Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« L‘ÉGLISE MONTE VERS LE CHRIST COMME LE CHRIST DESCEND VERS L’ÉGLISE… »

Lectio divina pour le Jeudi de l’Ascension
Act.1, 1-11 Eph.4, 1-13 Mc.16, 15-20

Nous aurons remarqué, par les thèmes qui sont développés dans les lectures de cette liturgie de l’Ascension, comment cet acte du Christ à la fois historique et physique, mystérieux et spirituel, se situe comme une charnière entre deux temps. Le temps post-pascal où Jésus vit parmi les siens, après Sa Passion, ressuscité et le prouvant de diverses manières : par Sa présence d’apparitions aux apôtres, et par Sa présence aussi avec Son Eucharistie : « Il prend le repas avec eux », ce qui est très important. Puis de l’autre côté de ce mystère de l’Ascension, le temps de l’Eglise qui apparaît, avec l’ordre du Christ d’aller baptiser, comme nous le montre l’Evangile décrivant les apôtres qui s’en vont déjà témoigner, en préparation de ce mémorial de la naissance officielle de l’Eglise que nous célébrerons dans dix jours, suivant la promesse du Christ d’envoyer l’Esprit-Saint.

C’est vrai que l’Ascension est un mystère comme le montre la lecture de Paul, à la fois belle et complexe, décrivant le Christ qui monte et qui descend… Nous allons essayer d’entrer dans le cœur de ce mystère.

Vivre au Ciel en espérance…

Dans la Collecte nous avons déclaré que cette victoire du Christ qui entre dans le Ciel et qui s’assoit à la droite du Père (un autre thème que nous avons trouvé dans les lectures), c’est déjà notre victoire puisque là où est la Tête, là va être le Corps (un autre thème qui est celui de l’Eglise et du Corps mystique) et que donc nous-mêmes chrétiens « nous vivons en espérance dans le ciel. »

Alors qu’est-ce que veut dire « vivre en espérance dans le ciel » ? Tâchons de comprendre.

Au niveau de notre vie quotidienne, simplement humaine, vivre en espérance c’est agrémenter notre vie d’un rêve : nous pensons aux vacances, nous pensons à tel évènement familial, à telle joie qui va se produire, à notre mariage, à notre anniversaire… C’est ce rêve qui agrémente nos journées, qui nous fait tenir, nous fait avancer -comme un âne quelquefois tout au long  des dures journées !-  et qui nous fait poser des actes en fonction de ce vers quoi nous marchons, de ce à quoi nous rêvons : nous faisons tout pour bien préparer nos vacances, nous faisons tout pour bien préparer cette fête familiale, nous faisons tout pour bien préparer notre mariage ou le baptême de notre enfant…

Le Ciel n’est pas tant un lieu qu’un état…

Mais vivre en espérance cela veut dire aussi autre chose au niveau chrétien. Vivre en espérance dans le Ciel, cela veut dire que nous participons déjà à cet état, à cette Vie éternelle plus exactement.

Parce que le Ciel n’est pas tant un lieu qu’un état. Le Ciel c’est l’état d’union parfaite au Christ ressuscité, vivant, glorieux, assis à la droite du Père.

Donc chaque petite parcelle de mon temps humain, (« ma vie dans la chair » comme dit saint Paul), chaque petite parcelle de temps au cours de laquelle je suis uni au Christ et au Christ qui est vivant, c’est un petit peu de l’éternité que je goûte déjà, c’est un temps d’éternité dans lequel j’entre.

Oui, l’union au Christ ici-bas, ne serait-ce que pour quelques secondes de vie posées dans un acte de charité, dans un acte de miséricorde, de pardon, c’est une expérience du Ciel qui, non seulement me fait anticiper ce que je vivrai dans l’Au-delà mais m’y pose réellement, me fait être déjà dans cet état de l’éternité.

L’Eucharistie, sacrement de ‘l’absence’ du Christ…

Mais comment peut-on être uni au Christ puisque justement nous célébrons Son départ de la terre par l’Ascension ?

C’est vrai que le Christ depuis le mystère de l’Ascension n’appartient plus à notre monde dans Sa présence historique de l’Incarnation. Mais Il reste, Il est présent au milieu de nous dans Son mystère de Rédemption actualisé par la Messe à laquelle nous assistons. Et en particulier par ce qui fait le cœur de cette messe : la Présence réelle ! Jésus est présent avec Son Corps même si ce n’est pas corporellement, c’est-à-dire d’une manière visible comme les Apôtres ont pu, eux, Le voir.

C’est pourquoi l’on peut dire, sans se tromper, que l’Eucharistie est le sacrement de l’absence du Christ, cette absence qui commence aujourd’hui dans le mystère de l’Ascension. Le Christ s’en va et l’Eucharistie nous est laissée, (ce fameux repas que Jésus prend avec Ses apôtres avant de monter au Ciel et dont les Actes nous parlent). L’Eucharistie nous est laissée non pas pour Le remplacer -le Christ ne se remplace pas- mais pour Le re-placer au milieu de nous.

Et ce Corps eucharistique que nous assimilons dans la communion n’est pas un corps mort. C’est bien le Corps de Jésus ressuscité, vivant, glorieux, assis à la droite du Père.

La communion me fait participer au Ciel de Jésus…

C’est ce qui fait que la communion eucharistique est le moyen par lequel nous sommes accrochés au Christ dans Son état glorieux. C’est le moyen par lequel nous sommes unis à Jésus et par lequel nous pénétrons avec Lui dans le Ciel.

La communion, donc ‘l’union-avec’, la communion au Corps de Jésus dans l’Eucharistie me fait participer à Son Ciel. C’est un temps de Ciel dans lequel j’entre, c’est donc bien une anticipation du Ciel.

Mais c’est plus qu’une anticipation du Ciel.

La communion eucharistique est une semence d’éternité que Jésus vient déposer en moi, en mon âme pour qu’elle se développe, me pénétrant, m’éternisant.

Vous me pardonnerez ce néologisme mais l’Eucharistie est ce mystère de l’éternisation de ma personne et de ma vie. L’Eucharistie est ce qui m’engendre à la Vie qu’elle contient qui est la Vie éternelle, qui est la Vie du Corps de Jésus ressuscité.

L’Eucharistie est la cellule initiale du Corps mystique…

Telle la cellule initiale du corps humain, l’Eucharistie est la cellule initiale du Corps mystique de l’Eglise (d’où ce thème de l’Eglise), présente dans mon âme (je suis une part de l’Eglise).

Et puisque je suis engendré dans l’Eucharistie de manière christique avec la Vie et l’éternité glorieuse de Jésus, cela me montre que le Corps mystique est véritablement éternel et participant déjà à la Gloire de l’Au-Delà.

C’est ainsi, par l’Eucharistie, que nous pouvons vivre accrochés au Christ glorieux et éternel, comme génétiquement unis à Lui ainsi que le corps l’est à la tête. Ce qui nous fait comprendre que, finalement, ce n’est pas seulement pour ‘re-placer’ le Christ parmi nous que l’Eucharistie est là. Elle est là aussi et à la fin, pour nous ‘re-placer’ au milieu de Lui.

L’Eucharistie est la Vie même vers laquelle nous marchons…

Le mystère de l’Ascension c’est cela. C’est comprendre que l’Eucharistie est un viatique.

Bien sûr c’est la Nourriture qui nous est donnée pour aller sur la route du Père, à la rencontre du Père.

Mais elle n’est pas seulement nourriture pour nous renforcer dans les épreuves. L’Eucharistie est la Vie même vers laquelle nous marchons, qui vient à nous, qui vient en nous. Elle se dépose en nous pour transformer nos pauvres personnes en des parcelles du peuple élu que Dieu s’est choisi et dans lequel Il réside : l’Eglise !

Pour vivre le mystère de l’Ascension, il ne s’agit pas tant de regarder vers le Ciel, d’en rêver, il s’agit d’y entrer dès ici-bas. Il s’agit de vivre accroché au Christ.

Il s’agit de vivre uni à Son éternité, à Sa perfection de manière à ce qu’Il nous transforme petit à petit en pierres vivantes qui vont se poser les unes à côté des autres, les unes avec les autres (comme nous le rappelle Paul dans sa lecture) pour construire et élever dans l’unité le Temple, -le Temple qui est Son Église- vers la Jérusalem Céleste.

L’Ascension, c’est désirer que Jésus descende dans mon âme…

Le mystère de l’Ascension ce n’est pas tant ce regard que nous porterions vers un lieu, un au-delà géographique. Ce n’est pas le souvenir déchirant d’un Christ disparu ; ce n’est pas même une marche de notre personne vers un futur qui ne nous appartient pas : pour certains cela sera demain, pour d’autres dans quelques mois ou dans quelques années, brutalement, après une maladie, nous n’en savons rien…

Le mystère de l’Ascension, c’est laisser descendre Jésus sur l’autel par la Consécration.

C’est donc Le désirer, c’est désirer cette Consécration. C’est donc désirer les prêtres, c’est donc désirer la sainteté de l’Eglise ; c’est désirer des vocations, c’est prier pour elles. Ce n’est pas seulement assister, immobile, à la Messe du dimanche, c’est désirer que Jésus descende sur l’autel.

Et c’est désirer aussi que Jésus descende dans mon âme. C’est donc avoir une âme qui soit capable de Le recevoir, une âme qui soit capable de s’éterniser.

L’éternité est déjà dans notre cœur.

Ne vivons pas dans une fausse espérance eschatologique. L’eschatologie, c’est-à-dire notre fin dernière, l’union à Dieu, le Ciel, l’éternité, elle est déjà dans notre cœur.

C’est nous qui la construisons, c’est nous qui en sommes responsables ; c’est nous qui pouvons y goûter déjà !

C’est nous qui nous y posons, plus exactement c’est nous qui, dans la participation au Sacrifice de la Messe et en particulier dans la réception de la Communion, acceptons de nous ouvrir et de recevoir cette semence d’éternité qui va se développer en nous, éterniser notre personne, lui donner une dimension autrement plus grandiose, plus transcendante que nos vues humaines, matérielles et limitées.

L’Eglise monte vers le Christ comme le Christ descend vers l’Eglise…

Dans l’Église et par elle, selon le désir de Jésus, il y a cette ‘pluie eucharistique’, ce Pain de Vie qui monte et qui descend. Il monte parce que c’est le prêtre qui consacre dans l’Eglise et Il redescend pour faire vivre, pour nourrir l’Eglise qui s’élève ainsi petit à petit vers le Christ.

C’est vrai : l’Eglise monte vers le Christ comme le Christ descend vers l’Eglise. Il y a cette espèce de mariage incessant, cet échange entre Ciel et terre comme nous le figurait le songe de l’échelle de Jacob. Sauf que ce n’est plus un combat. C’est une union conjugale.

Essayons donc de réfléchir aujourd’hui et de consacrer notre journée à ce mystère de l’Ascension auquel nous participons par notre communion eucharistique puisque dans cette communion au Pain de Vie nous sommes accrochés à Jésus vivant, ressuscité et glorieux.

Mgr Jean-Marie Le Gall

Communauté Saint Martin

Retrouvez la lectio divina quotidienne (#twittomelie, #TrekCiel) sur tweet : @mgrjmlegall