Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

SACHONS VOIR POUR CROIRE ! !

Lectio divina du dimanche de Pâques
Ac 10, 34a.37-43 ; Col 3, 1-4 ou au choix 1 Co 5, 6b-8 ; Jn 20, 1-9

Comme nous l’avons entendu dans les Actes des Apôtres, « Jésus passait et faisait du bien. » Bien entendu, parce que Dieu était avec Lui dans le mystère de l’Incarnation -Jésus vrai Dieu et vrai homme- ce mystère de l’Incarnation, Jésus l’a délibérément vécu, assumé en rendant Sa volonté humaine en totale conformité avec la volonté de Son Père. Il passait, Il faisait le bien comme Dieu Son Père l’aurait fait, comme Dieu le fait d’ailleurs depuis la Création.

« Jésus passait et faisait du bien. »

Jésus apaisant les éléments, ressuscitant les morts, guérissant les malades, pardonnant les péchés… tous ces miracles ne sont-ils pas les signes de la Création de Dieu, de Sa force, de la Toute-Puissance amoureuse de Son Père ?

Ce qui est extraordinaire c’est que l’on ait retenu de cet homme Jésus, quelles que soient la croyance et la foi de l’humanité, qu’Il était un homme faisant du bien.

Il y a dans ces passages de Jésus sur la route, de ces multiples passages au cours desquels Il faisait le bien, une préfiguration, une éducation pour nous faire comprendre qu’il y aura un Passage, une Pâque unique, celle de la Croix, celle que nous célébrons aujourd’hui même, le passage de ce monde à Son Père, le passage de la vie d’ici-bas à la Vie éternelle…

Et c’est dans ce vrai passage, dans ce Passage unique, substantiel, figuré par les passages de Jésus sur les routes de Galilée ou de Judée, que se fait le Bien voulu par le Père et accompli par le Fils, Lui dont « la nourriture est de faire la volonté du Père » c’est-à-dire de « sauver tous ceux que tu m’as confiés » et de n’en perdre aucun.

Pouvoir faire le Bien de Dieu !

Mais, concrètement et précisément, quel est ce Bien que Jésus a fait dans ce Passage unique, dans cette Pâque qu’Il a désiré partager avec Ses disciples ?

C’est de nous donner la possibilité à nous, Ses frères en humanité, de pouvoir faire le Bien nous aussi !

Si le Christ est mort c’est parce que l’homme ne pouvait pas faire le Bien, parce que l’homme n’avait pas comme Jésus, Dieu en lui, parce qu’il avait refusé cette intimité, cette communion, cette confiance, cette amitié du paradis terrestre en désobéissant.

Ce n’est pas l’obéissance en elle-même qui importe, c’est cette suspicion de l’homme vis-à-vis de Dieu : « Pourquoi Dieu m’interdit-Il de goûter à l’arbre de la vie ? » Et là où il y a suspicion, là où il y a méfiance, il n’y a plus confiance, il n’y a plus de lien, il n’y a plus d’amour, il n’y a plus de paternité, nous le savons bien.

Donc l’homme perd la présence de Dieu, il est nu, il est pauvre et il ne peut plus faire le Bien que seul Dieu possède, que seul Dieu est capable en Lui-même de faire.

Si Jésus le nouvel Adam ressuscite, c’est pour pouvoir effectivement permettre à nouveau à l’homme, à Ses frères, de faire le Bien. Parce que l’homme, depuis la Résurrection, depuis ce matin de Pâques que nous célébrons depuis 2000 ans, possède à nouveau Dieu, par le Baptême !

« Vous êtes le temple de Dieu ! »

Nous sommes tous, jeunes ou moins jeunes, riches ou pauvres, conformés à Jésus par notre Baptême. Nous sommes tous collés, nous sommes tous unis, nous possédons tous en nous Jésus-Christ, dans notre cœur, depuis le moment où le prêtre sur les fonts baptismaux nous a baptisés au nom du Père, du Fils et de l’Esprit Saint. Nous avons l’Esprit Saint dans notre temple, nous sommes le temple de Dieu comme écrira saint Paul aux Corinthiens…

Donc nous pouvons à nouveau faire le bien, comme c’était la vocation première d’Adam ! Nous sommes créés pour cela. Nous ne sommes pas créés seulement pour jouir. Nous sommes créés pour participer à cette œuvre de création de Dieu.

L’Esprit qui plane sur les eaux les forme et les façonne comme vous, les mères, qui façonnez vos enfants, vous les parents qui éduquez un petit être à devenir un homme, vous qui travaillez et façonnez la terre en découvrant ses lois, vous les artistes qui façonnez aussi la création, qui la rendez disponible, intelligible à la poésie de l’homme… Nous sommes créés pour être des procréateurs de la vie, de la vie en plénitude, de la vie humaine comme de la vie cosmique, pour qu’en soumettant la création, dit la prière eucharistique de la Messe, nous Te servions, Toi le Créateur ; pour que nous soyons Tes bras, Tes mains qui poursuivent ce Bien fait par Toi.

« Puisque vous êtes ressuscités aujourd’hui avec le Christ… »

Or saint Paul nous dit : « Puisque vous êtes ressuscités aujourd’hui avec le Christ, – par notre Baptême, par nos Confessions, nos Eucharisties…- recherchez les choses d’en haut. » C’est-à-dire cherchez à faire le Bien, cherchez à poursuivre l’action bienfaisante du Christ. Marchez sur Sa route pour continuer Son Œuvre, pour à votre tour, mais en Lui, rendre l’Evangile présent au monde, pro-créer par Lui des êtres aptes aussi à faire le Bien comme l’écrivait Paul aux Ephésiens…

Rechercher les choses d’en haut ne veut pas dire rechercher l’avenir dans les boules de cristal, les festivals de voyance, le tarot et Madame Soleil… La fin du monde, le Fils de l’homme Lui-même n’en sait pas la date ! Rechercher les choses d’en haut, c’est rechercher à faire le Bien !

« Recherchez les choses d’en haut ! »

Mais pourquoi saint Paul emploie-t-il cette expression « recherchez les choses d’en haut » pour nous stimuler, nous rappeler que nous sommes faits, nous sommes recréés pour être co-créateurs, pour faire le Bien ?

Parce que lorsque je fais le Bien je sème l’éternité dans mon âme. Oui, le Bien que je fais est une semence d’éternité. Le Bien que je fais c’est en effet la Valeur des valeurs, c’est l’Amour, la Charité ! Le Bien que nous nous faisons mutuellement en famille, en communauté, dans une ville, dans une cité, dans un pays, dans le monde, le Bien que nous essayons de faire aux autres c’est vraiment cette Valeur des valeurs, « cette charité qui ne passe point » et qui est éternelle !

Aussi lorsque je pose un acte de charité, je pose en moi cette valeur d’éternité, je m’inscris hors du temps, je m’inscris au dessus de l’Histoire, je n’appartiens plus au monde pour cette valeur du Bien que je viens de poser, j’appartiens déjà au monde d’En Haut.

« Dieu est amour. »

Et lorsque l’éternité vient en moi, lorsqu’elle est ensemencée en moi par cette Charité que spontanément ou en réfléchissant, avec joie ou avec difficulté, j’ai réussi à poser avec cette valeur d’éternité, vient donc Dieu Lui-même, le Christ qui habite l’éternité, qui en est la définition vivante.

Ainsi, lorsque je fais le Bien, à travers un bien qui est forcément limité parce que j’agis point par point, parce que je suis une créature, donc limité, lorsque je fais ce bien-là, j’active en moi la présence du Christ qui est, Lui, le Bien en perfection, je reçois la perfection du Bien : « Dieu est amour » dit Jean.

Regardons comme nous gagnons à l’échange, cet « admirable échange » que nous chantons lors du Mystère de l’Incarnation… Lorsque je pose ce petit bien que mon humanité me permet de faire avec la grâce de Dieu, un bien de tendresse, un bien de pardon, un bien d’éducation, un bien de promotion humaine, un bien de dignité, de respect de l’autre, de miséricorde, que sais-je…, je reçois l’éternité et le Christ qui est en elle et qui est le Bien : je reçois le Bien à l’infini !

« Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir. »

Nous nous posons souvent la question de savoir pourquoi, lorsque nous faisons le Bien nous nous sentons bien, nous sommes heureux, nous sommes dilatés, pour reprendre une expression de S. Benoît : « Dilatato Corde », « avec un cœur dilaté »

Jésus Lui-même le dira dans l’Evangile : « Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir. » Oui, lorsque nous faisons le bien (je parle d’un bien vrai, pas d’un bien factice pour montrer qu’on fait la générosité, à la manière des pharisiens, je parle du bien vrai que l’on fait dans le secret de son cœur face au Père), nous sommes heureux ! Parce que Jésus agissant en nous, on se sent bien, on est tout dilaté. On se sent capable, on se sent prêt à tout donner parce que l’on a tout reçu.

C’est ce qui fait la sainteté. Comment tel ou tel personnage dans l’histoire du monde ou de l’Eglise apparaît comme un fou de Dieu donnant tout : de ses biens, de son temps, de son intelligence, de son cœur. Cela nous étonne, cela nous épate, mais n’a-t-il pas tout en lui, tout reçu du Christ qui lui dilate son cœur ?

Et ce qui est merveilleux c’est que plus je fais le Bien, plus je jette ces semences, ces graines d’éternité dans mon âme, plus le Christ agit en moi, plus Il me dilate, plus je suis en communion avec Lui et finalement plus je m’approche du Ciel !

« Celui qui m’aime mon Père et moi nous ferons en lui notre demeure. »

On dit bien que l’âge n’est pas l’âge des artères mais l’âge du cœur. Ce ne sont pas seulement les aînés qui sont près du Ciel, pas forcément. Il y a des vieux dans notre monde qui peuvent en être extrêmement loin. Et puis il y a des jeunes, des enfants, des tout-petits qui en sont beaucoup plus près. Le Ciel c’est la communion avec Dieu, c’est être ensemble avec Lui. Le Ciel c’est être avec Lui : « Là où je suis, là aussi sera mon serviteur… »

Donc parce que je fais le Bien de multiples manières, parce que je passe mes journées à faire le Bien, parce que je ne désire rien que cela, non pas prendre mais donner, j’emmagasine mon Sauveur, j’emmagasine mon Dieu, j’emmagasine Sa Charité, je suis déjà ici-bas en communion avec Lui.

Ce qui fait que lorsque saint Paul nous dit : « Quand le Christ apparaîtra… » dans cette apparition dont nous avons peur (comment et quand va-t-Il apparaître, à notre mort… ?) Il ne viendra pas de l’extérieur comme un voleur pour nous surprendre, c’est-à-dire nous prendre pour nous juger, nous condamner. Non ! C’est du dedans qu’Il vient, c’est de là où Il est, de mon cœur qui a fait le Bien avec Sa Charité et qui a reçu l’éternité qui est la demeure du Christ : « Celui qui m’aime mon Père et moi nous ferons en lui notre demeure. »

« Il vit et il crut. »

C’est de là que Jésus va sortir, va apparaître pour nous transfigurer comme au Mont Thabor et Il sera alors, Lui, dans Son humilité naturelle, l’auréole de notre gloire. C’est nous qui serons glorifiés, le Christ sera la lumière qui nous entourera. Voilà, cela se fera sans mal, tout naturellement.

Et bien entendu si nous n’avons pas fait le Bien, si nous n’avons pas ensemencé l’éternité, si nous n’avons pas durant notre vie terrestre fait vivre le Christ reçu en nous, Il n’apparaitra pas au moment du passage, il n’y aura plus de Christ. Il ne juge pas, Il ne condamne pas, Il est absent. C’est la peine de la damnation qui est l’absence de Dieu, voilà.

Lorsque saint Jean voit, il croit. Il croit tout cela, dans cette vision inspirée de sa théologie si pure, si précise, si élevée. Jean s’aperçoit et croit que le Christ n’étant plus dans le linceul et dans le tombeau, Il est ressuscité dans son cœur. Il est ressuscité pour vivre dans notre cœur dans la mesure où, comme Lui, avec Lui et par Lui, nous faisons le Bien.

Prenons donc chacun la résolution, quelle que soit notre situation, quel que soit notre niveau spirituel, d’essayer de faire le Bien pour que le Christ demeure en nous et qu’ainsi nous puissions communier avec Lui dans l’éternité.

Je vous souhaite de très joyeuses et très saintes fêtes de Pâques !

Mgr Jean-Marie Le Gall

Communauté Saint Martin

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