Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
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« CELUI QUI ME MANGE VIVRA PAR MOI ! »
Lectio divina pour le Jeudi Saint
Ex.12, 1-14 1Cor.11, 23-26 Jn.13, 1-15
Il y a des évènements qui marquent nos vies d’hommes ; particulièrement le Jeudi Saint pour les prêtres… Si nous rendons cette liturgie si faste c’est pour essayer -bien indignement !- de rendre hommage à la grandeur du sacrement que nous célébrons depuis notre ordination et auquel les fidèles participent depuis leur première communion. Nous essayons ce jour de raviver notre amour, de raviver l’esprit de fiançailles qui a teinté notre donation de prêtre le jour où nous fûmes consacrés au service du Seigneur. Comme lorsque les époux célèbrent leurs anniversaires de mariage.
«Avec nous jusqu’à la fin du monde. »
Lorsque nous arrivons au Jeudi Saint, nous entendons retentir de manière toute particulière ces paroles que Jésus aura dites sûrement très simplement : « Ceci est mon corps… »
Et on a l’impression que ce mot de corps roule, comme l’écho dans la montagne, dans cette immense création fabuleusement riche qui est l’Eglise universelle : tant celle de France, que l’Eglise de Moscou ou de Pékin…
Nous célébrons l’acte par lequel Jésus Se donne à l’Eglise, de Consécration en Consécration, de main de prêtre en main de prêtre…
Il se transmet ; tradidit dit le texte latin qui veut dire « livraison » : la trahison (dont Il fut l’objet de la part de Judas et des hommes pécheurs) comme la donation et la transmission.
Il se transmet pour être présent dit-Il Lui-même, « avec nous jusqu’à la fin du monde. »
« Ceci est mon corps… »
« Ceci est mon corps… » Jésus ce soir nous réaffirme dans toute Sa tendresse fraternelle que ce qui est dans le tabernacle des églises du monde entier c’est bien Son Corps, Son Sang, son Âme, Sa Divinité. Il a désiré être présent avec nous pour que nous soyons sur le même plan que les apôtres, que nous puissions comme eux Le voir, le toucher.
On se souviendra de l’épisode particulièrement frappant de la femme hémoroïsse qui cherche à pénétrer la foule pour aller toucher « ne serait-ce qu’une frange de son manteau. » Nous pensons aussi à Zachée… Nous sommes tous des Zachée, des publicains, des voleurs de Dieu, des pécheurs qui montent sur l’arbre pour voir Jésus…
Voilà donc que, depuis cette petite phrase « Ceci est mon corps », nous aussi et tous les hommes de tous les temps pouvons voir Jésus !
« Qui mange ma chair, qui boit mon sang, demeure en moi et moi en lui. »
Mais si Jésus Se donne pour que nous puissions Le voir, ne Se donne-t-Il pas aussi pour autre chose ?
Parce que, lorsque l’on regarde quelqu’un, ce n’est jamais gratuit. C’est pour entrer en lui, pour lui ‘voler ses valeurs’, pour en profiter, pour se construire avec son bien, ses vertus.
Or Paul nous précise : « Ceci est la coupe de l’Alliance dans mon sang. »
Paul sent bien que Jésus n’a pas seulement voulu rester parmi nous, avec nous, mais qu’Il a voulu être, comme Son Royaume, au milieu de nous, en nous, dans notre cœur, dans cette intimité sponsale, conjugale. Pour ne faire avec nous qu’une seule chair : « Qui mange ma chair, qui boit mon sang, demeure en moi et moi je demeure en lui. »
« Demeurez en mon amour »
Oui c’est vraiment cela que le Christ a voulu, nous faisant passer d’une proximité locale déjà fabuleuse à une communion de sentiments ! Jésus par ces paroles de l’Alliance liée au Sang versé nous assure que c’est pour être l’un dans l’autre, pour demeurer en Lui comme l’épouse dans l’époux. C’est une communion de sentiments, c’est une mystique de cœur, c’est à dire une union des volontés.
Demeurer en Lui ! « Demeurez en mon amour », pour reprendre les paroles même de Jésus, c’est demeurer dans Sa volonté, être uni à Son désir comme le chante le Cantique des Cantiques.
Que notre cœur batte au rythme de Son Cœur, c’est cela l’union, l’union des cœurs, l’union sponsale.
Quel est le rythme du Cœur de Jésus ? A quel rythme bat-Il ? Au rythme de la Volonté du Père…
Il vit pour cela, Il vit en cela, c’est Sa nourriture d’accomplir cette Volonté qu’il définira Lui-même (à Nicodème) comme étant le salut de l’humanité. Dieu a tant aimé le monde -dit-Il en parlant de Son Père et de Lui-même indissolublement lié par cet Amour commun- « Dieu a tant aimé le monde qu’il a envoyé son Fils » pour manifester Son Amour, pour rendre Son amour visible, palpable ; et pour que les hommes touchés, broyés par cet Amour, Lui répondent en entrant dans la Vie !
« Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie »
Aussi notre cœur doit-il battre à ce rythme-là de la Volonté du Père.
En fait, ce soir Jésus nous dit ce qu’Il dira un petit peu plus tard aux apôtres : « Comme le Père m’a envoyé -pour que Je sois le héraut de Son amour, l’instrument, le sacrement, l’ostensoir de Son amour pour les hommes-, moi aussi je vous envoie » pour que vous soyez les sacrements, les ostensoirs, les instruments de Mon Amour et donc de l’Amour de Mon Père qui ne fait qu’un avec le Mien !
Etre les instruments de l’Amour de Dieu, quelle gloire, quel honneur !
« Ceux que tu m’as donnés Père, je n’en ai perdu aucun. »
Le Lavement des pieds exprime de manière significative le Don infini, l’Amour infini et parfait de Jésus Fils de Dieu qui Se dévêt, Se met en serviteur et va laver les pieds de Ses apôtres, c’est-à-dire accomplir la tâche du plus bas des esclaves, au nom de Son Père.
« Ceux que tu m’as donnés Père, je n’en ai perdu aucun. » C’est au nom de l’Amour que le Père porte aux hommes que Jésus traduit en langage d’humanité et révèle cet Amour et la Sainteté de Son Père.
Et c’est pour cela qu’Il nous donne cet ordre : « Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »
Lavez-vous les pieds c’est-à-dire aimez-vous du même Amour que Celui avec lequel Je vous ai aimés, qui est l’Amour de Mon Père, Amour que j’ai reçu dans Ma consécration par l’Esprit Saint. Aimez-vous totalement, servez-vous, au nom de l’Amour de Dieu, au nom de la Vie divine, servez-vous les uns les autres !
« Pour que vous le fassiez vous-mêmes les uns aux autres… »
Voilà ce à quoi nous sommes appelés et ce que nous allons renouveler durant cette Liturgie. Les apôtres, qui sont choisis, ne sont pas choisis pour leurs mérites. Ils sont choisis, comme nous-mêmes, pour leur misère, pour leurs faiblesses. Ils sont pécheurs comme vous, comme moi, comme chacun de nous…
Et si le prêtre se met à genoux auprès d’eux pour leur laver les pieds c’est pour renouveler sa consécration sacerdotale de dévouement aux âmes et pour renouveler devant les fidèles et leur manifester la tendresse infinie du Père.
Je me souviens d’un geste qui m’a beaucoup frappé dans ma vie de prêtre. J’eus l’occasion, une fois, de me confesser à un Père chartreux, dans sa propre cellule. Et lorsque je lui ai demandé, à genoux, de m’entendre en confession, il s’est mis lui-même à genoux pour entendre mon aveu ! Il a signifié par là la proximité, non seulement d’homme à homme, de frère à frère, mais la proximité de Dieu à l’homme quand il s’agit de la miséricorde, de Sa miséricorde… Il reproduisait, en quelque sorte, le geste de Jésus s’abaissant près de la femme adultère pour Se mettre à son niveau de pécheresse…
« Aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés ! »
Voilà ce qui va se faire au cours de la Liturgie du Jeudi Saint. Et voilà surtout ce que le Christ nous demande d’accomplir dans notre vie !
Notre cœur doit battre à ce rythme là : une donation sans mesure, un service sans mesure… Notre cœur doit battre au rythme du Cœur du Christ qui S’est donné, qui commence à Se donner ce soir et qui Se donnera pleinement pour l’humanité demain dans le Sacrifice de Sa vie sur la Croix.
L’extraordinaire, c’est que ce que la Liturgie nous fait faire le Jeudi Saint ce n’est pas du théâtre ! Nous avons en nous la possibilité vraie d’aimer les autres comme Jésus les a aimés : « Aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés ! » Et ceci, depuis notre Baptême, depuis notre dernière confession, depuis surtout notre dernière Eucharistie par laquelle nous recevons l’Amour invincible de Dieu, la réalité de la Charité infinie de Jésus dans Son Corps eucharistique !
« Celui qui me mange vivra par moi ! »
Lorsqu’on pense à l’Amour qui a prévalu à l’invention du sacrement eucharistique, cet abaissement, cet effacement de Soi pour que Jésus entre en ce pain et en ce vin pour Se laisser manger, communier par les pécheurs !
Quand on pense que cette invention s’est faite même en présence de Pierre et de Judas qui allaient Le trahir, quand on voit l’Amour de Dieu présent dans l’hostie on ne peut pas imaginer d’autre fin que celle-ci : nous configurer au Cœur de Jésus pour qu’Il nous aide à battre à Son rythme c’est-à-dire au rythme du Cœur de Dieu, au rythme de la Vie de Dieu qui est Amour : « Celui qui me mange vivra par moi ! »
« Dieu est Amour » et si nous arrivons un petit peu mieux cette année avec ce Jeudi Saint, à faire entrer en nos vies cet Esprit d’amour et de service, alors nous pourrons dire : Deo Gratias !
Mgr Jean-Marie Le Gall
Communauté Saint Martin
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