Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
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« L’accomplissement parfait de la Loi c’est l’amour ! »
Lectio divina pour le 6ème Dimanche Ordinaire Année A
Si.15, 15-20 1Co.2, 6-10 Mt.5, 17-37
Le mont des Béatitudes, où Jésus a prononcé le sermon sur la montagne
Cela fait trois dimanches que l’Église offre à notre méditation le Discours sur la montagne qui inaugure le ministère de Jésus, et qui est, comme Jésus le présente Lui-même, la charte du Royaume nouveau, la Loi fondamentale de ce Royaume de Dieu commencé : « Heureux les pauvres d’esprit le royaume des cieux est à eux… » Voilà la Loi nouvelle qui définit le Royaume et l’appartenance au Royaume. Mais aujourd’hui, Jésus ne se contente pas d’édicter cette Loi nouvelle. Il la compare à l’ancienne justice.
« Donne-moi un cœur qui écoute… »
La Loi ancienne, dont Jésus parle, et que le prophète nous rappelle dans la première lecture, est la Loi de la Vie. Ce sont des Paroles de Vie (comme le signifie littéralement le terme hébreu que nous décrit le psaume) que Dieu nous donne pour nous aider à entrer dans Sa Vie. Cette Loi ancienne, ces Paroles de Vie que l’on appelle aussi les commandements, terme trop souvent mal compris, c’est la Loi du Décalogue.
Jésus va préciser que ce Décalogue est immuable. Il n’est pas venu changer la Loi, et quiconque se permettra de changer un iota, le moindre petit point au texte de la Loi, celui-là sera appelé le plus petit dans ce nouveau Royaume que Jésus est venu annoncer et construire.
Le Décalogue, un mode d’emploi pour vivre divinement…
Qu’est-ce que c’est que le Décalogue ?
Les dix commandements sont l’explicitation ou le mode d’emploi de deux principes fondamentaux que Dieu donne à Son peuple. Le premier de ces deux principes est l’amour de Dieu :« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toutes les forces, de toute ton âme, de tout ton esprit. » Le second est l’amour du prochain : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Le premier est tiré du Deutéronome -le fameux shéma Israël, la prière que tout bon Juif récite le matin et le soir- ; le second appartient à un texte du Lévitique.
Les trois premiers commandements sont la manière d’aimer Dieu que Yahvé Lui-même nous révèle pour nous aider à vivre selon le premier principe. Comment aimer Dieu ? En honorant le jour du Seigneur, en ne blasphémant pas le nom de Dieu, en n’aimant que Lui seul !
Les sept autres sont la précision que Yahvé nous donne pour nous indiquer comment aimer notre prochain. En quoi cela consiste d’aimer notre prochain ? D’abord aimer ses parents, ensuite, respecter l’autre dans sa dignité de ses biens matériels ou personnels (sa femme et ses troupeaux…), respecter l’autre dans son droit à la vérité (le témoignage), etc…
Nous remarquons que lorsqu’un scribe interroge Jésus pour Lui demander quel est le plus grand des commandements, Jésus répondra par ces deux principes qui n’appartiennent pas aux commandements ! Jésus répondra : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ton âme, tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Il répond par ces deux principes, car ils sont la raison constitutive, le pourquoi des commandements.
« Je suis venu accomplir la loi. »
Alors, si le commandement, si cette Loi ancienne a pour raison d’être l’amour de Dieu et du prochain, c’est-à-dire la charité, cela devient évident que la Loi nouvelle des Béatitudes, la Loi du Royaume de Jésus qui est Loi d’amour –« Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés… »– ne peut être en contradiction avec la loi ancienne ; il est évident que ces deux lois ne peuvent être en contradiction ni en opposition, mais qu’elles se suivent, qu’elles s’achèvent l’une et l’autre. Jésus dira : « Je suis venu accomplir, achever la loi. »
Car elles sont toutes les deux des expressions pratiques de la charité, que ce soit le respect du jour du Seigneur dans l’Ancien Testament, que ce soit la pauvreté d’esprit dans le Nouveau…
Ce que le Christ oppose donc, ce n’est pas la Loi ancienne qui aurait été donnée par un Dieu barbare (nous imposant une structure de vie, une morale venue de l’extérieur, comme si nous étions de simples animaux), à une loi de laxisme donnée par ce même Dieu, (qui aurait réfléchi et se serait dit : J’ai créé l’homme libre ! Comment ai-Je pu lui donner ces dix commandements ? Vite, changeons tout et donnons une Loi d’amour…)
Non ! Il y a une homogénéité parfaite entre la Loi ancienne et la Loi nouvelle.
« Si votre justice… »
Ce que Jésus met en opposition ce ne sont pas les deux Lois : ce sont les comportements des hommes face à cette Loi, face aux deux Lois. C’est pourquoi Il répète à l’envie : « Si votre justice… » Il ne dit pas : ‘Si Ma justice’, mais bien votre justice : « Si votre justice ne dépasse pas celle des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume de Dieu. »
Autrement dit, Il met en opposition la compréhension de la Loi qu’ont eue les anciens dans l’ancienne Alliance, (les pharisiens qui en sont la meilleure présentation au temps de Jésus), et le comportement des apôtres, des disciples, de l’Église, des chrétiens, et mon propre comportement.
Ce que le Christ combat, c’est le regard que nous portons sur la Loi, comme Il a combattu le regard des pharisiens sur la Loi de leur époque.
Nous savons bien ce qu’être pharisien veut dire, nous qui nous envoyons cette injure à la figure, au moins mentalement, un certain nombre de fois par jour ! Etre formaliste, être hypocrite, être réducteur, c’est-à-dire proclamer quelque chose que nous ne vivons pas…. C’est finalement : mesurer le commandement. Or la charité, qui est la substance du commandement, qui en est la raison d’être, la charité n’est pas mesurable !
La mesure de l’amour est d’être sans mesure !
Vous imaginez-vous dire à votre époux, ou à votre femme, ou à votre enfant : je t’aime mais jusque-là, après c’est terminé ! Cela nous paraît absurde ! Allez à l’église pour vous marier, ou même passez devant Monsieur le Maire pour vous marier, en ayant dans la tête l’idée que votre amour est mesuré dans le temps comme en qualité ! Mais l’amour disparaîtrait ipso facto ! La mesure de l’amour est d’être sans mesure, justement, c’est cela sa particularité.
Lorsque deux êtres se rencontrent dans une amitié ou dans un amour sponsal, ils se jurent amour infiniment, jusqu’à la fin, même si ensuite ce n’est pas toujours tenu… Mais au départ, c’est ce mouvement spontané et premier. Or le pharisien justement, limite le commandement : il limitera l’amour du prochain, pour la moindre raison…
Alors posons-nous la question : est-ce que ma justice de prêtre, est-ce que votre justice de baptisés dépasse celle des pharisiens, ou en sommes-nous encore au même stade que les anciens ?
« L’amour supporte tout, il fait confiance en tout, il endure tout… »
C’est de manière providentielle, que nous devons nous poser cette question puisque nous allons entrer en Carême et donc prendre des résolutions de conversion, d’amélioration, de sanctification.
Est-ce que nous nous rendons compte par exemple que nous allons contre la charité du prochain dès que nous disons du mal. C’est un meurtre lorsque nous calomnions ; lorsque nous médisons, lorsque nous envions, pareillement ce sont des meurtres ! Eh oui,nous pouvons tuer notre prochain dans sa dignité spirituelle d’enfant de Dieu, lorsque nous pensons du mal de lui.
De même, soyons honnêtes, quelles sont les limites que nous mettons à la charité dans notre relation à Dieu ?
De quelle manière aimons-nous Dieu lorsque nous accomplissons le précepte dominical ? De quelle manière sanctifions-nous notre dimanche ? De quelle manière prions-nous : en rabâchant des mots creux ou en étant véritablement uni à celui que nous regardons ? De quelle manière limitons-nous ou pas, l’amour, la tendresse que nous avons pour ceux que nous prétendons aimer avec Dieu et comme Lui ?
En allant jusqu’au bout de cet amour, comme le Christ qui a donné Sa vie pour l’Église, Son épouse ou en nous disant : j’ai déjà donné ?
Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.
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