« REGARDEZ MARIE ET TRESSAILLEZ D’ALLÉGRESSE ! »
Contemplons Elisabeth qui tressaille d’allégresse en voyant venir à elle Marie qui porte le Seigneur… Et nous aussi voyons venir à nous Marie en ce quatrième dimanche de l’Avent ! Car c’est le dimanche consacré à Marie, la Mère de Jésus, notre Mère, celle qui nous donne le Salut en personne, la Bonne Nouvelle de l’Evangile qui s’appelle le Christ.
« TU NOUS APPRENDS L’INCARNATION DE TON FILS »
Nous arrivons donc dans la dernière ligne droite avant Noël, qui n’est pas seulement pour les femmes, l’occasion de soucis, de dindes farcies, de cadeaux, de réceptions familiales,mais qui est avant tout pour nous chrétiens le commencement de la grande histoire du Salut.Et c’est pour cela que dans la Collecte est résumée toute cette histoire.
La Collecte reprend la prière de l’Angélus : « Puisque par l’annonce de l’ange tu nous apprends l’Incarnation de ton Fils, fais en sorte que par sa Passion et par sa Croix, –c’est vrai, il nous faut passer par là !- nous participions à la gloire de la Résurrection. »
Donc aujourd’hui, avant même Noël, parce que c’est le dimanche de Marie, nous est résumée la plus belle et la plus grande des histoires de l’Histoire humaine, à côté de laquelle la découverte des fossiles du pithécanthrope ou des galaxies intersidérales ne sont que roupie de sansonnet.
MARIE ÉDUQUA DIEU À L’HOMME ET NOUS ÉDUQUE À DIEU !
La plus belle histoire de notre histoire humaine c’est effectivement l’encharnellement de Dieu pour la divinisation de l’homme. C’est le passage de Dieu à l’homme, -la ‘Pâque’- pour le passage de l’homme à la vie divine.
Voilà ce qui va débuter à Noël !
Et le point voulu, je ne dis pas obligé, mais voulu par Dieu pour ce double passage, cette descente de Dieu sur notre terre et cette assomption de la terre vers le ciel, le point de passage voulu par Dieu c’est Marie.
Marie va habituer Dieu à être homme par l’éducation de Jésus à Nazareth durant 30 ans,avant que d’être habilitée par le Christ sur la Croix (« Voici ta mère… Voici ton fils… ») à habituer l’homme à Dieu, à Son intimité.
Car il a fallu que Dieu s’habitue à être homme. Jésus a appris l’araméen et l’hébreu ; Il a appris la Torah… Marie va initier Dieu à l’expérience humaine. Dieu le Créateur, Celui qui contient en Lui-même toutes choses, Marie va L’initier à l’expérience humaine ! De même elle initiera l’homme à l’expérience de Dieu.
« IL LES AIMA JUSQU’AU BOUT… »
Tout cela parce que Dieu dans Son plan de Salut, a voulu non seulement Se rendre conforme à l’homme mais S’y conformer du tout début à la toute fin : « Il les aima jusqu’au bout… » en donnant Sa vie !
C’est une chose que nous retenons parce qu’elle nous frappe davantage, cette mort humaine de Dieu. Mais au tout début de la genèse, dans le temps de cet être qu’est la Personne du Verbe possédant une nature humaine, dès le début, dès cette conception, Dieu a voulu goûter l’expérience de l’homme (la reproduire en Lui pour l’assumer toute) : et donc Dieu a voulu commencer Sa relation avec Ses frères humains par la relation avec une mère qui est Sa mère, qui est Marie.
PRENDRE LE TEMPS DE CONTEMPLER JÉSUS À L’INTÉRIEUR DE MARIE !
Il sera profitable que, dans ce dimanche préparatoire à Noël, où nous ne sommes pas encore trop débordés par les besoins immédiats de la fête, nous prenions un temps pour regarder cette gestation de Dieu dans le sein de la Vierge, avant l’accouchement, avant la sortie du sein.
Prendre le temps de contempler Jésus à l’intérieur de Marie. Prendre le temps de contempler –surtout vous les mères qui connaissez ce que c’est, vous qui avez porté des enfants– cette relation initiale, constitutive de Son être, cette relation chaude, chaleureuse, unique, que Dieu, Enfant dans le sein, a eue avec Sa mère.
Le commencement de la vie du Christ, Son encharnellement, Sa descente sur terre, a été l’expérience fabuleuse de Sa rencontre avec la perfection de Marie. Une rencontre silencieuse comme le fœtus dans le sein de la femme ; enfant qui grandit tout doucement pendant neuf mois, qui se forme, qui respire du même air, qui se nourrit du sang, de la chair, qui est en véritable osmose, qui est dans son milieu vital, chaud, silencieux, juste avec les palpitations du cœur ; et puis avec ce lien mystérieux qu’est le partage du sentiment. On sait bien en effet que lorsqu’une mère qui porte est inquiète, elle transmet cette inquiétude à l’enfant. Et voilà que le Christ a cette première expérience de la terre des hommes dans cette rencontre, dans cet abri, cet habitacle saint, ce tabernacle de la perfection qu’est Marie.
LE CULTE DU FIAT…
Cette expérience de l’enfant à sa mère se regarde aussi de l’autre côté, en réciprocité : de la mère à l’enfant et cela nous éclaire sur le rôle médiateur de Marie.
Marie est mère et sa maternité ne va pas s’arrêter à cet enfant mais, parce que l’enfant est Dieu, elle va déboucher sur l’infini, déboucher sur la Transcendance de Dieu, déboucher sur l’espace sans limite habité par la Vie divine.
Cette Transcendance de Dieu, cette Vie de Dieu qu’elle donne après l’avoir portée, elle va l’intégrer parfaitement dans l’humanité ; elle va être mère jusqu’au bout.
Non seulement parce qu’elle va donner le corps comme toute femme donne le corps à son enfant, mais parce qu’elle va contribuer, par son Fiat, à être membre fondateur de ce Corps qu’on va appeler l’Eglise et qui est le rassemblement de tous les hommes qu’elle va initier à l’assentiment personnel, à l’adhésion personnelle à Celui qu’elle vient de mettre au monde.
La maternité de Marie, il est vrai, est officialisée à la Croix. Mais elle commence ici à l’Incarnation en donnant naissance à la Tête par ce Fiat unique, par cette relation unique de l’être humain qu’est Marie (elle est de notre chair) avec Dieu.
Elle lance un monde nouveau, ce monde dont parle Jean dans l’Apocalypse, ce monde en lequel surgit un culte nouveau dont nous parle l’épître aux Hébreux : le culte du Fiat.
« VOICI LA SERVANTE DU SEIGNEUR. »
Elle va apprendre à son Fils Jésus-Christ, puis elle va apprendre aux hommes à vivre ce culte nouveau dont elle est la maîtresse, dont elle est le modèle en tant qu’elle est mère : culte qui sort du cœur, de la profondeur de son âme, pour se réaliser dans une donation concrète : « Voici la servante du Seigneur. »
Elle va apprendre à son Fils en tant qu’homme à dire « oui » à Son Père –et ça ne sera pas toujours facile, souvenons-nous de l’agonie ! Elle va apprendre à tous les hommes à donner leur adhésion personnelle comme elle l’a donnée : « Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole. » Adhésion qui est don de soi, don de la partie la plus belle, la plus subtile, la plus fine de la personne qu’est la volonté.
Il ne s’agit pas de donner ce que j’ai, mais ce que je suis, et je suis dans mon « oui », je suis dans ma liberté. C’est ce oui qu’elle va apprendre aux hommes à poser en face de Dieu et avec Dieu, par Lui.
« MAGNIFICAT ! »
Marie le fait sans violer quiconque. Marie le fait comme elle l’a fait avec le Christ, par sa présence, sans parole. Elle « médite tout cela en son cœur » et elle nous fait méditer tout cela en notre cœur.
Le merveilleux exemple est là, dans cette visitation à Elisabeth. Quand Elisabeth voit Marie, avant même que Marie ait parlé, avant même que Marie ait chanté son Magnificat, Elisabeth, par la mère visible, s’élève jusqu’au Fils, jusqu’à l’Enfant invisible. C’est donc bien cette présence de Marie qui initie tous les hommes, à commencer par Elisabeth, à passer de la maternité visible et concrète, de la fille de David, à l’adhésion à l’Enfant invisible que la vierge de Nazareth porte en elle et qu’elle donne au monde.
IL NOUS FAUT RE-GARDER MARIE…
Mes bien chers amis, il faut revenir pour ce Noël 2021, qui comme bien des précédents reste un Noël entouré de guerres, de haine, de disputes (je ne pense pas seulement à la guerre militaire, je pense aussi tout simplement aux attaques que les hommes se font les uns envers les autres, aux vols, aux viols de conscience, à tout ce qui est sale, tout ce qui est triste, sombre, politiquement, médicalement, juridiquement, théologiquement même, grâce à ceux qui prennent un malin plaisir à semer le doute dans l’esprit, dans l’Eglise), oui, il faut revenir à cet élément fondamental de l’Eglise : Marie, membre fondateur, la plus grande des théologiennes de l’Incarnation parce qu’elle a vécu une expérience unique, la plus concrète puisqu’elle portait le Verbe créateur, la plus dense des expériences humaines puisque son fils est le Fils de Dieu.
Et l’Eglise est fondée sur cette expérience intime, personnelle, sainte, aussi profonde, aussi solide que peut l’être la relation d’une mère à son enfant.
Oui, il nous faut garder Marie, il nous faut re-garder Marie, il nous faut comprendre Marie, il nous faut donc la ‘prendre-avec-nous’ à l’intérieur de notre cœur pour que notre foi, pour que notre relation à Dieu ait les mêmes propriétés que cette expérience intime, personnelle, filiale, simple.
ALLER À LA RENCONTRE DU SEIGNEUR !
Rejetons la foi abstraite, les discours qui ne font que durcir les cœurs, le formalisme spirituel qui a entraîné tant et tant de fondamentalisme et de guerres de religion parce que tout cela ne sortait pas de l’intérieur, ne sortait pas du cœur…
Ne pas avoir de relation personnelle -comme Marie a eu- avec le Christ, c’est le mal qui guette tout chrétien. N’avoir avec Dieu qu’une relation d’abstraction, philosophique, traditionnelle, sociologique… On croit parce que l’Eglise est le dernier rempart contre l’Islam, contre le communisme, contre l’américanisme, contre le bolchevisme, contre tous les ‘-ismes’ possibles, mais on n’a pas rencontré Dieu, on n’a pas dit « oui » à Dieu, on n’a pas cette expérience que Marie a eue et qu’elle essaye de nous transmettre, cette adhésion simple, personnelle, intérieure.
Retenons aussi que si tout commence par l’Incarnation maternelle, par cette relation que Jésus a voulu avoir avec une mère, relation unique, de profondeur et d’intimité, relation de chaleur, c’est pour que tout s’achève dans le mystère de l’Eglise de manière aussi maternelle.
LE FILS M’ENGENDRE AU PÈRE ET J’ENGENDRE LE FILS AU MONDE…
Et le mystère de l’Eglise, c’est notre engendrement à Dieu, c’est notre engendrement à la foi. L’Eglise avec Marie –non seulement le jour de notre Baptême, mais tous les jours- nous réengendrent sans cesse à la relation divine avec notre Père. Et elles nous réengendrent sur ces mêmes bases, avec cette même tendresse, cette même douceur, cette même relation personnelle avec Dieu, relation de cœur à cœur, fondée sur la relation de la mère au Fils, de la mère humaine au Fils de Dieu.
La solidarité du Christ avec chacun d’entre nous s’enracine dans la solidarité du Christ avec la chair de Marie. Donc la solidarité de Jésus avec mon âme est colorée des mêmes caractéristiques de cette relation personnelle, intérieure, unique que le Fils a eue avec sa mère, une relation de fidélité comme dit Dieu dans la Bible : « Je suis fidèle, je ne reprends pas ma parole. »
C’est une relation et j’insiste sur ce point car c’est vraiment le message d’aujourd’hui !La place de Marie dans son rôle médiateur, dans son rôle d’initiateur, c’est cela : nous devons avoir avec le Christ la même relation que celle que Marie a eue avec son enfant, une relation d’engendrement.
Et je dirais d’engendrement réciproque parce que le Fils m’engendre à la vie du Père et moi j’engendre le Fils au monde en Le donnant à mes frères.
Que ce quatrième dimanche de l’Avent soit pour nous un moment de grâce pour revivifier, ré-intérioriser, redonner cette intimité, cette simplicité, cette douceur, ce caractère maternel de notre relation au Christ et pour enlever de nos vies chrétiennes la dureté, pour sortir de nos sépulcres, pour faire éclater nos coquilles. Regardez Marie et tressaillez d’allégresse, tressaillez de douceur et de joie !
Mgr Jean-Marie Le Gall
Communauté Saint Martin
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