Prier devant la croix
Extrait du Sub Signo Martini N° 58
« Scandale pour les Juifs et folie pour les païens ». Le symbole de la Croix ne cesse, encore aujourd’hui, de déranger. Mais nous dérange-t-il, nous aussi ? Comment prions-nous devant la croix ? Retour sur une pratique qui n’a plus nécessairement ses lettres de noblesse.
Comment vous sentez-vous lorsque vous êtes à genoux devant un Crucifix ?
L’imaginaire collectif voit dans cette image d’Épinal, la version doloriste de notre religion : regarder la croix serait enfoncer les clous de la culpabilité dans un psychisme dévoyé ! Insurgeons-nous contre cette idée : le chrétien ne regarde pas la croix pour se faire du mal !
Pour autant il ne faut pas diminuer le caractère choquant et dérangeant du crucifix : nous prions devant un homme à l’agonie.
Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé
La croix nous heurte : laissons-nous dépouiller par elle. Le Christ en croix, bien que silencieux comme devant ses bourreaux, semble nous dire : voilà ce que j’ai souffert pour toi. Répétons ces mots de saint Paul il m’a aimé et s’est livré pour moi (Ga 2,20). La croix nous révèle notre péché à travers la violence de cette mort, à travers les douleurs du Christ. En regardant la croix, les mots devraient jaillir d’eux-mêmes : « pardon, Seigneur pour tous mes manquements, pardon de si peu croire à ton amour ». Car la croix nous révèle avant tout la grandeur de l’amour de Dieu, sans lequel nous désespérerions. La Croix nous invite à la contrition, à regarder nos péchés non à partir de nous-même mais à partir de l’amour de Dieu. Devant la Croix il faut pleurer, mais surtout, il faut nous laisser aimer et c’est souvent beaucoup plus dur que de s’accuser.
Je ne suis pas venu juger le monde, mais le sauver (Jn 12, 27)
Ce regard vers la Croix, ce regard qui nous conduit à demander pardon n’est pas une accusation : Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. (Jn 3, 17). La Croix est le lieu de notre guérison. Allons devant la croix comme des pauvres en assumant nos faiblesses, nos blessures et nos péchés, alors elle devient le lieu où Christ nous touche ; dans ses blessures il nous guérit. Par ses blessures nous sommes guéris, annonçait le prophète Isaïe (Is 53,5). La Croix est le lieu d’où jaillit la source de l’amour, où nous goûtons l’expérience du pardon. Alors le lieu de la douleur devient le lieu de la joie et de la vie.
Devant la croix, demandons la grâce de reconnaître humblement nos péchés et de goûter la manière dont le Christ nous a aimés, dont il nous aime par-dessus tout. Devant la croix vivons le paradoxe de notre condition chrétienne : celle d’être pécheur pardonné.