Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
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Lectio divina pour le 2ème Dimanche Ordinaire
1Sam.3, 3-19 1Cor.6, 13-20 Jn.1, 35-42
Nous avions vu, dimanche dernier, qu’avec le Baptême du Christ l’Eglise nous présentait Jésus -dans la ligne de l’Ancienne Alliance continuée par la Nouvelle- comme le nouveau Moïse qui guide le nouveau peuple de Dieu l’ecclesia, l’Eglise, vers un nouvel exode, exode nouveau et définitif vers la Terre promise, la Jérusalem céleste, vers laquelle chacun d’entre nous marche par et dans sa vie.
« Il passait et faisait le bien »
Jésus, nouveau Moïse il l’est, avions-nous dit, parce que, comme le patriarche, il est l’intermédiaire ; saint Paul dira « L’unique Médiateur entre Dieu et les hommes. » Il est donc là pour faire le bien, pour faire passer le bien de Dieu dans l’humanité : « Il passait et faisait le bien » disait l’évangéliste.
Ce bien de Dieu (qui est Dieu lui-même puisque Dieu est Amour) se transmet aux fils adoptifs que nous sommes :
-Dans notre vie intellectuelle au sens le plus large du mot grâce à la Parole (ce fut la Loi ancienne, ce sont les Béatitudes), Parole à laquelle nous adhérons dans la foi.
-Dans tout ce qui regarde notre humanité charnelle, notre corps (là aussi conçu au sens large : ce furent les victoires de l’Ancien Testament, ce furent les guérisons faites par Jésus) ; et à ce bien nous répondons par l’espérance qui nous fait nous détacher petit à petit de notre vie d’ici-bas pour aspirer à la demeure de Dieu.
-Enfin le bien de Dieu regarde notre vie du cœur, là aussi comprise au sens large et qui fut alimentée dans l’Ancienne Alliance par la manne et dans le Nouveau Testament par l’Eucharistie, signe et moyen de communier à l’Amour de Dieu.
Aujourd’hui nous commençons donc notre pèlerinage, notre nouvel exode 2021 avec cet évangile magnifique de l’appel des premiers disciples qui n’est pas justement d’ailleurs l’appel des premiers disciples comme on va le voir !
Je voudrais souligner trois points concernant Dieu et un point concernant l’homme.
« Maître où demeures-tu ? »
L’évangile commence par décrire Jean-Baptiste montrant l’Agneau de Dieu avec André et Jean suivant Jésus. Jésus se retourne et les deux pêcheurs lui demandent : « Maître où demeures-tu ? » ‘Maître’ c’est-à-dire celui qui enseigne, celui qui transmet, l’intermédiaire de Dieu, le Prophète.
Maître où demeures-tu, où es-tu ? Quel est le chemin pour aller à toi ?
C’est le désir de Dieu ! Et nous devons insister sur ce point pour bien nous persuader que notre pèlerinage chrétien, notre vie chrétienne, dans cet exode vers la Terre promise qu’est le Ciel, s’enracine dans un désir personnel, une attente : « Maître où demeures-tu ? »
Ce n’est qu’après que Jésus va répondre par un appel.
Réfléchissons bien à cela : Jean et André déclenchent eux-mêmes leur vie d’apôtre, de disciple, d’évangéliste, de prophète, de martyr… Et avec leur vie, la vie de l’Eglise parce qu’ils sont en attente ! Ils désirent ! C’est la raison pour laquelle d’ailleurs ils étaient disciples de Jean-Baptiste.
« Si vere Deum quærit… »
Nous sommes, nous, toujours en attente de quelque chose qui nous forcerait, nous provoquerait ! Ah si je voyais ! Ah si j’étais guéri ! Ah si j’avais la foi ! Mais Dieu nous laisse libre… Il ne nous impose rien : aucun signe (même le plus grand miracle que nous pouvons toujours d’ailleurs refuser dans notre liberté rationnelle) ne pourra jamais forcer notre volonté ou remplacer notre désir d’aller vers Dieu.
Nous devons nous poser chacun la question : quel est mon désir de Dieu ?
Un des points fondamentaux de la Règle de saint Benoît qui a régi tant et tant de sainteté dans les monastères depuis le 5ème siècle, c’est l’interrogation du Maître des novices face à son novice qui veut entrer à l’Ecole du service de Dieu : le novice recherche-t-il vraiment Dieu, « Si vere Deum quærit… »
Posons-nous chacun la question : est-ce que je recherche vraiment Dieu ? Est-ce qu’aujourd’hui en entamant ce deuxième dimanche ordinaire j’ai le désir de Dieu, suis-je en attente de Dieu ?
Il nous faut demander cette attente de Dieu, ce désir pour enclencher le mouvement, comme Marie à Cana qui a obtenu le miracle en constatant : « Ils n’ont plus de vin », comme Jean et André, absolument dépassés par la transcendance de Dieu et le plan de Dieu sur eux-mêmes c’est certain, mais qui ont enclenché l’Evangile et l’Eglise. Voilà le point de vue de l’homme.
« Venez et vous verrez. »
Maintenant, regardons les trois points particuliers du côté de Dieu.
Le premier, qui est fabuleux, est que Dieu veuille bien répondre à cette demande : « Maître où demeures-tu ? » Ces pauvres pêcheurs galiléens, face au Fils de l’homme, face à l’Agneau de Dieu, le Pur, le Pauvre, le Juste, le Pacifique, interrogent : « Maître où demeures-tu ? »… Avec tout ce qu’il peut y avoir de flou dans cette demande…
Et Dieu répond par Jésus !
Fort de cette expérience des apôtres, on peut donc vous dire que Dieu répond à nos demandes ! Et si vous ne savez pas où aller c’est parce que vous n’avez pas demandé à Dieu et Dieu n’a donc pas pu répondre : « Venez et vous verrez. »
« Venez, suivez-moi. »
Voilà le premier point : Dieu répond à notre désir. Et c’est toute la Révélation du Dieu d’Israël, le Dieu de la Parole qui répond à l’interrogation de l’homme. Il répond et Il s’investit en vérité. Il ne fait pas comme nous. Dieu s’engage : « Venez, suivez-moi. »
Comme dans l’Ancienne Alliance, c’est Dieu qui me guide.
Si mon désir a enclenché le mouvement, si mon attente est vraie, Dieu me guide : ce sera la Nuée dans le jour et la Colonne de feu dans la nuit qui précédera le peuple de Dieu durant ses 40 ans d’exode. Dieu fait la route !
Mais Dieu fait plus que la route : Dieu est la route. « Je suis la voie, je suis la vérité, je suis la vie. » Donc ce ‘suivez-moi’ n’est pas seulement à comprendre physiquement. C’est aussi : imitez-moi… « Je suis le chemin. » Voyez-vous comment Dieu s’engage !
Puisque tout le mystère de la Révélation divine dans l’Ancienne comme dans la Nouvelle Alliance est la réponse que Dieu donne au désir de l’homme, lorsque quelqu’un est dans l’ignorance, je me pose cette question : est-ce que cette personne a vraiment enclenché la relation avec Dieu ? A-t-elle vraiment demandé ? A-t-elle demandé du fond du cœur ?
Car sinon elle aurait entendu de « l’unique médiateur », de Celui qui s’est dit « la voie », de Celui par qui nous devons passer pour aller au Père : « Venez, suivez-moi… » Venez, imitez-moi et vous verrez la demeure de Dieu et vous verrez Dieu…
« Ils demeurèrent avec Lui… »
Le deuxième point que l’Evangile met en avant est ce thème très cher à Jean qui est celui de la demeure : « Ils demeurèrent avec Lui jusqu’à 4 heures de l’après-midi. »
Non seulement il faut aller, suivre, imiter, mais il nous faut demeurer. C’est la vertu de persévérance dont Jésus parle dans l’Evangile : « C’est par la persévérance que vous sauverez vos âmes. »
Demeurer auprès de Lui : c’est la vertu de fidélité. Mais demeurer, qu’est-ce que cela veut dire ?
Cela veut dire d’abord demeurer en présence de, physiquement. Et ça c’est contre nos petites prières : je fais ma petite prière ; c’est contre nos petites messes bien choisies parmi les plus brèves ! Nos petits sacrifices, nos petites offrandes… Dès que nous sommes en comptabilité divine, tout est petit chez nous !
Il faut laisser le temps à Dieu de venir jusqu’à nous : Il est loin et Il doit nous imbiber ! Comment voulez-vous être imbibés de la présence de Dieu si vous restez trois minutes à l’église ? Cela ne sert pas à grand chose ! Il faut laisser le temps à Dieu de venir, d’envahir notre âme, de S’y mettre, de S’y couler, de la parfumer…
Demeurer, cela veut dire, non seulement une présence physique, ce qui est déjà bien, mais aussi une présence intérieure à l’autre, une présence de relation.
Quelquefois nous sommes en face de Dieu, présents à Dieu devant le Saint-Sacrement comme des bûches. On est là. Le formalisme du chrétien moyen : je vais à la messe, je fais maigre, je me confesse une fois l’an, je fais mes pâques… Cela ne sert à rien du tout si nous ne sommes pas en relation de vie, d’amour, de communion avec Celui qui est en face de nous. On peut rester trois siècles sur son banc, on ne se sanctifiera pas pour un sou ! Demeurer, cela veut dire être en relation intime, spirituelle, d’amitié, d’amour avec celui qui est à côté de moi, Dieu.
Toute ma place, rien que ma place…
Troisième point. Ce pèlerinage de notre vie chrétienne personnelle se fait de manière communautaire : Israël, l’Eglise, le peuple, l’ecclesia, la communauté… Et dans cette communauté chacun a sa place.
Chacun a sa place et cette place c’est notre vocation propre, c’est l’appel que nous avons reçu : l’appel au mariage, la vocation consacrée, la vocation sacerdotale. Et dans ces appels spécifiques, il y a des appels encore plus particuliers : certains sont appelés à être vicaires, d’autres archevêques ; certains sont appelés à avoir beaucoup d’enfants, d’autres à n’en pas avoir ; certains sont appelés à œuvrer sur tel ou tel plan de la vie de la cité et d’autres sont appelés à œuvrer plus directement auprès des personnes, des pauvres… A cause même de ces qualités que Dieu nous a données dans l’existence, à cause aussi d’un ensemble d’évènements de la vie plus ou moins heureux, plus ou moins malheureux et qui ont fait que j’ai été choisi ou laissé.
« Tu es Simon, tu t’appelleras Képhas »
L’essentiel est de savoir découvrir toute ma place, et de ne vivre rien que ma place.
Cette place elle ne correspond pas forcément à mon désir ou à mon mérite. Il y en a qui auraient mérité dix fois plus que moi ou dix fois plus que vous d’être à ma place ou à votre place. Comme il y en a qui aurait désiré être à ma place ou à la vôtre…
Regardons les apôtres, c’est typique. Le premier qui rencontre le Christ et qui le suit c’est André. Le plus intelligent, le plus fin, le plus pur, le plus jeune, celui qui va saisir intérieurement la pensée du Christ c’est Jean.
Mais ce n’est ni l’un ni l’autre que Jésus se choisit comme Son vicaire, c’est ce gros balourd de Pierre, brave pêcheur galiléen : « Tu es Simon, tu t’appelleras Képhas », ce qui ne veut pas dire pierre mais roc, rocher. C’est l’attribution par Dieu de ce qualificatif qui Lui est réservé et qui veut dire effectivement l’abri, le soutien : « Yahvé est mon rocher. » Donc lorsque Jésus dit à Simon : “Tu t’appelleras Képhas”, cela veut dire : Tu vas être mon représentant, tu vas être mon vicaire. C’est Pierre qui est choisi, ce n’est pas Jean. Ce n’est pas le plus intelligent, le plus mystique, le plus spirituel. Ce n’est pas André non plus, le premier. Jésus applique à l’Eglise ce qu’il dira plus tard aux publicains et aux pharisiens : « Les prostituées entreront avant vous dans le Royaume de Dieu. »
Voilà le troisième point : dans notre pèlerinage nous avons une vocation personnelle, nous avons une place dans la communauté et cette place, elle nous est donnée par Dieu. Elle ne correspond pas forcément à ce que nous aurions voulu, mais c’est Dieu qui nous la donne et il faut l’accepter pour pouvoir demeurer avec Lui et Lui avec nous !
Forts de ces trois points, je pense que nous pouvons faire un bon voyage.
Mgr Jean-Marie Le Gall
Communauté Saint Martin
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