Les Burettes et l’Aiguière
Histoire
L’eau et le vin comptent parmi les principaux symboles du christianisme. Leur usage rituel dans le culte réclama dès l’origine l’emploi de récipients adaptés. Ce furent à l’origine les amae : récipients à la panse arrondie ayant surtout pour but de contenir le vin. Puis vinrent les aquamaniles, équivalents pour l’eau, que l’on nomme aujourd’hui « aiguière » (du vieux français « aigue » qui signifie « eau »). Ils servaient principalement aux ablutions des mains de l’évêque ou des dignitaires. Ces ustensiles étaient alors assez grands puisque les fidèles apportaient les offrandes en quantité et que, d’autre part, jusque tard dans le moyen-âge, la communion sous les espèces du vin était d’un usage courant. Dès le IVème s., sous le pape Sylvestre (314- 335), il est fait mention des amae d’or ou d’argent que l’empereur Constantin donna aux basiliques romaines. Au VIIIème s., l’Ordo Romanus n° I parle de ces vases que l’on devait tenir prêts pour la Messe du pape. À la fin du moyen-âge, ces récipients sont le plus souvent en étain ou en métal précieux. Pour distinguer l’eau du vin, ils sont souvent marqués des initiales A (aqua) et V (vinum). Au XVIème s., legoulot des « burettes », qui désignent désormais les deux petits flacons contenant le vin et l’eau pour le calice, s’élargit et s’ouvre. Un couvercle le ferme, muni d’un bouton et d’un petit levier près de l’anse. Le plus souvent, aucun signe extérieur n’indique un usage sacré. De son côté, la cuiller ou la louchette, d’usage ancien dans la liturgie orientale (cf. ci-dessous, cuiller byzantine, XVIIIème s.), apparaît justement en Occident à l’époque des Croisades. Peut-être servait-elle aussi à transvaser le Précieux Sang dans les calices destinés à la communion occasionnelle des fidèles. En France, elle est signalée dans les inventaires à la fin du XIIIème s. Dans les pays germaniques, où elle reste aujourd’hui d’usage courant, elle fut adoptée au XVIème s. Elle est encore en usage dans certains diocèses de France et en Belgique. En Italie, où la burette avait généralement un goulot étroit, l’usage de la cuiller est inconnu.
Description
Dans les grandes églises, certaines amae furent ciselées ou décorées de pierreries. Il ne faudrait pas croire cependant que les burettes ou aiguière fussent toutes en métal. Selon les époques nous en trouvons avec ou sans pied, avec ou sans anses, en cuivre, en argent, en or, en bois, en terre cuite, en ambre ou en pierre. dures, en cristal de roche. Le plus souvent, ce sont des vases d’origine orientale, rapportés des Croisades ou de pillages en pays lointains. Les orfèvres se sont ingéniés à faire de ces vases des objets d’art élégants, portant la marque de leur époque.
L’aiguière est un grand flacon de métal précieux dont la panse est surmontée d’un goulot étroit et d’un bec ; une anse facilite le versement de l’eau, un pied rond en assure la stabilité sur le bassin (mieux nommé « gémellion »), vasque large et peu profonde. Il est recommandé qu’elle ne soit pas ornée de croix ou d’image de saints, n’étant pas en soi un vase sacré. Au XIXème s., on y fait souvent figurer les armes de l’évêque, à l’usage duquel elle est en principe réservé. Elle est toujours accompagnée d’une serviette ou d’un manuterge pouvant être posé sur un plateau. Les burettes sont le plus souvent de verre ou de cristal, pour permettre de bien distinguer le vin et l’eau qui vont être versés dans le calice. Le métal précieux est cependant admis. Si les burettes sont opaques, un signe distinctif doit marquer celle qui contient du vin. Il convient qu’elles soient munies d’un couvercle en métal ou d’un bouchon en verre, ce qui dispense de les couvrir du manuterge. Les liquides sont ainsi protégés d’éventuels petits visiteurs extérieurs !
Utilisation
Les burettes servent à verser le vin et l’eau dans le calice à l’offertoire, puis pour la purification du calice et des doigts du prêtre lors des ablutions qui suivent la communion. L’aiguière fut longtemps l’apanage de l’évêque et employée exclusivement lors de la Messe pontificale. À la Messe pontificale, les acolytes la présentent à l’évêque avant sa vestition, à l’offertoire pour le lavabo, et au moment des ablutions. L’évêque se lave aussi les mains après avoir conféré des onctions d’huile, après la confirmation, aux ordinations, aux consécrations des églises et autels, mais aussi après le Mandatum (lavement des pieds) du Jeudi Saint.
Le prêtre peut aussi recourir à l’aiguière en certaines circonstances : après l’administration du baptême, après la distribution des cierges, des cendres, des rameaux, etc. Un acolyte présente la serviette, tandis que le second verse l’eau avec l’aiguière.
La cuiller sert au prêtre ou au diacre à prendre de l’eau dans la burette pour la verser dans le calice à l’offertoire.
Pour les curieux…
Une petite cuiller (labis), apparue en Syrie au VIIème s., sert encore aux Grecs et aux Coptes catholiques pour distribuer la Sainte Communion sous l’espèce du pain imbibé du Précieux Sang.
Le terme bien connu de « burettes » vient quant à lui du vieux « buirette », dérivant de « buye » qui signifie « buis », parce qu’elles étaient faites parfois de ce bois.