Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
Sur twitter
Retrouvez la lectiodivina quotidienne (#twittomelie, #TrekCiel) sur tweeter : @mgrjmlegall
Lectio divina pour le 4ème Dimanche Ordinaire
Deut.18, 15-20 1Cor.7, 32-35 Mc.1, 21-28
Je propose, pour ce 4ème Dimanche Ordinaire de voir ce que signifie l’Evangile mis en regard de la Collecte, cette prière, souvent aussi concise qu’importante qui ouvre chaque messe, en donne le sens profond, mais peut être difficile à mettre en pratique : « Donne-nous de t’adorer sans partage et d’aimer tout homme d’une vraie charité. »
« Donne-nous de t’adorer sans partage et d’aimer tout homme d’une vraie charité. »
Voici les deux axes essentiels de l’enseignement de Jésus que l’on trouve à chaque page de l’évangile : l’axe qui nous fait nous tourner vers Dieu notre Père et l’axe qui nous fait nous tourner vers les hommes nos frères. Ces deux axes ne sont-ils pas signifiés d’ailleurs par les deux directions de la Croix ? La direction verticale qui monte vers Dieu et la dimension horizontale des bras de Jésus ouverts pour signifier que Sa Vie est offerte à toute l’humanité !
Deux axes essentiels dont, je le dis pour moi et je pense que cela doit être un peu pareil pour chacun, l’équilibre est difficile à maîtriser. Nous ajustons mal notre regard vers Dieu et notre regard vers les autres, croyant naïvement en faire profiter soit l’Un, soit les autres, sans nous rendre compte que le déséquilibre de ces deux directions entraîne finalement l’annulation de toute notre bonne volonté. On ne peut pas aimer Dieu sans aimer les frères ; Saint Jean nous dit que nous sommes des menteurs si nous le prétendons. Et finalement on ne peut pas véritablement aimer les frères si nous n’aimons pas Dieu !
« Celui qui dit aimer Dieu et n’aime pas son frère est un menteur. »
Nous sommes plongés chaque dimanche au cœur de l’Eucharistie ; nous nous recueillons, nous prions… Nous allons perdre une heure à nous mettre en face de Dieu et pendant ce temps là dans un certain nombre de parties du monde, il y a la guerre ! Nos amis militaires qui reviennent des Opex en savent quelque chose, eux qui sont troublés, bouleversés, ébranlés… Mais même sans chercher si loin, à la sortie de la messe tout à l’heure chacun pourra être sollicité par des pauvres…
Je vous rappelle ceci parce que bien souvent nous nous remettons en question dans notre prière, temps passé (perdu ?) pour Dieu en nous disant : mais que faisons-nous pour les autres ? A quoi cela sert-il de venir à la messe pendant que des dizaines, des centaines de personnes, de pauvres, d’enfants, de chrétiens se font massacrer dans tel coin du globe ? Ne serait-il pas plus utile de passer notre temps à travailler à l’ONU ou à l’UNESCO pour guérir notre monde de tous ces maux, que sont la guerre, la famine, l’esclavage ?
L’Évangile d’aujourd’hui est là pour nous réajuster dans notre raisonnement.
« Et le Verbe s’est fait chair… »
Le fait remarquable de l’épisode d’aujourd’hui n’est pas, bien entendu, que Jésus soit dans une synagogue. Jésus est en effet le prophète annoncé par Moïse dans la première lecture, Celui qui est envoyé par Dieu pour être l’intermédiaire entre Dieu et les hommes, pour rendre Dieu présent aux hommes, en particulier par Sa Parole puisque Dieu est Parole. Car le prophète n’est pas tant celui qui prédit l’avenir, que celui qui donne la Parole de Dieu.
Jésus le Verbe est le prophète par excellence. Il est venu révéler, Il est venu dire le Père. Il est venu rendre Dieu présent aux hommes par Sa Parole, (Il est lui-même le Verbe !) et permettre aux hommes d’être présents à Dieu en écoutant la Parole. La synagogue est pour les Juifs la complémentarité du Temple : ce lieu saint où Dieu se rend présent par Sa Parole, parole explicitée par le rabbin.
Nous nous plaignons quelquefois de ne pas comprendre la vie, de ne pas comprendre l’enseignement de l’Eglise, d’être hermétiques à l’Evangile, mais faisons-nous un effort pour venir dans notre église pour entendre la Parole de Dieu et son développement ? Cherchons-nous vraiment à comprendre la Parole de Dieu, à écouter le prophète Jésus et Ses prêtres ?
« Silence, sors de cet homme ! »
Donc la présence de Jésus dans la synagogue est tout à fait normale ; Il est là pour enseigner « avec autorité » puisque c’est « le grand Prophète. » Et de fait Il séduit les foules : « Qui donc est celui-là qui parle tamquam habens auctoritatem et non pas comme les scribes », non pas comme je le fais moi-même par cette Lectio ?
Le fait remarquable de l’Évangile n’est pas non plus le miracle. Jésus nous a déjà habitués à ces manifestations divines et miséricordieuses vers les hommes. Le fait remarquable de notre passage aujourd’hui c’est que Jésus accomplisse ce miracle dans la synagogue. Il le fait deux fois dans l’Évangile. Ceci en montre d’abord l’originalité par rapport aux nombreux autres miracles du Christ et surtout l’importance puisqu’Il le répète deux fois, la deuxième étant le miracle de la main desséchée.
C’est important parce que Jésus dans ce fait du miracle accompli dans la synagogue nous montre que la présence de Dieu et ma présence à Dieu, mon rapport filial à Dieu, est lié à mon rapport à l’homme, est lié à un souci d’humanité et un souci de l’humanité. Ce geste du Christ dans la synagogue nous montre que la charité vis-à-vis de cet homme qu’Il guérit, en lui enlevant son esprit mauvais, est liée au fait que Jésus est dans ce lieu réservé à l’adoration, à la présence de Dieu par Sa Parole et à la présence à Dieu par l’écoute de Sa Parole !
« Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu… »
L’Évangile est la mise en application constante et parfaite, par Jésus, de ces deux axes indissolubles : vers le Père et vers les frères. Jean dira dans son épître que si nous n’aimons pas notre frère, l’amour de Dieu n’est pas en nous. Mais alors la question se pose de savoir comment nous pouvons passer de la direction du Père -la prière immobile, silencieuse- à l’agir vis-à-vis des hommes -la charité active- et justement très souvent nous avons du mal à effectuer ce passage…
Par la Collecte nous avons demandé : « Donne-nous de t’adorer… » Celui qui adore est celui qui est en silence, immobile, et contemplant son Père. Lorsque vous aimez votre enfant, votre conjoint, vous êtes devant lui vous le regardez, vous le contemplez… Donc c’est vraiment l’immobilité.
« Et d’aimer tout homme d’une vraie charité. » Que c’est difficile de relier ceci à la précédente proposition ! Comment passe-t-on de l’immobilité contemplative à cet agir, à l’activité caritative ?
« Quand vous priez, dites Père… »
Jésus, dans la prière du Pater, nous donne la clé du passage entre la direction verticale de l’adoration de Dieu et la direction horizontale et dynamique de la charité envers l’homme. C’est une des raisons pour lesquelles le Pater est le cœur de l’Évangile, l’Évangile de l’Évangile. Jésus a résumé tout Son enseignement dans cette prière qu’Il transmet aux disciples. Les trois premières demandes du Pater, (le nom sanctifié, le règne qui vient, la volonté qui est faite) c’est l’adoration dans sa plus grande pureté. C’est la reconnaissance de la toute-puissance miséricordieuse, amoureuse de Dieu. Que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite …
Pensons-nous au don que nous fait Jésus en nous transmettant ces trois demandes ?! Il nous transmet Son adoration à Lui de Fils, d’homme parfait ! Il nous fait entrer dans le mouvement si intime et parfait de Son cœur tourné totalement, éternellement vers Son Père ! Il nous donne la clé de l’amour de Dieu, Il nous donne la clé de l’adoration ! Comment prierions-nous Dieu si nous n’avions pas le Pater ??
« Vous êtes tous frères car vous avez un même Père. »
Mais voilà que Dieu est créateur. Donc je ne peux pas, sans diminuer mon adoration, sans atteindre Sa gloire, le louer en oubliant Son œuvre et en oubliant Son chef-d’œuvre : l’homme. Ce serait mutiler mon regard vers Dieu que de laisser de côté le souci de l’humanité puisque l’humanité est le fruit de l’activité créatrice de Dieu ! Et ce sont les trois autres demandes du Pater qui suivent : la nourriture corporelle et spirituelle, le pardon des fautes (qui est le grand remède de nos relations humaines), la préservation du mal pour nous tous, pour le présent et pour le futur…
Voilà ce souci d’humanité, ce souci de l’humanité qui est le chef-d’œuvre de Dieu et qui prolongera mon adoration de Dieu par l’adoration et la demande que Son œuvre soit préservée. Puisque Dieu nous a adoptés comme fils, nous devons nous adopter comme frères ; c’est pour cela que Jésus dira dans l’Evangile : « Vous êtes tous frères car vous avez un même Père. »
Jésus dans ce miracle de la synagogue met en application le lien entre l’adoration de Son Père, la prière, et le soin, non seulement la demande, mais le soin effectif et concret donné à l’homme et à travers cet homme à l’humanité.
« Demandez et vous recevrez. »
Voyons comment s’enchaînent ces deux directions de vie que Jésus nous demande de réaliser dans nos personnes. Il y a d’abord le mouvement d’adoration qui est l’agir direct vers Dieu, la prière. Cet agir direct vers Dieu nous fait descendre dans la prière de demande pour l’homme, pour moi-même -car je dois me sanctifier-, et pour mon frère : demande spirituelle, demande corporelle, demande de soin, demande de protection… Et cette prière de demande doit se concrétiser, s’appliquer effectivement dans les actes de charité, démontrant ainsi comment notre Père à tous nous écoute et nous exauce en nous guidant pour faire le Bien à nos frères !
C’est comme cela que nous comprenons comment la charité effective vis-à-vis de nos frères trouve sa raison profonde dans notre prière de demande vis-à-vis de ces mêmes frères, prière qui elle-même trouve sa raison profonde dans ma prière d’adoration de mon Père.
« Nous sommes membres les uns des autres. »
Mais comment pourrions-nous être stimulés véritablement pour aller vers les malades, les pauvres, le monde en guerre, toutes ces famines et ces souffrances, si d’abord nous ne comprenons pas les demandes qui leur sont nécessaires ? Et comment pourrions-nous comprendre les demandes nécessaires pour nos frères les hommes, si d’abord nous ne sommes pas entrés dans l’adoration du Père commun ?
D’ailleurs, pourquoi nos pays tournent-ils en rond autour des multiples misères humaines ? Parce que justement ils se sont coupés, à un moment, de la véritable causalité, Dieu et Sa paternité universelle, qui nous révèle que nous sommes véritablement frères les uns les autres, au point d’être membres les uns des autres comme écrivait Paul aux Romains.
Nous voyons comment le mouvement vertical vers Dieu et le mouvement horizontal vers nos frères sont indissociables. La Collecte prend ainsi tout son sens : « Donne-nous de t’adorer sans partage pour pouvoir aimer chaque homme d’une vraie charité. » ; une charité qui va nous prendre non seulement notre monnaie, mais tout de nous-mêmes : temps, prière, souci, inquiétude… Il ne s’agit pas seulement de donner une pièce au pauvre ; il faut mettre dans la main du pauvre tout notre cœur et donc notre désir de sainteté !
Lever les yeux au Ciel vers le Père commun et tendre la main vers les hommes sont les deux mouvements naturels à l’enfant que nous sommes et qui est à la fois fils du Père céleste et frère des hommes.
Mgr Jean-Marie Le Gall
Communauté Saint Martin
Retrouvez la lectio divina quotidienne (#twittomelie, #TrekCiel) sur tweet : @mgrjmlegall