Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
« SEIGNEUR, FAIS QUE LE MYSTERE PASCAL TRANSFORME NOTRE VIE ! »
Ac. 15, 1…29 Ap. 21, 10-23 Jn. 14, 23-29
Jeudi prochain, nous célèbrerons l’Ascension qui est pour nous la promesse, le signe, le gage donné par le Christ que nous allons, nous aussi, remonter vers le Père. Souvenons-nous de ce que dit Jésus dans les discours après la Cène : « Je vais partir, mais Je reviendrai… Je reviendrai pour vous prendre et vous mettre auprès de moi ! »
« Je reviendrai pour vous prendre et vous mettre auprès de moi ! »
L’Ascension, c’est-à-dire l’entrée d’un homme, véritablement homme (de notre humanité, de notre race) comme Jésus né de la Vierge Marie, l’entrée de cet homme dans la vie et dans la gloire de Dieu, est pour nous la preuve, le gage que la race humaine est appelée à entrer elle aussi à sa suite, dans cette Vie et dans cette Gloire !
Puisque Jésus est retourné dans le sein du Père avec Son humanité, cela veut dire en effet que notre humanité (l’humanité dans son ensemble comme notre humanité personnelle à chacun et chacune d’entre nous), a elle aussi sa place dans le sein de la Trinité. C’est ce qui adviendra au moment de notre passage, de notre pâque, au moment de notre mort.
« Celui qui m’aime, mon Père et moi, nous viendrons chez lui faire notre demeure. »
Mais c’est ce qui advient déjà : « Celui qui m’aime, mon Père et moi, nous viendrons chez lui faire notre demeure. » Cette présence à Dieu, cette présence en Dieu, -parfaite dans l’éternité du Ciel- nous est proposée et nous est rendue possible, dans notre monde, dans notre vie quotidienne, et cela par le Baptême !
Cette convivialité dont parle l’Apocalypse (« Celui qui m’ouvre lorsque je frappe à la porte de son âme, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui, près de lui »), ce qu’il faut bien appeler l’état de grâce, est un état lumineux comme le précise Jean en décrivant la Jérusalem Céleste « où il n’y aura plus ni lune, ni soleil parce que Dieu sera la lumière des hommes. »
« Si quelqu’un m’aime, mon Père et moi, nous viendrons chez lui et nous ferons chez lui notre demeure » : voilà donc notre ascension, voilà notre entrée au Ciel qui s’effectue dès maintenant. En avons-nous bien conscience ? Avons-nous conscience de ce commencement d’éternité ?
Le Ciel est l’endroit où Dieu réside…
Pour nous élever à la suite de Jésus dans ce mystère final de l’Ascension, lors de notre mort, ou pour laisser Dieu descendre en notre âme et y créer le Ciel, (le Ciel est l’endroit où Dieu est), il faut faire quelque chose.
Cela exige de notre part de nous alléger pour pouvoir monter. Le Christ est en effet physiquement monté comme pour nous signifier la nécessité de nous alléger de notre homme charnel, le vieil homme dont parle Paul, cet homme charnel, naturellement attiré vers la terre.
Dit autrement, pour laisser descendre Dieu dans mon cœur, pour goûter le Ciel par Sa présence lumineuse et apaisante, je dois Lui laisser la place et donc me débarrasser de ce qui, en moi, prend la place de Dieu.
Quelles sont ces choses dont je dois me débarrasser ? Quels sont ces poids qui alourdissent mon cœur et surtout empêchent Dieu de résider en mon intériorité profonde ?
Bien entendu, c’est d’abord le péché. Ce sont mes refus d’amour. Ce sont mes égoïsmes… C’est cette prépondérance du moi que je place toujours en premier dans mes choix, dans mes paroles, dans mes passions, dans mes réactions…
Il est facile de calculer le soir, en faisant notre examen de conscience, le nombre de fois où nous avons agi, parlé, pensé en fonction de nous et non pas en fonction de quelqu’un d’autre…
« Aime et fais ce que tu veux ! »
Il y a une autre chose qui est un poids ou qui envahit mon âme et qui empêche Dieu de s’y reposer. Ce sont, comme nous le rappellent les Actes des Apôtres et le Livre de l’Apocalypse, ce que l’on pourrait définir par les obligations formelles. Qu’est-ce à dire ? Ce sont ce que nous nous imposons pour acheter notre Ciel. Ce que Paul stigmatise chez les Juifs : les œuvres.
Souvenons-nous du pharisien priant dans le Temple : « Je paye ma dîme, je fais jeûne… » Il achète sa justification. Nous avons plein d’obligations formelles relatives au culte dans nos vies : la confession pascale, par exemple, dans laquelle nous n’avons rien à dire parce que justement nous la vivons comme une obligation, une contrainte que l’on s’impose… Ou encore le précepte dominical qui nous embête et que nous ne vivons pas forcément pour ce qu’il est : un rendez-vous d’amour avec le Seigneur !
« Je n’ai pas vu de temple car son temple, c’est le Seigneur… »
Si nous regardons l’Apocalypse, que voyons-nous dans la description de la Jérusalem Céleste ? Il n’y a plus de Temple ! Cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus d’église, ou qu’il ne faut plus venir à la Messe le dimanche…
L’absence du Temple exprime, dans la conception sémitique, que le culte de la lettre des pharisiens est remplacé par le culte de l’esprit annoncé, présenté et vécu parfaitement par Jésus : « L’heure vient et elle est là où mon Père aura besoin d’adorateurs en esprit et en vérité, ce ne sera plus à Jérusalem ou au Mont Garizim qu’il faudra adorer… »
S’il n’y a donc plus de Temple fait de main d’homme, c’est l’Agneau qui est le Temple : « Je n’ai pas vu de temple car son temple, c’est le Seigneur… » La réalité centrale, le foyer du Ciel, son cœur énergétique, c’est l’Agneau, autrement dit Jésus, Fils de Dieu et vrai Homme, offert et immolé par amour.
« Nous serons jugés sur l’amour… »
Donc, la définition du ciel, sa réalité profonde, ce n’est pas un lieu, quelque part derrière les nuages, c’est un état. C’est d’être cette réalité de l’Agneau, c’est d’être en similitude car en union avec ce qui le définit : l’Amour !
Au final, le Ciel c’est l’Amour infini, c’est la présence de Dieu qui diffuse la charité, la gratuité, le don de soi…
Donc, comme dit Saint Jean de la Croix, pour entrer au Ciel, ce qui compte, c’est l’amour : « Nous serons jugés sur l’amour », sur l’amour plus ou moins profond, plus ou moins habituel, plus ou moins vrai que nous aurons porté dans notre vie envers notre prochain, quel qu’il soit !
Le Ciel, la présence à Dieu est donc une question de cœur. Ce qui importe dans notre vie, c’est le cœur. La seule obligation que nous ayons, comme enfants de Dieu voulant partager Sa Vie pour l’éternité, c’est d’avoir un cœur empli de Son Amour pour vivre dès maintenant chaque jour en union avec Lui, en Sa Présence.
C’est simple, mais ce n’est pas facile ! C’est même, nous le savons pour l’expérimenter à chaque minute, difficile. Nous aurons un cœur relativement vibrant pour les gens qui nous font du bien, que nous aimons, qui sont de notre famille ou milieu social… Mais pour les gens qui ne sont pas de notre milieu, qui nous ont fait du mal, qui nous ont refusé quelque chose, alors là, garder son cœur vibrant pour eux, cela devient très difficile. Et pourtant, c’est cela la vie chrétienne. Et rien que cela !
« Le Père vous aime car vous m’avez aimé… »
C’est le cœur qui va me faire monter, qui va me faire vivre cette Ascension de Jésus. Comme ce fut Son Cœur (l’amour dans Son sacrifice sur la Croix) qui fit monter le Fils vers le Père : « C’est pourquoi Dieu l’a exalté… »
Car c’est le cœur qui fait d’abord venir Dieu en moi dans cette réelle anticipation du Ciel : « Le Père vous aime car vous m’avez aimé… » Celui qui m’aime… Voilà le commandement nouveau que Jésus nous laisse en testament comme Vérité et Voie vers la Vie : L’aimer pour aimanter en nous la Vie divine et pour vivre déjà notre montée vers le Ciel, pour préparer notre ascension finale…
« Seigneur, fais que le mystère pascal que nous avons célébré, transforme notre vie… »
Il nous faut donc avoir un cœur plein d’oubli de soi ! Comme Jésus sur la Croix. Nous l’avons vu, il y a six semaines : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Il en faut de l’abnégation, il en faut de la gratuité pour pouvoir prononcer cette parole d’une bouche humaine (c’est Jésus-homme en train de mourir).
Il nous faut donc avoir un cœur empli, et tout autant, du même Amour. Il nous faut avoir un cœur plein d’oubli de soi et rempli du mystère pascal du Christ ! D’où la prière de la collecte que nous avons récitée au début de la Messe : « Seigneur, fais en sorte que le mystère pascal que nous avons célébré, transforme notre vie… »
Sommes-nous depuis six semaines, un petit peu transformés par le mystère pascal, par ce mystère d’oubli de soi, d’abnégation, d’amour, que Jésus a vécu dans Son Église et pour Se la fidéliser encore un peu plus ?
Et ne pourrions-nous pas demander la grâce en ce sixième dimanche de Pâques, de pénétrer plus avant dans ce mystère d’Amour, d’avoir un cœur comme celui de Jésus pour attirer Dieu en notre âme et commencer ainsi notre cheminement vers le Ciel ?
Saint temps pascal à vous tous !
Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.
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