Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
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« SEIGNEUR, JE CROIS MAIS AUGMENTE MA FOI ! »
Lectio divina pour la Solennité pascale
Ac.10, 34-43 Col.3, 1-4 Jn.20, 1-9
Nous aurons remarqué cette introduction fabuleuse de l’évangile de la Résurrection : « Le premier jour de la semaine… » Jean, pour une fois, délaisse les références des fêtes juives qui lui servent habituellement à replacer l’histoire de Jésus dans son contexte concret, palestinien, et religieux : la fête de la Pâque, la fête des tabernacles…
« Le premier jour de la semaine… »
Si Jean délaisse cette référence proprement historique, c’est pour nous signifier deux choses.
Tout d’abord, que l’évènement de la Résurrection n’appartient pas à l’Histoire : il est au-dessus de l’Histoire, il la domine, il la préside, il lui donne son sens.
Le deuxième sens que Jean veut nous signifier par cette référence nous renvoie au récit de la Genèse, et plus précisément au premier jour de la création : la création de la lumière. Comme pour nous dire que l’acte de la Résurrection se situe dans le même mouvement créateur, géniteur, par lequel Dieu crée le monde.
Comme pour nous dire que cette Résurrection de Jésus vient achever ce monde créé par Dieu ; monde que Dieu veut illuminer, non plus seulement, comme au temps de la Genèse par le soleil et les astres, mais, comme l’annonce le Prophète Isaïe, par la Lumière divine elle-même : « Ton soleil et ta lumière ne seront plus le soleil et la lune, mais ce sera Yahvé. »
« Il vit, et il crut. »
Après cette introduction, qui nous met donc face à un moment tout à fait exceptionnel et extraordinaire pour l’Histoire de notre monde, Jean se raconte face à cet instant et il dit : « Il vit, et il crut. »
Il ne dit trop rien de Pierre. Luc dira qu’il était « tout surpris. »
En ce matin de Pâques, la foi de l’Eglise naissante n’est pas encore très ancrée. Et si l’humanité est appelée à grandir à la suite du Ressuscité, à prendre ce chemin de Lumière et de Résurrection, il faut reconnaître que ce premier matin, comme le dit l’évangile : « Il fait encore sombre » !
Et nous, où en sommes-nous ? Sommes-nous Jean avec une foi spontanée, immédiate ? Ou sommes-nous Pierre, avec une foi en recherche ? Nous sommes sûrement un peu des deux…
« Une foule le suivait parce qu’elle avait vu des signes… »
Mais qu’est-ce que croire ?
Nous tous qui ne pourrons pas nous rassembler cette année pour célébrer ensemble, physiquement, la Résurrection du Seigneur, nous sommes suffisamment attristés pour comprendre que notre foi existe bel et bien ! Mais il nous faut aller plus loin, tout en restant chez nous…
Qu’est-ce que croire à Pâques ? Est-ce que c’est vouloir adhérer intellectuellement à un ensemble de signes, (pour reprendre l’expression de Jean), que nous voulons à tout prix assimiler à des preuves rationnelles ? Cela serait si bien si nous pouvions vraiment prouver la Résurrection de Jésus ! Oh, comme nous serions tranquilles !!
Des signes, il y en a. Je vous en cite un : le signe des linges. Ils sont laissés dans la position qu’ils avaient en recouvrant le corps de Jésus, c’est-à-dire le linceul (ce drap qui entoure le dessus et le dessous du corps) à plat, et, précise Jean, « le linge qui enveloppait la tête non pas posé à plat, mais roulé à part à sa place », c’est-à-dire ayant encore la forme de la tête de Jésus qu’il entourait.
Donc, ce ne sont pas les apôtres qui seraient venus et auraient défait les bandelettes. C’est un mystère de cette Résurrection que le Christ est probablement sorti de Son linceul, sans l’abîmer, sans le toucher, en imprégnant seulement comme le montrent le Saint Suaire l’empreinte de Son corps, et le Voile de Manoppello le portrait de Son visage. Voilà un signe.
« Bienheureux êtes-vous si vous faites cela »
Mais la foi, ce n’est pas cela. La foi, c’est accepter cette intrusion de Jésus ressuscité, de ce Jésus qui traverse le linceul et le linge de la tête, de ce Jésus qui traverse le Ciel et les temps et l’Histoire pour venir dans ma vie, concrète, quotidienne, avec Sa logique qui n’est pas la mienne, qui n’est pas celle du monde, qui est la logique des Béatitudes : « le monde à l’envers » comme disait avec justesse un rabbin : « Heureux les pauvres… Heureux les affamés… »
« Bienheureux êtes-vous si vous faites cela », c’est-à-dire si vous acceptez comme moi au Jeudi Saint de prendre la dernière place… Voilà la logique de Jésus qui vient s’introduire, qui vient frapper à ma porte, pour donner une direction nouvelle à ma vie, à l’opposé de la logique et de la sagesse humaines.
Croyons-nous en cela ? Adhérons-nous à cette logique des Béatitudes ? Acceptons-nous d’être heureux en pleurant, ou en étant pauvres, affamés, assoiffés, malades ?
Allons, reconnaissons que nous sommes un petit peu comme Pierre : tout surpris de cette logique divine. Mais les voies de Dieu ne sont-elles pas impénétrables ?
« Seigneur, je crois mais augmente ma foi ! »
La foi, c’est d’abord d’accepter cette infidélité si commune et fréquente dans notre vie ! Comme cet homme de l’évangile qui vient demander un miracle à Jésus et qui dit : « Seigneur, je crois mais augmente ma foi ! »
Si nous pouvions repartir dans le Temps pascal, en reconnaissant avec joie, avec humilité, avec humour, que notre foi est un petit peu à l’image de celle de Pierre au matin de Pâques, si nous avions cette humilité, cet humour de nous reconnaître, comme les apôtres, des « esprits lents à croire et à comprendre », eux qui ne comprenaient pas que « le Christ devait souffrir avant d’entrer dans sa gloire ! »…
Les apôtres eux-mêmes « ne savaient pas encore que le Christ devait ressusciter. »
Et nous-mêmes, ne sommes-nous pas lents à croire et à comprendre les Écritures, à comprendre la Bonne Nouvelle de l’Évangile qui nous appelle à la résurrection, à une vie nouvelle, à rechercher comme dit Paul les réalités d’en-Haut, que nous sommes appelés, par vocation particulière de Dieu, à la sainteté ? Nous aussi, nous sommes lents à croire, comme Pierre, comme les apôtres, comme les disciples d’Emmaüs qui s’en vont tout tristes de Jérusalem…
Nous sommes comme Pierre, d’accord. Partons de ce constat, avouons-le-nous et demandons la grâce de devenir peu à peu comme Jean, demandons la grâce d’avoir une foi plus chevillée, une foi plus lumineuse et donc plus utile au monde. Il ne s’agit pas de croire pour moi seulement. Si j’adhère à Dieu, c’est pour le mystère de Dieu, pour ce que Dieu veut du monde !
« Rien ne peut nous séparer de la charité du Christ… »
Voyons le regard que nous portons sur le monde, un monde qui est comme le sépulcre le matin de Pâques, vide de Jésus. Nous avons sur ce monde un regard d’indifférence, voire de condamnation pour tous ceux qui, semble-t-il, sont vides du Christ. Et justement, une foi plus chevillée, plus utile, plus lumineuse consisterait à changer notre regard sur le monde, ce monde soi-disant sans Dieu.
C’est vrai que beaucoup d’hommes et de femmes ont un cœur qui est tel le sépulcre du matin de Pâques : sans Jésus. Cela ne veut pas dire pour autant que Jésus les abandonne. Jésus ne peut pas abandonner ceux pour qui Il a donné Sa vie. « Rien ne peut nous séparer de la charité du Christ, ni l’enfer, ni la mort, ni les hommes, ni les anges » écrivait Paul. Jésus n’abandonne pas le monde qui est apparemment vide de Lui. Jésus n’est pas dans le sépulcre, oui. Mais Jésus est dans le jardin, à côté, c’est-à-dire dans l’Église qui est sainte. Et Il attend, pour entrer, dans ce sépulcre vide, qu’est le cœur, qu’on Lui ouvre la porte en enlevant la pierre du tombeau…
« Je suis à la porte et je frappe. Celui qui m’ouvre, j’entrerai chez lui… »
Le travail de l’Église, c’est d’aider les hommes à enlever la pierre qui bloque l’entrée de leur cœur, qui bloque leur tombeau vide pour que Jésus y entre, et transforme leur sépulcre vide en jardin fleuri, en cet Eden qu’était le Paradis : lieu de communion parfaite avec Dieu.
Voilà ce que nous devons demander au Seigneur ressuscité en ce matin de Pâques.
Seigneur, je crois, un peu comme Pierre, d’une foi branlante, vacillante. Il ne faut pas trop me poser de questions sur la Résurrection ou sur le mystère de la Trinité ou sur la virginité de Marie, ou sur la Présence Réelle : je ne saurai pas trop quoi répondre… Je crois, d’une manière rudimentaire. Et donc Seigneur, augmente ma foi !
Non pas pour que je sois certain d’une certitude humaine.
Mais pour que ma foi, c’est-à-dire mon regard sur Toi et sur le monde, sur mes frères les hommes, soit plus lumineux, plus utile, plus serviable ; pour que je sois vraiment dans ma vocation de membre de l’Église, c’est-à-dire que j’aide les frères qui m’entourent à enlever la pierre du tombeau pour y faire entrer Jésus afin que le Maître soit présent dans leur cœur, transforme leur sépulcre en jardin de paradis, en jardin de joie, en jardin d’espérance où ils Le rencontreront comme Madeleine a rencontré Jésus.
C’est la grâce que je vous souhaite.
Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.
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