Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« PAR LUI, AVEC LUI, EN LUI ! »

Lectio divina pour la solennité de l’Epiphanie Année C
Is.60, 1-6 Eph.3, 2-6 Mt.2, 1-12.

Heureusement que l’Eglise fait mémoire dans sa Liturgie de cette fête de l’Epiphanie ! Parce que sans elle, le mystère de Noël resterait incomplet, ou du moins incompréhensible. Car en effet, comme nous dit Saint Paul : Dieu révèle à travers Ses apôtres -et Paul lui-même- Son mystère. Et quel est ce mystère de Dieu ? C’est que tous les hommes, -ceux qu’il appelle les païens- sont appelés à la connaissance de Dieu, à la Vie éternelle !

C’est au petit reste d’Israël que Dieu se manifeste à Noël…

La grande nouvelle dont Paul nous fait part, c’est cette universalité du Salut : la catholicité de la Rédemption. Et si nous nous tournons vers le mystère de Noël, nous nous apercevons qu’effectivement le Salut commence, puisque Dieu vient à la rencontre de l’homme, Dieu se fait visible, Dieu se fait proche. Il vient chez l’homme pour être totalement lui et pour que l’homme soit totalement en Lui.

Mais cette visibilité semble réservée à la fine fleur du peuple juif.

En effet nous pouvons déjà réfléchir à ce paradoxe du mystère de Noël : Dieu se fait visible, mais à qui ? A ce que l’on pourrait appeler la fine pointe, l’apex du peuple juif : Marie, Joseph et les pauvres, les anawims, ce « petit reste » d’Israël concrétisé par quelques bergers.

Quel honneur ! Quelle révélation du sens profond de l’Alliance éternelle que Dieu a passée avec ce peuple qu’Il s’est choisi. Marie, Joseph et les anawims sont les premiers à connaître la visibilité de Dieu !

Mais alors, le mystère reste inabouti ! Qu’en est-il de tous les autres hommes ? D’ailleurs, comment Dieu qui, si l’on peut dire, a du mal à se contenir dans Sa Trinité, pourrait-Il se contenir dans une étable ?

A l’Epiphanie, Dieu dévoile au monde entier Sa visibilité !

Aussi, le premier acte du Salut, la première conséquence, le fruit immédiat de la descente de Dieu sur la terre, c’est la manifestation au monde entier !

Manifestation de Dieu : tel est le sens précis du mot épiphanie. Dieu dévoile à toutes les nations, représentées ici par les Mages exprimant la gentilité, le monde connu, Dieu manifeste au monde entier sa visibilité.

Et ce message de l’Epiphanie, fait partie intégrante du mystère de Salut que nous avons célébré à Noël. C’est pour cela que sans l’Epiphanie, Noël reste incomplet.

A tel point que Matthieu, Juif s’adressant aux Juifs, risque le tout pour le tout et lui seul, malgré les conséquences que cela va avoir dans sa proclamation évangélique, va préciser à ses auditeurs, dans son évangile, cet épisode des mages.

Ce n’est pas Luc, le Grec, c’est bien le Juif, Matthieu, qui a saisi la plénitude de ce mystère et qui, à ses risques et périls, va annoncer à ses coreligionnaires que le Christ, le Salut s’exprime, (non pas devient car il a toujours été universel, mais s’exprime) dans son universalité. Dieu dévoile donc au monde entier Sa visibilité.

Dieu dévoile Son être de Père à travers le Fils.

Voici un autre point sur lequel nous pourrions réfléchir : l’union entre le Père et le Fils.

En effet, Dieu se dévoile en tant que Père et Père des hommes, non pas en Lui-même, mais par Son Fils. Nous avons déjà là toute la quintessence de l’Evangile de Jean, des discours après la Cène, du testament spirituel de Jésus : « Qui m’a vu a vu le Père. » Oui, voilà le mystère que nous célébrons avec l’Epiphanie : le dévoilement catholique, universel de Dieu qui se fait présent sur notre terre à travers Son Fils.

Cette visibilité de Dieu reste donc mystérieuse. Elle est, dans un certain sens, cachée : elle est sacramentelle. C’est pourquoi on a pu dire que « Le Christ est le premier sacrement du Père. »

Ce n’est pas la raison humaine, ce n’est pas la logique qui poussera les Mages, devant l’enfant, à reconnaître Dieu. Cette connaissance du Père et de Celui qu’Il a envoyé, Jésus-Christ, cette visibilité de Dieu qui donne la Vie -« La vie éternelle, c’est qu’ils Te connaissent »– cette connaissance de Dieu est un don de Dieu, une grâce, parce qu’elle reste sur notre terre, ici-bas, mystérieuse : « Nul ne va au Fils si le Père ne l’attire. »

Grâce, foi et rencontre…

A ce don de Dieu, à cette grâce, à cette attirance que Dieu dépose dans notre âme, va répondre notre foi, l’adhésion confiante.

Et c’est bien cette double action, d’abord celle de Dieu en l’homme qui dépose la grâce de l’attirance, puis la réponse de l’homme dans la foi qui accepte cette grâce, c’est bien cette double action qui est décrite par l’épisode des Mages.

L’étoile n’est que le signe visible de cette grâce intérieure, de cette lumière qui attire ces rois, ces astronomes, ces savants, peu importe, ces hommes qui ne font pas partie du peuple élu. Et la route si longue, entreprise par ces mages, n’est que le signe visible de cette réponse toute simple, sans questions car en pleine confiance, que ces trois hommes et leurs suites, ont faite à la grâce de Dieu. Double action : grâce et réponse par la foi.

Une merveilleuse et indicible rencontre des regards…

Quel est le fruit de cette double démarche intérieure de Dieu vers l’homme et des Mages dans la foi, dans l’adhésion toute aussi intérieure à cette lumière ? Quel est le fruit premier ? Quelque chose d’absolument merveilleux : c’est la rencontre !

La rencontre à l’étable, dans le silence de la crèche. Une rencontre des regards… De même que Dieu s’est émerveillé de la disponibilité de Marie, Jésus s’émerveille de ce premier fruit de la Rédemption, de cette présence de trois Grands, de trois puissants de la terre.

Il y a sûrement eu un échange de regards entre ces hommes mûrs et dépositaires d’un énorme pouvoir, à genoux devant l’Enfant Dieu, et ce Dieu enfant qui les regarde et qui comprend, dans cette posture d’adoration, le premier fruit de Sa présence !

Adorer Dieu, c’est marquer son désir de se convertir vers Lui…

Le texte originel de Matthieu (tronqué par le lectionnaire dominical) précise qu’ « ils se prosternèrent et adoraverunt eum. » Ils L’adorèrent, c’est-à-dire ils tournèrent vers Lui leurs bouches, ad os, ad orare. La bouche exprime la parole, la pensée, l’esprit.

Le premier fruit de la grâce de Dieu à laquelle ces hommes ont répondu dans la foi, c’est la conversion de l’esprit, avant même toute parole. Ce ne sont que des paroles silencieuses qui entourent Jésus et les Mages. Ce sont deux extases réciproques, les mages tournés vers l’Enfant Dieu, l’Enfant Dieu tourné vers ces trois hommes qu’Il ne connaît pas humainement, mais dont Il saisit le sens profond de la présence.

« Et ils s’en retournèrent par un autre chemin. »

Conversion de l’esprit, conversion de la pensée : ces hommes qui ne voient plus que ce petit…

Et puis, deuxième fruit de cette démarche de Dieu qui envoie Sa lumière, et de cette réponse de l’homme qui adhère dans la foi : c’est la dynamisation de cette rencontre statique et silencieuse.

On ne peut pas connaître Jésus sans L’aimer. Et si l’on aime Jésus, toute notre vie se centre sur Lui, peu à peu bien sûr. C’est la conversion du cœur qui accompagne la conversion de l’esprit.

Après le fruit de la foi qui est la vision de Dieu, c’est notre cœur qui se retourne vers son objet, vers son amour, ce cœur qui est le moteur de ma vie, ce cœur qui est le moteur de ma tendance vers l’accomplissement de ma personne, ce cœur qui m’oriente vers ce que je vois être mon bonheur.

Après avoir converti leur esprit, c’est-à-dire l’avoir tourné vers l’Enfant Dieu, les Mages convertissent cet élément si essentiel à leur vie, cet organe qui palpite et dont les hommes ont fait le symbole du mouvement, de la volonté, de l’amour, de l’aller-vers : « Et ils s’en retournèrent par un autre chemin. »

« Je suis la voie, la vérité, la vie ! »

Voilà la conversion de la vie. Cela ne veut pas dire qu’il faille changer de condition, nous dit Paul. Cela veut dire que là où Dieu me trouve, là où Dieu m’a pris, je dois mettre la lumière de  Dieu, cette lumière contemplée par les Mages, cette lumière qui a converti mon esprit, cette lumière que je découvre dans ma vie de prêtre, de laïc, d’homme, de femme, de jeune ou de personne âgée, de riche, comme de pauvre.

Ma vie n’est plus ma vie. Ma vie est éclairée par une autre lumière, ma vie est éclairée par cette présence de l’Enfant Dieu. Ce n’est plus moi qui possède ma vie, c’est ma vie éclairée par Jésus qui me possède, me fait avancer, me comble en me faisant me donner à ce qu’elle me présente…

Ce n’est plus ma vie que j’aime, c’est Jésus dans ma vie. Ce n’est plus vers moi que je regarde, tout en marchant dans la vie, c’est vers Celui qui se fait le Compagnon de ma route, en même temps que la Route elle-même, en même temps que son terme.

« Celui qui me suit aura la lumière de la vie… »

Dans cette fête de l’Epiphanie, dans notre Rencontre qui reproduit avec autant de force la Rencontre entre les mages et Jésus à la crèche, nous devons mendier trois grâces.

D’abord, cette grâce de la foi qui nous fait répondre à la lumière de Dieu, à son attirance.

Ensuite la grâce de la conversion de notre esprit : que notre esprit soit tourné vers ce « Soleil de Justice », vers cette Vérité qui se donne.

Et enfin, que par cette connaissance mystérieuse et imparfaite que nous avons du Père à travers le Fils, notre vie soit illuminée du sens que Dieu lui donne ! Que nous acceptions ce sens et que nous donnions à notre personne, à nos actes, à nos paroles, l’orientation ainsi voulue par Dieu !

En un mot, que toute notre vie soit convertie, soit retournée vers Celui d’où nous venons qui est également Celui vers lequel nous devons marcher !

Je vous souhaite une belle et sainte année nouvelle et vous assure de ma prière dans l’Eucharistie offerte en ce jour à toutes vos intentions !

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

Retrouvez la lectiodivina quotidienne (#twittomelie, #TrekCiel) sur tweet : @mgrjmlegall