La Chasuble
Histoire
À l’origine, la chasuble procède de la paenula, manteau de voyage imperméable couvrant et protégeant tout le corps, de la tête aux pieds, généralement en laine. Cet ample vêtement antique porté par les citadins romains sur leur tunique, devint celui des clercs puis des seuls prêtres lorsque la mode civile l’abandonna. L’usage de ce vêtement s’avère donc très répandu en Occident à la fin du IVème s. : tous les clercs, depuis le pape jusqu’aux acolytes, le portent pour recouvrir leur tunique lorsqu’ils participent aux cérémonies religieuses. Ce vêtement liturgique des plus originels, descendant jusqu’au-dessous du genou et muni d’une seule ouverture pour passer la tête, a porté divers noms suivant les temps et les lieux : amphibalus, paenula, casula, infula, planeta ; chacun en lien avec la signification de la chasuble. Le mot planeta par exemple, aujourd’hui seul employé dans nos livres liturgiques, exprime l’aspect circulaire de la chasuble enveloppant tout le corps du célébrant.
Le porteur de cette planeta devait relever ses deux pans au-dessus du poignet lors des célébrations (cf. l’antique mosaïque de saint Ambroise, ci-contre), mais ces plis latéraux causaient une gêne à laquelle on remédia par la suite en les raccourcissant. Les diacres, eux, avaient pris l’habitude de la remonter sur l’épaule et c’est de cette manière qu’ils portent aujourd’hui encore leur étole en
travers. Au Xème s., la chasuble devint ainsi ovale, de ronde qu’elle était auparavant. Au XIIIème s., elle est coupée soit en forme d’entonnoir et ses extrémités sont taillées en pointe. Au XVème s., elle s’arrondit et devient moins ample sur les bras en raison de riches et lourds orfrois ornementaux (bandes de broderies d’or ou d’argent). À la fin du XVIIème s., la chasuble devient « moderne », ne recouvrant plus les bras mais se réduisant à deux pans d’étoffe raide tombant devant et derrière : c’est ce que l’on va appeler la chasuble « romaine », ou, avec humour, « en boîte à violon » ! Dans la première moitié du XIXème s., elle garde la forme étriquée qu’elle a acquise au XVIIIème, avec quelques variantes locales. Le mouvement liturgique par Dom Guéranger à l’abbaye de Solesmes, entraînera un retour aux formes amples – dites « gothiques » –, qui étaient en usage avant le XVème s. et qui gardent la faveur du clergé monastique (cf. cicontre).
Description
L’usage de la chasuble est aujourd’hui réservé aux évêques et aux prêtres. Cependant, elle n’a pas toujours été exclusivement attachée à ces derniers. Ainsi, le concile de Mayence de 742, héritier de l’usage romain ancien, l’assigne aux prêtres mais aussi aux diacres, leur interdisant surtout, par cette prescription, de porter une tenue laïque. Dans certaines églises de France, bien après la Révolution, les diacres, sousdiacres et même les acolytes porteront encore la chasuble, mais pliée ou roulée en une large étole, aux Messes des jours de pénitence (jours de jeûne et pen-dant l’Avent). Celle-ci sera alors repliée pour faciliter le service de l’autel et pour manifester leur degré moindre dans le sacrement de l’Ordre. Aujourd’hui La chasuble est le vêtement sacré affecté exclusivement à l’évêque et au prêtre. Il convient qu’elle soit bénie avant d’être portée. Son usage est prescrit pour la célébration de toute Messe, tant pour l’officiant principal que pour les concélébrants qui l’entoureraient. Ainsi se manifeste visiblement, par une tenue identique, l’unicité du sacerdoce du Christ, rendu présent par chacun des officiants.
Signification
Cet habit sacerdotal ample est le symbole de la charité infinie de Jésus-Christ. La chasuble manifeste par son ampleur, la perfection de la charité sacerdotale du Seigneur. La chasuble représente aussi le joug du Christ que le prêtre, plus encore que le simple fidèle, doit trouver doux à porter en raison de sa consécration toute spéciale à Dieu. Tel est d’ailleurs le sens de la prière que l’Église
propose au ministre qui s’en revêt : « Seigneur, vous avez dit : “Mon joug est doux et mon fardeau léger“. Faites-moi porter ce vêtement de telle manière que j’obtienne votre grâce ». Le livre de l’Imitation de J.-C. a commenté les deux croix brodées sur le devant et le dos de la chasuble : « Le prêtre porte devant et derrière lui le signe de la croix du Sauveur afin que le souvenir de sa passion lui soit toujours présent. Il porte devant lui la croix sur la chasuble afin de considérer attentivement les traces de Jésus-Christ et de s’animer à les suivre. Il porte la croix derrière lui afin d’apprendre à souffrir avec douceur pour Dieu tout ce que les hommes peuvent lui faire de mal » (IV, 5). Dans la tradition arménienne, le prêtre chante, en passant le chourchar, une longue chasuble ouverte sur le devant (ci-dessus) : « Seigneur, par votre miséricorde, revêtez-moi d’une robe éclatante, afin que je sois digne de glorifier votre Nom, par la grâce et l’amour de Jésus-Christ. ».
Pour les curieux…
Dans le passé, la confection de la chasuble était très codifiée. Elle devait être de soie naturelle et il était illicite de se servir de chasubles de fil, de coton ou de laine, sauf quelques dérogations accordées aux missionnaires ou aux ordres mendiants. La matière des décors précieux était, elle aussi, réglementée. Aujourd’hui, plus sobrement, le Missel Romain demande que soient utilisés des tissus naturels et jamais synthétiques, et que la noblesse et la beauté du vêtement ne viennent pas tant de la surcharge des décors que de la qualité de la matière et de la coupe. Les décors qui ornent la chasuble devront aussi représenter des symboles ou des images convenant à son usage sacré.