Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
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« AIMEZ VOUS COMME JE VOUS AI AIMÉS … »
Lectio divina pour le 6ème Dimanche de Pâques
Act.10, 25-48 1Jn.4, 7-10 Jn.15, 9-17
Nous aurons remarqué comme pendant tout ce Temps pascal les dimanches ont été consacrés à une réflexion sur la foi, cette vertu primordiale qui nous sert de tremplin pour entrer dans la vie spirituelle. Et tout à coup, voilà ce dernier dimanche qui précède l’Ascension et nous prépare déjà à la Pentecôte. Il nous met face à la réalité ultime de notre vie spirituelle, à savoir notre vie éternelle. Et cela rejoint finalement le cheminement concret de notre vie humaine : nous vivons un certain nombre d’années et puis tout à coup voilà que l’âge, la maladie, l’accident nous emportent brutalement…
La Collecte de ce 6ème Dimanche oriente donc notre réflexion dans cette direction. En effet nous demandons au Seigneur, d’ « être transformés par le mystère de Pâques dont nous faisons mémoire. » Qu’est-ce que cela veut dire ? Cette phrase est très importante justement pour nous préparer à vivre l’Ascension et la Pentecôte et aussi notre propre passage comme le signifie le terme « pâque ».
« Nous faisons mémoire du mystère de Pâques. »
Cela fait appel à la notion de présence mystérique : « nous faisons mémoire du mystère de Pâques. » C’est la présence au milieu de nous, dans notre vie d’aujourd’hui du mystère de Pâques, le mystère de la mort et de la Résurrection de Jésus qui va être rendu présent sur l’autel. C’est la présence liturgique donc d’un acte mystérieux accompli il y a 2000 ans. Voilà ce qu’est la présence mystérique. Une présence vraie, réelle, actualisée, d’un acte passé qui est si mystérieux qu’il faudra attendre la fin du monde et l’entrée dans l’éternité pour en saisir le sens plénier.
Cette présence mystérique doit nous trans-former c’est-à-dire nous donner une forme au-delà. « Trans », préfixe : trans-maritime, trans-atlantique au-delà de la mer, au-delà de l’océan…
Nous devons donc par cette présence mystérique du mystère de Pâques être transformés, avoir une forme au-delà, supérieure.
Il ne s’agit pas tant donc de parler de l’Au-delà, -arrêtons de caqueter sur les prévisions apocalyptiques, les prophéties, et toutes ces conversations malsaines qui ne mènent à rien !… Il s’agit de vivre « au-delà » : « trans. »
« Que ton mystère pascal dont nous faisons mémoire nous transforme. »
Et cette trans-formation, cette forme au-delà, elle est, comme nous le voyons dans la prière de la Collecte, liée au Mystère pascal : « Que ton mystère pascal dont nous faisons mémoire nous transforme. »
Donc cet au-delà dont il s’agit ne peut être que la réalité effective, ce monde réel dans lequel le Christ est entré par sa mort et Sa résurrection. C’est l’Au-delà du Christ. C’est cela l’Au-delà chrétien. Peu nous importe la forme, comme peu nous importe le moment ; peu nous importent les caractéristiques si ce n’est que cet Au-delà, c’est le monde dans lequel Jésus est entré, dans lequel Jésus vit. C’est le monde de Dieu, le monde du Père.
Le Christ est venu pour spiritualiser nos vies.
Alors faire mémoire du Mystère de Pâques pour donner à notre vie cette transformation c’est-à-dire cette appartenance à l’Au-delà, ce n’est pas bien entendu seulement passer par le phénomène physique de la mort.
Cela concerne notre forme humaine. Notre humanité, notre personne humaine est formée par l’esprit. C’est cela qui nous distingue des animaux. Donc entrer dans l’Au-delà, être transformé en tant qu’homme, c’est appartenir par notre spiritualité à ce monde de Dieu, à ce monde du Christ ressuscité.
Ce que nous avons finalement demandé dans la Collecte, c’est que notre liturgie, la célébration de l’Eucharistie, c’est-à-dire cette présence mystérique de l’Acte unique de la mort et de la Résurrection du Christ nous fasse entrer par l’Esprit, nous forme spirituellement au monde de Dieu, qui vient à nous sous les apparences du pain et du vin, sous les apparences de notre monde ancien, qui vient à nous justement pour nous faire vivre ce Mystère pascal.
C’est pour cela que Jésus est venu. Le Christ est venu pour spiritualiser nos vies. L’esprit étant cette caractéristique profonde, intérieure, -invisible si ce n’est par les œuvres-, de notre humanité, le Christ est venu pour rendre notre vie parfaitement spirituelle par Son Esprit qu’Il nous offre pour vivre.
« Je remonte vers mon Père pour vous envoyer l’Esprit… »
La vie spirituelle ce n’est pas la fausse mystique. La vie spirituelle, c’est cette vie suivant l’Esprit du Christ, du Christ actuel, vivant, ressuscité dans la gloire de Son Père : l’Esprit Saint.
Le Christ est venu pour spiritualiser notre vie par Son Esprit, par l’Esprit-Saint. Nous voyons ainsi comment tout est lié : le Passage -la Pâque-, l’Ascension, l’Au-delà, l’Esprit-Saint et donc l’Eglise…
L’Esprit est dit Saint parce qu’Il sanctifie toutes choses, parce qu’Il sanctifie ce qu’Il pénètre, parce qu’Il lui donne la dimension, la forme du monde d’où Il vient. « Il faut que je remonte vers mon Père pour vous envoyer l’Esprit qui vous apprendra toutes choses » qui vous formera, qui vous éduquera, qui vous accompagnera -l’Esprit Consolateur, l’Esprit Paraclet.
Le Christ est venu donc pour cette spiritualisation de notre vie. Et lorsque l’Esprit nous est, donné Il nous dimensionne à la dimension du Christ, du Père, à la dimension de Dieu : Il nous forme, Il nous trans-forme, Il nous re-dimensionne.
Nous remarquons d’ailleurs combien les personnes qui vivent de l’Esprit ont vraiment l’air de ne plus appartenir à notre monde : ils sont légers, aériens, d’une intelligence remarquable, je veux dire par là d’une lucidité, d’une puissance, d’une capacité de conseil, de force… Ils ne sont plus de notre monde, ils sont transformés.
« Dieu est Amour. »
Ces personnes ont cette dimension du monde de Dieu et en particulier la dimension de l’amour qui en est la dimension fondamentale. Elle est fondamentale parce qu’elle est à la racine même de l’être de Dieu.
C’est parce que Dieu est Amour qu’il est Trinité. Dieu est Amour, Il aime ; mais Il ne s’aime pas égoïstement, donc Il aime Son Fils et le Fils aime Son Père et le Père et le Fils ont ce commun Amour qui est Personne divine : l’Esprit.
C’est parce que Dieu est Amour qu’il est Trinité ; c’est aussi parce que Dieu est Amour qu’Il a créé, qu’Il a donné l’être que nous sommes comme participation à Son être, à Sa vie, à Son Esprit. C’est pour cela que Jean nous le dit : « Dieu est amour. »
Ce n’est pas seulement un attribut de Dieu, l’amour. C’est Sa définition propre. C’est aussi la raison pour laquelle Jean insiste en disant : « L’amour vient de Dieu » : parce que Dieu seul le possède en perfection et donc peut le transmettre. C’est Dieu qui nous transmet l’Amour, c’est Dieu qui nous donne la capacité d’aimer dans notre cœur.
« Tout homme qui aime vient de Dieu. »
Et cela devrait élargir le regard que nous avons sur nos frères. « Tout homme qui aime vient de Dieu », tout homme qui aime est envoyé de Dieu, instrument de Dieu, canal de Dieu.
Voilà le véritable éclatement des frontières humaines auquel nous appelle l’Evangile : « Qu’ils soient un comme nous nous sommes un. »
Cette unité de la Trinité, elle est faite dans l’Amour et c’est l’appel que Jésus lance à l’humanité : de reconnaître que tout homme qui aime vient de Dieu qu’il soit blanc, jaune, rouge, noir, quelles que soient sa foi et sa religion.
A condition bien entendu que cet amour soit un amour à l’image de l’Amour divin ; Amour qu’Il nous manifeste en nous donnant Son Fils : c’est l’Amour christique.
Car ce n’est pas n’importe quel amour qui vient de Dieu, ce n’est pas l’amour de soi, ce n’est pas l’amour du jeu, de l’argent, du pouvoir, c’est l’Amour tel que Dieu le possède en plénitude et tel qu’Il essaye, tout en respectant notre liberté, de Le diffuser en nous Le manifestant pour nous L’apprendre.
« Dieu a tant aimé le monde qu’il a envoyé son fils… »
Qu’est-ce que l’Amour christique ?
C’est l’Amour que le Père manifeste aux hommes en envoyant Son Fils.
C’est aussi l’Amour que le Fils, le Christ, manifeste envers Son Père en donnant Sa vie pour les hommes. « Le Père et moi nous sommes un » pas seulement au niveau de l’être ontologique de Dieu, -un seul Dieu en trois personnes. « Le Père et moi nous sommes un » parce que le Père aime le Fils et que le Fils aime le Père dans l’unité du Saint-Esprit.
Donc si je veux répondre à cette définition joannique qui est ‘supraœcuménique’, (elle est absolument universelle puisqu’elle elle s’applique aux bouddhistes, aux musulmans, aux juifs comme aux chrétiens, il faut que je tienne compte de deux vérités.
La première c’est que l’Amour de Dieu est christique. C’est à dire, et l’Evangile de Jean nous le rappelle : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés » : l’Amour de Jésus possède cette perfection de l’Amour du Dieu Père et Créateur.
« Comme le Père m’a aimé moi aussi je vous ai aimés » sans rien retenir de Ma Vie, de Ma Personne… Ma vie Je vous L’ai donnée : « Ma vie nul ne la prend… » Car « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » Voilà l’amour christique, l’Amour du Père et du Fils absolument identique dans leur perfection : « Le Père et moi, nous sommes un. »
« Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. »
Ensuite voici le deuxième principe que Jésus nous donne encore par Saint Jean : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. »
Cet amour christique, cette unité du Père et du Fils dans l’unité du Saint-Esprit, c’est cela que nous devons faire passer à l’autre, quelle que soit, encore une fois, sa race et sa couleur, sa patrie, l’époque à laquelle il appartient. Je dois faire passer autour de moi, je dois extravaser de mon cœur cet Amour que j’ai reçu particulièrement au Baptême par la réception de l’Esprit-Saint. A noter bien sûr que l’Esprit n’est pas lié aux sacrements : c’est pour cela qu’il y a des hommes qui n’appartiennent pas visiblement à l’Eglise, mais qui vivent de l’Esprit, donc de l’Amour.
Cet Amour que je reçois moi, disons de manière ordinaire, comme chrétien catholique par les sacrements, par mon union au Christ, par ma prière, par ma méditation je dois le transmettre : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »
Ce « comme je vous ai aimés » veut dire, rappelons-le : « Comme le Père m’a aimé », sans mesure, sans mesquinerie, sans borne. Car c’est ainsi que Je vous ai aimés !
« Je vous envoie pour que vous portiez du fruit… »
C’est cela le fruit qu’attend Jésus de chacun de nous : « Je vous ai choisis, je vous envoie pour que vous portiez du fruit, un fruit qui demeure. »
Nous serons jugés sur la charité. Nous ne serons pas jugés sur notre intelligence, nous serons jugés sur la charité qui seule, nous dit Saint Paul, demeure au Ciel. « La foi disparaîtra, l’espérance ne sera plus, la charité seule demeure. »
Nous serons jugés sur toutes ces charités qui sont la dimension fondamentale de Dieu, qui appartiennent au monde du Ciel, c’est-à-dire à l’éternel, et qui ne passent pas.
C’est pourquoi, chaque fois que je pose un acte de charité dans ma vie quotidienne je m’ensemence dans l’éternité.
Aussi, lorsque j’arriverai devant le Créateur, mon Juge et mon Père, j’aurai sur mon plateau dans mes pauvres mains un certain nombre d’actes de charité qui seront purifiés, brûlés au feu de Dieu, transformés par le feu de l’Esprit-Saint dans lequel j’entrerai par ma Pentecôte éternelle.
Alors si cette charité est médiocre, comme dit Saint Paul, elle brûlera comme paille, il ne restera rien ; mais si cette charité est profonde (par de tous petits actes sans prétention), alors le feu de l’Esprit, comme pour l’or purifié dans le feu, transformera, purifiera cette charité. Il me fera participer effectivement à l’éternelle joie de Dieu.
Voilà ce pour quoi, ce vers quoi nous devons tendre, ce sur quoi nous devons réfléchir pour nous préparer à ces fêtes de l’Ascension et de la Pentecôte.
Mgr Jean-Marie Le Gall
Communauté Saint Martin
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