La jeunesse de Dieu
Pourquoi aimons-nous chanter en grégorien ? Ce chant si ancien exprime avec une étonnante jeunesse l’élan des âmes vers Dieu. Nous ne cherchons pas à le conserver, mais à en vivre !
Grégorien… Résonnant diversement aux oreilles, ce mot insolite sent pour certains la cire et l’encens, rappelle l’atmosphère mystérieuse d’une crypte romane, évoque pour d’autres la rigidité d’un collège des années 1950 ou l’intransigeance d’une certaine arrière-garde, pour d’autres encore la sérénité zen et tendance d’un rayon de disques, au milieu des musiques ethniques et des livres sur le yoga.
Pourquoi accorder aujourd’hui de la valeur à cette forme de chant dans la liturgie communautaire et paroissiale ?
Il s’agit surtout répondre à un encouragement de l’Église. D’après le concile Vatican II, il est « le chant propre de la liturgie romaine ; c’est donc lui qui, toutes choses égales d’ailleurs, doit occuper la première place » (Sacrosanctum Concilium, n°116).
Composé surtout du VIIe au XIIe siècle et toujours chanté depuis, redécouvert et restauré avec enthousiasme depuis un siècle et demi, ce chant est un bien précieux des fidèles : l’Église ne souhaite pas qu’il tombe en déshérence ni qu’il soit laissé aux moines comme derniers conservateurs talentueux d’une vénérable vieillerie.
Pourquoi cet attachement ?
Parce que si « le rôle de la musique est d’abord de rendre sensible la sainteté de la parole » (A. Charlier), c’est certainement cet immense répertoire d’antiennes, de psalmodies, de pièces variées qu’on appelle introïts, graduels, hymnes, séquences, répons, alléluias, traits, communions, qui y parvient par excellence.
Chacune de ces mélodies a sa place dans l’année liturgique, de la plus simple à la plus recherchée. Elles méditent, savourent et expriment les versets de l’Écriture qu’elles ont pour étoffe. Elles le font à la fois dans une grande sobriété de moyens musicaux et dans une infinie variété, une fraicheur qu’il faut du temps pour goûter. Le chant grégorien est d’abord un langage qui mène l’âme au mystère de Dieu. Il s’agit de nous abreuver à cette source spirituelle.
Ce n’est pas non plus à contrecœur ni par un pragmatisme résigné que les prêtres de la Communauté Saint-Martin célèbrent dans leurs paroisses des messes où l’on chante, comme partout ailleurs, en français sur des mélodies plus neuves… Ces formes de chant ont leur beauté et leur place souvent indispensable dans la prière des fidèles. Mais cela n’empêche pas d’initier peu à peu une assemblée à quelques fleurons du trésor grégorien. « L’expérience prouve qu’il n’est aucune chorale, aucune assemblée, si humbles soient elles, qui ne puissent être formées suffisamment pour goûter le chant grégorien, en exécuter dignement la part qui lui revient et parvenir à une interprétation qui soit prière. » (Dom Cardine, OSB)