de la Réconciliation, je deviens Zachée dans la deuxième part de sa vie. Et je vais comme ça de chute en relèvement, de relèvement en chute, en progressant…
Mais à chaque fois que je suis en face du Christ, que ce soit comme Zachée avant ou comme Zachée après, je suis déjà Zachée : et le Salut arrive dans mon âme, même si je suis pécheur, car je suis comme Zachée c’est-à-dire devant et à l’écoute de Jésus, recevant Jésus.
« Je me tiens à la porte et je frappe… »
Avant même que Zachée dise au Christ : « Je rends tout l’argent que j’ai volé », le Salut est déjà dans cette maison parce que le Christ est déjà sous le toit de Zachée. Avant même que nous nous rendions au confessionnal, dès qu’ayant fait une boulette, une faute, nous avons la conscience de ce dérapage, le Christ est en nous. Le Christ est en nous et c’est Lui-même par Sa grâce qui va nous mener au sacrement de Réconciliation pour assurer ce relèvement. Non pas par notre psychologie, mais par la grâce du sacrement.
Voilà ce texte magnifique de Zachée. C’est comme cela que le Salut arrive dans cette maison, dans cette vie, encore une fois quelle que soit la vie, qu’elle soit brève ou longue, peu importe ; ce n’est pas ma vie qui quantifie ma sainteté, c’est la présence du Christ dans chaque minute de ma vie qui me fait voir cette vie comme Jésus a vu la Sienne, qui me fait accomplir cette vie comme Jésus a accompli la Sienne et qui me la fait accomplir en Lui.