Les Cloches annonciatrices de la venue & de la présence de Dieu
Histoire
Les cloches ne sont pas nées géantes et merveilleuses comme celles qui résonnent du haut de nos clochers. Avant de devenir d’imposantes masses d’airain de plusieurs tonnes, les cloches ont d’abord été petites : l’histoire des cloches commence avec l’apparition des clochettes (cf. l’article « carillon »). On essaierait en vain de rechercher à quelle époque celles-ci remontent. Une chose est certaine, c’est qu’il en existait dès le temps de Moïse et que presque tous les peuples de l’antiquité se sont servis de clochettes. Elles sont déjà présentes en Asie au XIIème s. avant Jésus-Christ, mais également en Phénicie, en Égypte, en Macédoine, en Grèce, en Italie… Et même chez les indigènes du nouveau monde, elles n’étaient pas inconnues. Ainsi, la cloche, ou plutôt son ancêtre la clochette, résonna partout et toujours, jusque dans des contrées et des époques très lointaines. Mais à quoi servait-elle ? Si la clochette pouvait avoir un usage profane (comme annoncer l’ouverture du marché ou réveiller les esclaves), elle a très souvent reçu une destination sacrée et fut utilisée par les prêtres au cours de sacrifices païens « afin d’éloigner les spectres malfaisants que ce bruit mettait en fuite ». Elle avait aussi pour fonction d’annoncer un événement religieux à la population (cortège funèbre, sacrifices…), mais également de signifier la présence du divin. On peut donc résumer ainsi les trois fonctions antiques des clochettes : convoquer la population, éloigner le mal, signifier la présence divine. On retrouvera ces trois dimensions dans l’usage chrétien des cloches, comme en témoignent les oraisons du rituel de bénédiction des cloches de 1962 : « Ô Dieu,qui avez ordonné au bienheureux Moïse de faire des trompettes d’argent que les prêtres feraient retentir au temps du sacrifice, pour que le peuple, prévenu par ce son harmonieux, se préparât à vous adorer et se réunît pour célébrer les sacrifices, faites, nous vous en supplions, que cette cloche destinée à votre sainte Église, soit sanctifiée par le Saint-Esprit, afin que, par sa vibration, les fidèles soient invités à la récompense. Et lorsque sa mélodie frappera les oreilles des populations, que la dévotion et la foi s’accroissent en eux ; que soient éloignées toutes les embûches de l’ennemi… »
Ce saut de quelques millénaires entre les usages campanaires de la haute antiquité et ce rituel du XXème s. de l’Église catholique nous montre la continuité et la rupture : alors que les cloches païennes annonçaient le culte d’un faux dieu, la déroute de fantômes imaginés, et la « présence » d’un dieu qui n’existe pas, les cloches de nos églises annoncent le culte institué par Dieu Lui-même, le culte rendu au Dieu unique, vivant et vrai. Cette christianisation d’un son et d’un instrument profondément inscrit dans la conscience religieuse de l’humanité, s’est faite naturellement. Lorsque les abbés, les évêques et les prêtres éprouvèrent la nécessité de rassembler religieux et fidèles, ils ne s’encombrèrent pas d’inventer quelque nouveau moyen, ils employèrent la cloche (si parfois d’autres instruments remplissant les mêmes fonctions ont pu être utilisés comme le claquoir de bois, le gong ou le bassin d’airain, la cloche s’est très vite imposée). Elle est d’abord utilisée dans les monastères, et son succès lui vaut rapidement de trouver le même usage dans les paroisses qui, du fait de leur extension géographique et démographique, ne peuvent plus annoncer les Messes et les offices par la bouche et la course effrénée d’un diacre ou d’un autre fidèle. Pour répondre à ce nouveau besoin des paroisses grandissantes, il faudra aussi que le son de la cloche s’intensifie grâce augénie des fondeurs. Ce n’est cependant qu’au IXème s., sous Charlemagne, que l’usage des cloches s’impose dans toute l’Europe, au XIIIème s. qu’elles acquièrent leur forme définitive, et au XVIème leurs dimensions
Signification
Dans l’Ancien Testament, les manifestations de Dieu sont fréquemment précédées et annoncées par l’ébranlement de la création (vent, éclairs, tonnerre). Nos volées dominicales en sont comme le signe et le prolongement. Mais on peut aussi les entendre avec une émotion eschatologique, car elles sont également l’écho anticipé des trompettes de l’Apocalypse, du retour du Christ en gloire. Les cloches, en outre, n’expriment pas moins l’union des sentiments des fidèles : « Ainsi la voix des cloches exprime-t-elle, en quelque sorte, les sentiments du peuple de Dieu, quand il exulte et qu’il pleure, quand il rend grâce ou qu’il supplie, quand il se rassemble et manifeste le mystère de son unité dans le Christ » (Rituel des Bénédictions). Plus loin, le même rituel précise qu’à l’appel de cette cloche les fidèles « accourent avec joie vers l’église ». Elles sont enfin l’allégorie de la mission qui nous incombe, comme l’affirmait le cardinal Poupard : « Notre belle vocation chrétienne de propager au monde la bonne nouvelle de l’Évangile, les cloches nous la rappellent. Leurs ondes qui se propagent en tout l’air environnant nous appellent aussi à vibrer de l’amour du Sauveur, à le diffuser en tous les milieux de nos vies, à annoncer que ”les temps sont accomplis”, et à chanter à toute volée notre joie et notre action de grâce pour le mystère de l’Alliance réalisé dans le Christ… »
Utilisation
S’agissant de leur utilisation concrète, il y a trois manières de faire sonner une cloche : par le marteau (le mode le plus simple et qui donne un son unique), par tintement (en ne frappant avec le battant qu’un seul côté de la cloche), à la volée (c’est-à-dire en mettant la cloche en branle, de telle sorte que le battant la frappe dans les deux sens). La liturgie ne précise pas la manière de sonner les cloches mais distingue les sonneries festives et les sonneries funèbres, ou glas. Il faut donc suivre la coutume des lieux et distinguer par le mode de sonnerie les différents degrés des fêtes et les différentes occasions. La sonnerie festivale consiste ainsi à mettre en branle plusieurs cloches à la fois, tandis que le glas funèbre se fait par une seule cloche mise en branle et d’autres cloches tintées d’une manière irrégulière. La réglementation des sonneries de cloches démarre au XIIème s. et concerne principalement l’élévation pendant la Messe. Le Cérémonial des Évêques donne aujourd’hui encore quelques indications précieuses. L’« ordre de sonnerie » de Notre-Dame de Paris nomme pas moins de vingt-huit combinaisons de cloches différentes : on sonne ainsi le bourdon lors des ordinations ou pour les événements nationaux, le « grand solennel » ou le « petit » aux solennités, les « Quatre-Moyneaux » pour les mariages ! Sans omettre les heures civiles.
Aujourd’hui
Rappelons quelques règles traditionnelles :
1. On sonne l’Angélus trois fois par jour : le matin, à midi et le soir.
2. La Messe et les Offices doivent être annoncés par le son des cloches. Cette annonce doit se faire quelque temps avant l’Office ; et le temps qui s’écoule entre le son des cloches et le commencement de la cérémonie doit toujours être le même, autant que possible. Les jours de fête, on annonce les Offices par un son plus solennel et avec un plus grand nombre de cloches.
3. On peut aussi sonner les cloches au commencement de l’Avent, du Carême, de tout autre temps solennel, comme celui d’un jubilé, d’une retraite ou d’une mission ; de même, en cas de calamités publiques (tocsin).
4. On sonne les cloches pendant certaines parties des Offices, comme pendant le Gloria le Jeudi Saint et le Samedi Saint, à l’élévation de la Messe chantée, et pendant la bénédiction du Saint-Sacrement. On le fait aussi, en certaines églises, au Gloria de la Messe de la nuit de Noël.
5. Il n’est pas d’usage de sonner pour les enfants morts avant l’âge de raison ; si on le fait, ce doit être par un son festival, et non par un glas funèbre.
6. En règle générale, les cloches bénites ne doivent point être employées à des usages profanes.
7. le nouveau curé fait tinter la cloche lors de la cérémonie de son installation à la paroisse.
Pour les curieux…
La plus grosse cloche de France résonne aujourd’hui du haut de la basilique du Sacré- Coeur de Montmartre, à Paris. Son nom de baptême (terme jadis employé pour désigner la bénédiction des cloches) est La Savoyarde. Haute de trois mètres, elle pèse plus de vingt six tonnes. La Savoyarde est suivie de loin par Emmanuel, le bourdon de Notre-Dame de Paris. Offert par Louis XIV et son épouse Marie-Thérèse, il pèse plus de treize tonnes. La cloche Tsar Kolokol du Kremlin de Moscou pèse, quant à elle, près de deux cents tonnes !