Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« JÉSUS EST TOUJOURS DÉJÀ LÀ ! »

Lectio divina pour le 3ème Dimanche de Pâques
Act.5, 27-41 Apoc.5, 11-14 Jn. 21, 1-19

Nous avons pour ce troisième dimanche de Pâques le récit de la troisième grande apparition de Jésus et peut-être la plus belle. Après Marie-Madeleine le matin de Pâques, après Thomas que nous avons célébré dimanche dernier, nous voici aujourd’hui avec une apparition qui se passe le matin en plein vent, en plein air, en plein soleil… Avec ce caractère naturel, infini, cette apparition, au petit matin, de Jésus au bord du lac -Jésus étant Lui-même le Soleil levant- nous indique quatre points de réflexion qui forment d’ailleurs un ensemble.

La joie nous dépayse, hélas !

Le premier point c’est le campement des personnages.

Les apôtres sont là, comme nous après les grandes émotions pascales, après le débordement d’activité de compassion pendant les derniers jours du Maître, comme désœuvrés… Voilà que nous n’avons plus rien à faire puisque le Christ est ressuscité ! La joie nous dépayse, je dirais presque que nous nous ennuyons…

Désœuvrés, désemparés, nous ne savons plus trop quoi faire… Comme les apôtres qui, tout naturellement, dans ces mêmes sentiments vont reprendre leur activité passée, leur travail, leur métier de pêcheurs. Et nous, j’en suis sûr, nous avons déjà repris notre train-train quotidien comme si rien ne s’était passé ! Pâques est derrière nous et nous pensons déjà aux vacances d’été voire même aux vacances de Noël !

C’est vrai que la joie nous dépayse. Nous n’y sommes pas habitués. Nous ne sommes pas orientés pour vivre cette vie avec Jésus dans la joie de la Résurrection et nous nous ennuyons.

Remarquons quand même que les apôtres ne prennent pas de poisson. C’est un signe que Jésus, encore caché, leur lance pour leur rappeler qu’eux, simples pêcheurs, ont été appelés à être des pêcheurs d’hommes et que justement, depuis Pâques, cette nouvelle vie commence pour annoncer la Résurrection !

Et nous qui sommes dans telle ou telle activité familiale ou professionnelle, est-ce que nous ne sommes pas appelés par la Résurrection pascale, à notre place de simple baptisé, ne sommes-nous pas appelés aussi à être en quelque sorte pêcheurs d’homme ?

« C’était le petit matin et Jésus était là. »

Avec Jésus qui apparaît voilà le deuxième point. « C’était le petit matin et Jésus était là. »

Et cela nous fait comprendre comment Jésus est toujours proche de nous. Cela nous montre la rencontre que le Christ opère avec toutes nos solitudes, malgré notre inaptitude ou notre lenteur à Le voir dans notre vie, à Le remarquer dans ces temps de tristesse ou de ténèbres.

« Ils ne savaient pas que c’était Lui » : la description des apôtres nous convient parfaitement ! Les apôtres sont là désemparés, Jésus vient auprès d’eux et, comme nous, ils ne savent pas que c’est Lui.

Jésus vient toujours à la rencontre de Ses apôtres -c’est-à-dire à notre rencontre- qui ont nos sentiments. Les apôtres, comme le groupe élargi de ceux qui Le suivent avec les saintes femmes, ont vécu ce que nous avons traversé dans le courant de notre vie.

Ce fut les larmes de Madeleine, ce fut le désespoir des pèlerins d’Emmaüs, ce fut l’échec de cette nuit sans poisson. Nous aussi chers amis, nous pleurons, nous sommes désespérés, nous sommes atteints par l’échec. Nous pleurons des problèmes familiaux, nous sommes désespérés de problèmes économiques, nous avons des échecs professionnels, que sais-je ?

Jésus est tellement aimant qu’Il se fait tout proche.

Et Jésus vient toujours à nous, comme Il vint à eux, pour nous ramener doucement dans la confiance et dans la joie. Il le fit déjà avec Marie-Madeleine : « Marie ! » Comme Il le fit plus tard avec les disciples d’Emmaüs : « Notre cœur n’était-il pas tout brûlant ?… »

Parce que Marie-Madeleine porta la nouvelle aux apôtres, parce que les compagnons d’Emmaüs firent de même, tous profitèrent déjà de cette conduite de Jésus Bon Pasteur qui vient chercher Sa brebis et la ramène sur Son épaule…

Et pourtant malgré ces deux grandes apparitions fulgurantes, ils sont encore là tristes et désemparés. Alors Jésus apparaît -comme pour nous !- une troisième fois pour les ramener dans la confiance et dans la joie.

Il essaye de montrer avec délicatesse combien Il est proche d’eux, de quelle manière Lui, véritablement homme, s’inscrit dans leur vie, dans leur trajet, dans leur trouble, dans leur désespoir… Il s’approche d’eux et va manifester par une attention extraordinaire, cette proximité non seulement physique, mais de cœur.

Jésus est tellement aimant qu’Il se fait tout proche. Il est là, Il a préparé le pain et le poisson ! Non seulement Il va leur donner le pain comme à Emmaüs, mais cette fois-ci, Il l’a aussi fait cuire. Sachant que Ses apôtres sont exténués après la nuit de pêche, exténués et tristes, blessés de n’avoir rien pris, Il a préparé une collation pour qu’ils se réconfortent et se réchauffent le corps et le cœur.

Montrer Jésus vivant dans notre cœur avec Son Amour…

Devant cette sollicitude du Christ pleinement homme, d’un Christ bien de la terre, dans notre terre et non dans les nuages, devant cette sollicitude, je pense à notre troisième point.

Je me demande comment nous, chrétiens d’aujourd’hui, nous pouvons prouver à nos frères la Résurrection de Jésus.

La solution découle de cet évangile : en leur montrant Sa sollicitude, cette sollicitude qu’Il a eue vis-à-vis des apôtres ; en montrant Sa sollicitude vivant en nous et qui nous inspire. Voilà la manière que nous avons, 2000 ans après la Résurrection et la vie apostolique de Pierre, de Jacques, de Jean, d’André… d’apporter au monde la Bonne Nouvelle de la Pâque, la Bonne Nouvelle de la Vie : en montrant que Jésus est vivant dans notre cœur par Sa sollicitude, par Son amour et que c’est cette sollicitude et Son amour qui nous inspirent.

Parce que l’amour que nous donnerons à notre prochain, dans notre famille, autour de nous, nous allons être obligés de le chercher quelque part, et où irons-nous ?

Nous irons le prendre dans le Cœur du Christ vivant, dans Celui qui se présente comme l’Amour du Père pour les hommes et qui est l’exemplarité active de l’Amour !

« Celui qui me mange vivra par moi… »

Nous sommes obligés de nous faire nourrir pour nourrir les autres, pour leur donner le pain qui sera dans notre cœur. Et pour nous faire nourrir approchons-nous de ce Jésus qui est le Pain Vivant, qui est le Pain de l’Amour, le Pain de la sollicitude.

Oui, Dieu a choisi de se révéler aux autres, à travers l’amour que nous leur portons ! Quel honneur et quel bonheur de comprendre que Dieu se révèle vivant, ressuscité, crédible, paternel, amoureux, à travers la manière que nous avons de vivre fraternellement comme des ressuscités, comme des vivants, comme des amoureux de notre prochain !

Mais comment est-ce que le Christ va se manifester à moi qui dois aller puiser dans Son cœur la grâce de l’Amour ? Comment vais-je trouver le Christ ?

Eh bien le Christ se présente à nous -et c’est aussi l’enseignement de cette apparition- uniquement à travers l’amour qui nous pousse vers les autres.

« Qui es-tu ? »

Voilà ce qui est difficile à comprendre : que le Christ se révèle à moi à travers ce sentiment de sollicitude, de tendresse, de fraternité qui me pousse vers mon prochain.

Il y a quelque chose qui nous manque dans cette apparition du Christ. Comme il y a quelque chose qui a manqué aux apôtres dans cette apparition du petit matin : « Qui es-tu ? » « Et pourtant ils savaient que c’était le Seigneur. » Mais il y a une espèce, non pas de révolte, mais de petite réserve intérieure, comme pour Thomas dimanche dernier.

Ils savaient que c’était le Seigneur et pourtant « Qui es-tu ? » Ils aimeraient voir, ils aimeraient toucher, comme Marie-Madeleine, sentir, que leurs sens se rassasient, puissent vérifier, expérimenter et cela ne leur est pas donné.

Jésus demande un regard de foi et les apôtres vont effectivement combattre, lutter pour s’abstenir de demander cette preuve ; ils vont accepter cette crispation des sens qui ne peuvent pas atteindre l’objet qui ne leur appartient plus. Jésus ressuscité n’appartient plus au monde de l’Histoire, Il appartient au monde de la foi. Il n’est pas palpable quoique homme ; Il est visible seulement par notre foi.

Et c’est dans cet effort que les apôtres font pour entrer dans la relation au Christ qu’ils confirment effectivement leur foi !

Ne nous plaignons pas de ne jamais voir Jésus !

Et c’est la grande leçon en même temps que le quatrième point, que nous devons retenir de cette apparition.

Nous ne devons pas chercher à changer Dieu pour pouvoir Le voir. Nous préférerions un miracle ? Ah si le Christ nous apparaissait aujourd’hui que ce serait merveilleux !

Mais pour aimer notre prochain nous n’avons pas besoin de miracle ! C’est la grâce qui est nécessaire, c’est la charité ! D’ailleurs, beaucoup de Juifs ont vu des miracles de Jésus, ils ne L’ont pas suivi pour autant…

Donc ne cherchons pas à changer la manière que Dieu a de se manifester. Essayons au contraire de nous changer, nous, pour arriver à Le voir et nous Le verrons à ce moment là tel qu’Il veut se présenter à nous à tout instant.

Ne nous plaignons pas de ne jamais voir Jésus, comme nous avons l’habitude de nous plaindre de ne jamais être exaucés. Ne nous plaignons pas de ne jamais voir Jésus nulle part !

Essayons d’entrer dans cette dynamique du changement. Essayons de nous adapter à la manière que Lui a de se manifester à nous par ce sentiment d’Amour qui nous pousse vers les autres. Et à ce moment là, comme les apôtres, nous Le verrons ; nous Le verrons partout, nous Le verrons tout le temps !

Mgr Jean-Marie Le Gall

Communauté Saint Martin

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