Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« COMME LE PERE M’A ENVOYE, MOI AUSSI JE VOUS ENVOIE ! »

Lectio divina pour le Deuxième Dimanche de Pâques
Ac,5, 12-16 Ap,1, 9-19 Jn,20, 19-31

 

Il nous faut traiter ce temps pascal avec beaucoup de délicatesse, parce que, comme les textes nous le suggèrent tout au long de ce deuxième dimanche, nous avons affaire à des visites d’intimité de Jésus à Son Église, des temps particulièrement intimes, refermés, clos durant lesquels le Christ va conforter les Douze dans l’amour qu’Il leur porte. Ce sont donc des textes à lire avec beaucoup d’intériorité et à méditer à la lumière des expériences d’intimité humaine que nos personnes peuvent avoir dans le mariage ou l’amitié.

« La paix soit avec vous. »

Dans ces manifestations post-pascales, Jésus arrive toujours devant Ses disciples en donnant la paix : « La paix soit avec vous. »

Et nous pourrions profiter de ces évangiles pour régénérer ces dialogues si fréquents le long de la messe lorsque le prêtre nous donne la paix du Christ : « La paix du Seigneur soit toujours avec vous. »

Ce ne sont pas là de simples formules de salutation sémitique : « Shalom ! »

« La paix soit avec vous » signifie l’irruption du monde de Dieu dans le monde de l’homme. Et nous savons, par la description qu’en fait l’Apocalypse que le monde de Dieu est un monde sans pleurs, sans grincement de dents, sans tristesse, un monde de paix, un monde de pacification, un monde pacifié.

« Je ne suis pas venu pour juger, mais pour sauver. »

Lorsque Jésus vient et dit : « La paix soit avec vous », Il exprime aux Apôtres que se réalise maintenant la Parole de Son Evangile : « Je ne suis pas venu pour juger, mais pour sauver. » c’est-à-dire pour amener l’homme dans le monde de Dieu en amenant Dieu dans le monde de l’homme.

D’où cette faculté (qui est significative) que Jésus a de traverser les murs pour montrer au regard des siens qu’Il n’appartient plus au monde de l’Histoire : Il appartient au monde de Dieu qui est illimité, qui est délocalisé, qui est éternel.

Il traverse les murs, Il entre, Il se trouve au milieu d’eux, au sens fort du mot, au milieu physique, mais au milieu du cœur, au milieu de cette réunion au Cénacle de la première Eglise : « La paix soit avec vous. »

« Mon Seigneur et mon Dieu ! »

Et à la fin de l’évangile, la réponse de l’homme est donnée à travers Thomas : acceptation par l’homme (représenté ici par l’apôtre Thomas) de ce monde de Dieu que Jésus a voulu présenter : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »

Voilà que Thomas -et avec lui chacun d’entre nous- se colle au Fils, touche Dieu, adhère !

De même que le Christ n’a aucune difficulté à traverser les murs pour venir toucher l’homme, (le monde de Dieu qui atteint le monde de l’homme), de même depuis Pâques, l’homme, n’a plus de difficulté, dans la foi, à toucher Dieu, à se coller à Dieu « Mon Seigneur et mon Dieu… »

Jésus, accompagne ce don proposé à l’Église (aux Apôtres et à travers eux, à tous les hommes de bonne volonté), de deux exigences.

« De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »

La première vient de Lui.

Après avoir donné la paix, après avoir signifié ce Salut du monde par la présence du monde divin, Jésus donne un ordre : « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Première exigence.

Et la deuxième exigence vient de l’homme, en réponse à cet envoi du Christ : c’est la foi. Comme le rappellent les Actes des Apôtres :

« Ils étaient de plus en plus nombreux à adhérer au Christ par la foi. » Non pas par des preuves, non pas par des signes sensibles, non pas par des raisonnements, non pas par des miracles ! Même si tout cela a sa place dans la conduite humaine de notre intelligence et de notre adhésion volontaire, les Actes des Apôtres ne retiennent que l’acte final, le résultat : « Ils adhéraient au Christ par la foi. »

« Ils adhéraient au Christ par la foi. »

Posons-nous la question, si aujourd’hui, huit jours après Pâques, nous adhérons au Christ par la foi.

Peut-être n’adhérons-nous plus beaucoup à Jésus… Peut-être avons-nous été subjugués par tel ou tel aspect de la liturgie pascale… Peut-être notre retour à Dieu vient du fait que nous sommes au repos, en vacances, que c’est le printemps… Des éléments qui ont leur place, qui sont légitimes, mais qui ne sont que des jalons vers l’acte final de mon intelligence posée sous l’égide de la volonté et qui me fait adhérer au Christ, comme Thomas, par la foi, me faisant ainsi entrer dans le monde invisible de Dieu, qui me fait recevoir l’invisible de Dieu.

Ainsi, pour entrer dans cette intimité du Christ et de Son Eglise au Cénacle, pour pouvoir répondre « Mon Seigneur et mon Dieu », en touchant le Christ, il nous faut répondre à l’exigence de Jésus : « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » et adhérer à cet envoi par la foi !

Elles sont nombreuses, les fois où nous envions Saint Thomas, où nous aimerions être à la place de Thomas ! Mais il ne tient qu’à nous d’être Thomas ! Il ne tient qu’à nous de pouvoir dire : « Mon Seigneur et mon Dieu », en adhérant et en recevant dans la foi cet ordre de mission du Christ.

« Allez baptiser… »

Nous remarquons que dans l’Evangile, Marc, après avoir souligné les doutes des apôtres, décrit Jésus les envoyant baptiser et annoncer la Bonne Nouvelle.

La mission précède, pour Jésus, l’adhésion. Il nous envoie, mais Il ne demande pas une preuve, une garantie de notre intelligence, de notre christianisme.

Nous ne nous serions jamais prêtres s’il fallait être saints d’abord !

Jésus nous envoie d’abord : « Allez… » Et je dois accepter cette mission en toute humilité dans la foi.

Mais alors, si je suis l’apôtre de Jésus, si je suis Son messager, je deviens Son ami, je deviens Son intime, je peux le toucher : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »

Il nous faut être heureux de cette mission que le Christ nous confie et qui est la continuité parfaite de Sa propre mission :  « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » Il y a une continuité parfaite entre Dieu le Père, le Fils et l’Eglise, l’apôtre, le baptisé…

Quelle confiance ! Quel amour de la part du Seigneur ! Rendons-nous compte ! Face à nos vies quelque peu médiocres, face à nos trahisons, face à nos lâchetés, face à nos peurs, à nos craintes, à nos doutes : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » !

« Recevez l’Esprit Saint… »

Réjouissons-nous de cette mission d’autant plus que l’identité de la mission suggère et suppose une identité de l’être, de la personne. Si je suis envoyé au monde comme le Fils de Dieu est envoyé par Son Père au monde, il doit y avoir une certaine identité entre le Fils de Dieu et moi-même, identité de la personne qui précède l’identité de l’action.

« Recevez l’Esprit Saint. » Voilà que Jésus dans ce dialogue intime et amoureux, forme Son Église, par l’Esprit, par Son Esprit qui est, comme le dit la collecte, un Esprit d’offrande, d’offrande de la vie. Pas forcément sur la croix, pas forcément de manière sanglante comme Jésus, il s’agit du sacrifice spirituel dont parle Saint Paul dans l’épître aux Romains : « Offrez-vous en hostie agréable à Dieu. » Ayons dans le cœur cette manière de concevoir notre vie : ma vie ne m’appartient pas, ma vie est un don de Dieu et je dois l’offrir à Dieu en retour. En action de grâce ! Voilà ce que me pousse à vivre l’Esprit de Jésus.

« Qu’ils soient un comme nous sommes un… »

En recevant l’Esprit de Jésus, je suis formé, pétri, uni au Christ, et je peux donc prolonger de manière homogène Sa mission. Ce n’est pas moi, pauvre bonhomme, mais l’Esprit qui est en moi, qui me donne force, conseil, prudence, sagesse, crainte, religion…

« Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. » Réfléchissons aussi que c’est cette unité dans le Christ, cette unité en Jésus par l’Esprit Saint, (et donc cette unité entre chaque chrétien) qui fait l’unité de l’Église.

Comme le soulignent les Actes des Apôtres : « Ils étaient un seul cœur. » Il ne s’agit pas d’être un parce que nous pensons la même chose ; il ne s’agit pas d’être un parce que nous sommes bien ensemble. Nous sommes un, ontologiquement par notre être de baptisés, parce que nous sommes tous réunis et conformés à Jésus dans Son Esprit.

Ils ne formaient qu’un seul cœur ; qu’un seul amour, car il n’y a qu’un seul Esprit qui désaltère écrira encore Paul. C’est cela qui fait le lien, dira-t-il, entre les différents membres du corps de l’Église, ce lien de l’unité qu’est la paix et qui vient de la charité qui est l’Esprit de Dieu.

Tout en tous, au-dessus de tous et par tous…

De plus, ce n’est pas seulement à un temps ‘t’ donné, ou à un lieu bien circonscrit, (nous sommes bien ensemble, dans notre paroisse… ) Non ! Je suis un avec Saint Paul, vous êtes un avec Thomas, vous êtes du même Esprit, nous sommes unis au même Seigneur, le Vivant qui est tout en tous, et au-dessus de tous, et par tous

Faisons éclater le particularisme un peu ridicule, et surtout antiévangélique ! Cette unité de cœur de l’Église est une unité profonde, dynamique, motrice, divine, et qui s’étend à tous les lieux, sous tous les cieux. C’est pour cela que dans l’Apocalypse, Jésus fera dire à Jean qu’Il est le Premier et le Dernier.

Depuis la nuit de Pâques jusqu’à la fin des temps, le Christ est effectivement présent dans le monde. L’ouverture immense, infinie de Ses bras, l’éternité du salut provient de cette unité ecclésiale qui commence au Cénacle aujourd’hui (« La paix soit avec vous… Recevez l’Esprit-Saint… ») et qui se terminera à la fin du monde, englobant à chaque génération de chrétiens, chaque croyant, chaque baptisé, chaque apôtre, chaque témoin, les Pierre, les Paul, les Thomas, les Barthélemy, et nous tous…

« Je suis le Premier et le Dernier, Je suis le Vivant. »

« Je suis le Premier et le Dernier, Je suis le Vivant. » Bien entendu, le Christ est vivant en Lui-même, au Ciel, intercédant pour nous dira l’épître aux Hébreux, mais Il est d’abord vivant visiblement sur la terre par Son Corps qu’est l’Eglise et qui vit du même Esprit.

Jésus est présent dans Son Eglise, réellement. Il n’est pas seulement présent dans le tabernacle, Il est présent réellement par les chrétiens, par ceux qui sont formés par Lui dans Son Esprit. Il est présent non pas historiquement, mais mystiquement : on ne Le voit qu’avec l’œil de la foi.

C’est pour cela que Jésus dit à Thomas : « Tu as cru parce que tu as vu, heureux, bienheureux ceux qui croiront sans avoir vu ! », c’est-à-dire ceux qui croiront sans L’avoir vu, dans Son corps historique ou de ressuscité, mais qui L’auront vu à travers l’Eglise ! Bienheureux ceux qui croiront en Le voyant à travers les baptisés qui L’annoncent, par leur témoignage de vie autant que par leurs paroles.

« Bienheureux ceux qui croiront sans avoir vu ! »

C’est une grâce pour nous de savoir que nous pouvons adhérer à Jésus présent dans Son Église. Mais c’est aussi un appel à une responsabilité extraordinaire, de savoir que tous les croyants sont, pour tous les autres, d’autres Christ ! Nous sommes donc tous appelés, nous les baptisés, à être tels qu’en nous voyant les autres puissent dire : « Mon Seigneur et mon Dieu » !

Rendons-nous compte du travail qu’il nous reste à faire, et demandons la grâce d’abord d’être conscients de cet appel, puis la grâce de vivre cet appel, chacun à sa place, en toute simplicité, dans son milieu familial, social, civique…

Prions pour recevoir la grâce de pouvoir nous présenter aux autres, comme les sacrements du Sauveur afin que tous les hommes puissent adhérer par la foi au Christ vivant, vivant vraiment dans Son Église en chaque chrétien.

Le Christ est ressuscité, oui Il est vraiment ressuscité ! Alléluia !

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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