Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
SI NOTRE CŒUR NOUS CONDAMNE, LUI NE NOUS CONDAMNE PAS !
Lectio divina pour le deuxième dimanche Pâques – Dimanche de la Divine Miséricorde – Année B
Traditionnellement ce dimanche dans l’octave de Pâques était appelé dimanche « in albis » parce que les catéchumènes qui avaient été baptisés pendant la nuit pascale revenaient participer à l’Eucharistie durant laquelle ils déposaient leur vêtement blanc reçu la nuit de Pâques, – aube, alba, blanc, in albis. C’était en quelque sorte la fin de la lune de miel.
« Comme des enfants nouveau-nés… »
Comme pour nous ! Baptisés, nous avons passé huit jours à ruminer sur les textes, sur les chants, sur le message de la fête de Pâques, en particulier de la Vigile. Nous avons été, comme les nouveaux baptisés, dans la joie et le bien-être. J’oserai cette comparaison de l’enfant qui est in utero, dans le sein de sa mère, au chaud, dans le silence, dans des conditions parfaites. A tel point que Bérulle priait en disant « Oh ! Si Jésus avait pu rester dans le sein de Marie, pour ne pas participer et communier à toutes les souffrances qu’il a connues !… »
Voilà donc cette octave de Pâques où les catéchumènes, nouveaux baptisés, nous-mêmes, étions dans ce silence, je dirais : ce confort amoureux du sein de notre Mère qu’est l’Eglise.
Et voilà que les catéchumènes doivent sortir et commencer à être responsables, à vivre, d’une certaine manière, autonomes, à se nourrir, non plus en intra, mais du lait de la mère, d’où cet Introït, ce chant d’entrée qui a donné au dimanche son nom de Quasimodo resté célèbre : « Comme des enfants nouveau-nés ont soif du lait qui les nourrit, soyez avides du lait pur de la Parole. »
« … Soyez avides du lait pur de la Parole. »
L’Ecriture, Pierre plus précisément, ne nous demande pas d’être avides de chocolat, mais bien de la Parole de Dieu ! Seule la Parole nous développe, nous fait grandir. Nous l’avons vu dans la Vigile pascale. C’est par la Parole de Dieu que nous a été révélée l’Alliance. C’est par la Parole de Dieu, qui s’est faite chair, que nous avons vu Dieu ! C’est ensuite la Parole de Dieu, incarnée, qui s’est sacrifiée par Amour. C’est toujours la Parole de Dieu, sacrifiée, ressuscitée, qui se donne en nourriture.
Tout au long des lectures et de la liturgie de cette Vigile pascale, nous avons pu entrer dans cette compréhension et cette communion à la Parole. La Parole faite chair dans l’Incarnation ; la Parole sacrifiée dans la Rédemption ; la Parole nourrissante dans l’Eucharistie ; la Parole, enfin, salvatrice. Car, comme dit Jésus, et rapporté par saint Jean au chapitre six : « Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie. »
Celui qui voit le Christ, celui qui croit, celui qui croit en cette Parole, sera sauvé. Oui, la Parole sauve : « …et je le ressusciterai. » Cette Parole dite dans la synagogue nous renvoie à un épisode ultérieur, c’est l’épisode du Bon larron.
« Avec moi, aujourd’hui même, dans le Paradis ».
A la Croix, crucifié à côté de Jésus, il voit, il croit : « Seigneur ! Lorsque tu reviendras dans ta gloire, ne m’oublie pas. » Et Jésus lui promet la Vie : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » Jésus et le bon larron sont devenus tellement proches qu’ils sont indissociables pour la vie éternelle : « Avec moi, aujourd’hui même, dans le Paradis ! »
Et nous retrouvons peu ou prou, cette relation de Jésus avec les pécheurs, les larrons que nous sommes tous par rapport à notre vocation baptismale, à notre vie religieuse, à notre sacerdoce… On en prend et on en laisse, quand cela nous arrange…
« Mon Seigneur et mon Dieu ! »
Avec ce deuxième dimanche de Pâques, nous retrouvons la même relation avec Thomas, l’apôtre mais aussi l’incrédule ! Le bon larron a attendu les derniers moments de sa vie, pour faire le saut dans la Vie. Et Thomas est le dernier apôtre à avoir exprimé sa foi.
Et comme le bon larron qui fait, à la minute même une entrée dans la Vie éternelle, Thomas fait lui aussi, par sa profession de foi, le saut dans une communion parfaite, ce que les autres apôtres ne font pas : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Exclamation, proclamation de foi que beaucoup de chrétiens ont appris à faire quand le prêtre élève l’Eucharistie à la consécration.
Nous voyons comment, en poussant jusqu’au bout le curseur de la trahison (ce que je n’invite cependant pas à faire), on peut, non pas grâce à nous mais grâce à la Miséricorde de Jésus, basculer dans la profession de foi et entrer dans la communion d’amour parfait : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »
« La Miséricorde issue de mes entrailles… »
Ne sommes-nous pas envieux ? N’aimerions-nous pas être à la place du bon larron. Nous aimerions faire ce saut dans la Foi. Nous pourrons le faire tout à l’heure : Voir ! Croire !
C’est d’ailleurs pour cela que saint Jean-Paul II a mis en lumière les révélations de Jésus à sœur Faustine. On y comprend qu’il n’y a pas que le bon larron ou Thomas à recevoir cette Miséricorde. Chacun d’entre nous est appelé à la recevoir, sortant des entrailles du Sauveur, comme Il le révèle à sœur Faustine : « La Miséricorde issue de mes entrailles… » Oui la Miséricorde sort de Ses entrailles, comme Jésus, à l’Incarnation, est issu des entrailles de Marie, ou encore comme le lait qui nourrit le nouveau-né, comme ce Lait qu’est la Parole qui nourrit le baptisé en jaillissant du sein de l’Eglise.
Nous voyons comme tout se rejoint avec l’analogie de la foi. Tout se rejoint dans la douceur, dans la tendresse et la délicatesse de la Miséricorde : le bon larron : « Aujourd’hui, avec moi, dans le Paradis », Thomas : « Thomas ! Ne sois plus incrédule mais croyant », nous mêmes : « Bienheureux ceux qui croiront sans avoir vu. »
Aucun reproche de la part de Jésus ! Ni au larron, ni à Thomas. Ni à nous-mêmes, quand, après avoir déversé nos trahisons, nos lâchetés, nos faiblesses au sacrement de la Réconciliation, le prêtre nous dit de Sa part : « Je te pardonne tous tes péchés. »
Jésus est la Miséricorde. Comme Il le dit lors de Son apparition à Marguerite-Marie, Il est la Miséricorde « pour sauver le monde ». Pour recréer l’homme.
« Jésus répandit sur eux son souffle… »
Le récit de l’Evangile met en image cette recréation de l’homme, lorsque Jésus souffle sur Ses apôtres, rappelant le Souffle initial qui plane sur les eaux et donne la vie dans le récit de la Genèse.
Soufflant Son Esprit d’Amour partagé avec le Père sur Ses apôtres, Il les recrée et ce faisant, Il crée l’Eglise. Comme Il nous recrée lorsque nous entrons dans l’Eglise par le Baptême et qu’à cette occasion « l’amour de Dieu est diffusé dans notre cœur par l’Esprit qui nous est donné » comme disait Paul.
Et quel est le premier effet de cette recréation opérée par le Christ dans la puissance de l’Esprit d’Amour ? Le pardon des péchés : « Les péchés que vous délierez seront déliés. Les péchés que vous retiendrez seront retenus. »
Le Salut, c’est la Miséricorde. La Miséricorde c’est le pardon des péchés. Le pardon des péchés, c’est la paix de l’homme avec son Dieu, avec ses frères, avec lui-même, c’est l’unité.
C’est pourquoi Jésus dira à sœur Faustine que tant que les hommes ne rejoindront pas la Miséricorde, tant qu’ « ils n’entreront pas dans la compréhension de la Miséricorde, il n’y aura pas de paix dans le monde. »
« Seigneur, prends pitié du pécheur que je suis… »
Au Sanctuaire de Montligeon on insiste sur la Miséricorde, pas seulement sous son aspect historique, telle que le bon larron nous la montre avec force, mais dans son aspect d’éternité comme l’exprime la prière pour les âmes du purgatoire.
Qu’est-ce(-)que le purgatoire ?
C’est lorsqu’une âme va se retrouver devant le Christ, face à face, et qu’elle n’a pas accompli toute sa purification, comme c’est le cas le plus souvent. Elle n’a pas vécu toutes les épreuves avec une foi et une charité suffisamment grandes… Comme Thomas, comme le bon larron, elle a peiné, elle a retenu, elle n’a pas cru, elle n’a pas suffisamment donné…
Et lorsqu’elle arrive devant le Christ, Celui-ci lui délivre encore un temps illimité, que nous ne pouvons pas compter, que Lui seul connaît dans Son éternité, le temps nécessaire pour achever cette purification, c’est-à-dire pour prendre conscience et de l’Amour de Jésus et de ses refus d’aimer Jésus.
Ce temps représente comme une confession, comme un repentir, comme une double reconnaissance permanente répandue aux pieds de Jésus comme au sacrement de la Réconciliation : reconnaissance de l’Amour infini du Sauveur et reconnaissance des trahisons de l’âme en réponse à cet Amour.
« Elle a beaucoup aimé car il lui a été beaucoup pardonné… »
C’est ce que l’on appelle, dans la vie spirituelle, l’état de componction qui se caractérise par les larmes de joie devant l’Amour divin et les larmes de repentir devant nos refus d’amour…
L’âme, au lieu d’être condamnée, Jésus l’accepte et va y puiser la plus petite des étincelles de foi et d’amour pour leur donner à nouveau la possibilité de grandir, de se développer jusqu’à vêtir l’âme de cette componction parfaite dont la Madeleine, pleurant sur les pieds de Jésus, est une représentation à la fois forte et exquise.
On peut dire que le purgatoire, bien loin d’être un lieu de souffrance, est le symbole le plus achevé de la Miséricorde de Dieu, présente en Jésus.
Je nous invite donc, en ce dimanche de la Miséricorde, à réformer notre pensée sur le purgatoire. Le purgatoire n’est pas un mini-enfer, ou un enfer transitoire, passager, c’est au contraire un lieu de délices, où l’âme se rend compte, devant la grandeur de l’Amour de Dieu, que ses réponses ont été vraiment trop infimes, trop petites, trop mesquines. Elle en prend conscience, elle en demande pardon, elle se purifie et elle accède peu à peu, dans cet Amour de Jésus qui lui est offert, à la sainteté.
« Le saint est un pécheur qui continue d’essayer… »
Pour terminer, revenons, après le purgatoire et la contrition, au bon larron et à Thomas.
Qu’est-ce(-)qui est important dans l’acte du bon larron ? C’est la liste de ses fautes, de ses crimes, de ses péchés ? Non ! On ne les connaîtra jamais d’ailleurs. Ce qui est important dans l’épisode du bon larron, c’est le pardon de Jésus. Ce qui est important dans cet épisode ce n’est pas l’aveu de la faute, c’est la confession de l’amour.
Lorsque nous allons nous confesser, nous avouons nos fautes. Cela n’a aucun intérêt. Tout prêtre le dira après des années de confessionnal : cela n’a aucun intérêt. On sait tout : ce que tout le monde fait, ce que tout le monde a fait et ce que tout le monde est capable de faire et fera ! Ne nous imaginons pas originaux dans nos fautes !
Par contre ce qui a de l’intérêt, de la puissance, c’est la confession (c’est à dire la reconnaissance) que nous faisons de l’amour, du pardon de Jésus. C’est cela que veut dire le mot confession : c’est confesser, au sens du martyr qui confesse, cet Amour de Jésus pour nous, Sa Miséricorde, qui va nous laver.
« Il y a plus de joie au ciel pour un seul pécheur qui se convertit… »
Dans le purgatoire c’est la même chose. Comme pour le bon larron, comme pour Thomas. Ce qui compte, ce n’est pas le temps de purgation, c’est que l’âme qui est au purgatoire confesse, c’est à dire proclame, solennellement, publiquement, l’Amour infini et la Miséricorde de Dieu !
Pensons y lors de notre prochaine confession ! Pensons que ce qui intéresse l’Eglise, dans le secret du confessionnal bien sûr, ce qui intéresse l’Eglise, ce qui intéresse le Ciel, ce qui donne de la joie au Ciel, c’est cet aveu de l’Amour de Jésus qui pardonne, et non pas la liste de nos petits péchés.
Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.
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